Reckless (Ed Brubaker/ Sean Phillips)

Reckless est un comics composé d’histoires complètes indépendantes les unes des autres mais formant un seul et même portrait, celui d’Ethan Reckless.

Descente aux enfers

Alors qu’Ethan aimerait qu’on le laisse tranquille dans son vieux cinéma, un couple d’amis le supplie d’enquêter sur la disparition d’une de leur proche.
Cédant une dernière fois, il se retrouve sur les routes de San Francisco pour une affaire qui, selon lui, relève du simple adultère.
Il n’imagine pas encore que cette histoire va le pousser dans ses derniers retranchements.

La vengeance d’une femme bafouée

Une méthode bien rodée

Depuis son premier volume, Reckless a toutes les qualités d’un bon polar à l’américaine.
Il faut dire que le duo Ed Brubaker et Sean Phillips est un habitué du genre.
Et ce ne sont pas leurs oeuvres précédentes, de Sleepers à Criminal, qui nous prouveront le contraire.

Avec Reckless, tout est assez simple.
Les intrigues, à base de corruption, chantage, meurtre ou traffic de drogue exploitent, avec précision et une dose de cynisme, la décadence de l’Amérique des années 80 .
C’est brutal, sans concession, comme un bon coup de poing en pleine tronche.

Tout est à l’image de son personnage principal : Ethan Reckless.
Le type est bourru, solitaire et ne trouve au final le réconfort que dans son vieux cinéma à regarder des films en noir et blanc.
Il est vrai que dernièrement, le bonhomme s’est ouvert.
Il accepte même les remarques acerbes de sa collaboratrice Anna mais dans l’ensemble, il aimerait qu’on lui fiche la paix.
Enquêteur n’est franchement pas une vocation pour lui.
Il a un don pour taper sur les gens et il faut bien gagner sa croute mais cela s’arrête là.
D’ailleurs, les auteurs montrent le peu d’intérêt qu’il porte à cette nouvelle enquête, au moins dans un premier temps.

Descente aux enfers a tout d’une fin de cycle.
Sur le tome précédent, qui laissait la part belle à Anna, Ethan était absent.
Ce volume répond à cette interrogation  » Mais où avait-il disparu ? »
Et la réponse nous amène sur un chemin particulièrement éprouvant qui commence par cette banale affaire de disparition.
Puis, au fil de ses recherches, le détective met à jour certains secrets et découvre les horreurs cachées du passé de cette femme.
Une femme du nom de Rachel qu’il retrouvera, qu’il aidera et qu’il aimera.

Car Descente aux enfers est plus qu’un simple polar, c’est un coup de foudre percuté par la tragédie.

Un coup de foudre inattendu

Arrivée à point nommé

Avec ce dernier volume, Ed Brubaker ne va pas ménager son personnage fétiche.
Cette intrigue, dernière d’un cycle avant une pause bien méritée, explore au plus profond l’âme ( et le coeur ) d’Ethan Reckless.
C’est peut-être ce qui frappe et qui émeut le plus dans cet album.
L’homme est profondément bon.
Certes, il a un caractère tranché et n’hésite pas user de violence quand cela lui semble nécessaire mais il y a des choses auxquelles sa morale répugne.
Et ce qu’a subi Rachel va le mettre dans une profonde colère.

D’une certaine manière, il souffre pour elle et c’est sans doute ce qui va les rapprocher.
Les sentiments que porte Ethan à Rachel sont sincères, même si leur attachement ne peut que s’interpréter au travers de la situation qu’ils vivent.
D’ailleurs, avant de raconter cette histoire à Anna, il n’imagine même pas être tombé amoureux de cette femme.
Le mot n’est d’ailleurs jamais prononcé par aucun des deux protagonistes.
C’est aussi ce qui rend la fin de l’histoire et surtout son épilogue encore plus tragique.

Un duo emblématique

Un style brut et radical

Cela fait tellement longtemps qu’ils collaborent ensemble qu’on a du mal à imaginer les dessins de Sean Phillips sur d’autres scénarios que ceux d’Ed Brubaker.
Pourtant, le dessinateur a longtemps bourlingué de John Constantine, aux X-men et même sur les méconnus Wild Cats.
L’auteur britannique s’est affirmé comme un acteur incontournable de la scène comics, avec un trait sec, nerveux et attaché aux atmosphères sombres et réalistes.
Le western, les super héros, le fantastique, l’horreur et le récit social, Sean Phillips ne se met aucune limite, aidé en cela par les folles idées de son collègue de toujours.

Depuis quelques temps, il collabore activement avec son fils Jacob Phillips qui se charge de la colorisation.
Si certains regrettent la palette d’Elizabeth Bretweiser, Jacob Phillips perpétue les ambiances nocturnes et glauques de la série.

En résumé

Reckless d'Ed Brubaker et Sean Phillips n'est certes pas la plus originale des collaborations du duo mais elle frappe par l'efficacité et la justesse de ses histoires. 

Enquête après enquête, on s'attache de plus en plus à notre détective bourru et à son acolyte Anna, qui aura même l'honneur d'un album rien que pour elle.

Reckless se positionne parfaitement dans la tradition du polar
"américain "hard boiled", où la vie des personnages prime sur l'enquête.
Et du premier au dernier tome, on ne peut qu'être séduit par la proposition de nos deux auteurs.

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