Mots Tordus et Bulles Carrées

Soloist in a cage (Shiro Moriya)

A force de s’étendre, la cité-prison est devenue une véritable ville où croupissent les criminels de tous bords, sans aucune possibilité de pouvoir en sortir.
Avec le temps, des unions se sont créées et des enfants sont nés.
Chloé et son petit frère Locke font partie de cette génération qui n’a connu que la prison comme lieu de vie.
Sans nouvelle de ses parents, Chloé a la charge du jeune nourrisson.
Heureusement, elle a, sans le savoir, l’aide de Ross Sandberg qui dépose au pas de sa porte un peu de nourriture.
Mais le mercenaire prévoit de s’évader avec sa bande en laissant à nouveau seule la jeune fille et son frère.

Continuellement emprisonnés

La cité-prison

Entrée dans la la ville-prison

L’idée même d’une cité-prison a quelque chose d’un peu désuet.
Alors que beaucoup de récits de science fiction pointent, avec raison, les bouleversements climatiques à venir, Soloist in a cage ( Ki-oon )de Shiro Moriya retrouve cette ambiance « oppression sécuritaire » qui faisait fureur dans les années 90/2000.
Si le côté Fortress peut paraître un poil caricatural, il reste assez efficace pour mettre en exergue la cruauté humaine et la radicalité autoritariste qui en découle.

Dès les premières pages, le ton est donné.

La cité-prison.
Une ville où sont enfermés des criminels de toutes sortes et dans laquelle on entre pour ne jamais sortir.

On comprend ainsi deux choses.
La population de la cité est en partie faite de criminels mais celle-ci est multiple.
Il n’y a pas d’échelle de valeurs et la justice de ce monde n’hésite pas à mélanger le simple fraudeur avec la pire des crapules.
A partir de ce constat, la méfiance est de mise car une simple ballade peut se terminer en massacre.
Le danger est partout. Encore plus pour des enfants qui s’avèrent des proies faciles.

Car dans cette cité-prison, le pardon n’existe pas.
Un fois qu’on y entre, impossible d’en sortir.
Les robots gardiens servent essentiellement à empêcher les évasions et ne s’occupent aucunement de la sécurité des prisonniers , quelque soit leur âge ou leur condition.

Au final, c’est chacun pour soi.
Enfin, c’est ce qu’on pourrait croire.

La lumière au bout du tunnel

Des émotions qui s’entremêlent

Alors que l’ambiance et les thématiques qui parsèment l’oeuvre de Shiro Moriya sont particulièrement sinistres, la mangaka accorde néanmoins un peu de place à l’espoir.

Si l’intrigue est forcement sanglante, l’auteur n’use pas gratuitement de cette violence.
D’ailleurs, elle est assez rare et il ne la met pas particulièrement en évidence, contrairement aux quelques moments de générosité qui parsèment le récit.

C’est d’ailleurs ce qui caractérise le personnage de Chloé.
A 7 ans, elle doit élever son frère toute seule.
Consciente du danger qui l’entoure, elle garde cependant le sourire.
D’une certaine façon, elle peut faire penser à Roberto Benigni qui, dans la Vie est belle, divertit son fils pour rendre invisible la violence qui l’entoure.
Chloé est un personnage lumineux mais qui doit lutter contre une rage qui peut l’emporter à tout moment.
Si elle se met aussi à user de violence, c’est avant tout pour aider mais aussi pour remplir la mission qu’elle s’est donnée : retrouver un frère qu’elle pense avoir abandonner.
Elle ne tue pas par plaisir ce qui l’oblige à lutter contre des remords viscéraux.

Les rencontres qu’elle fera à partir du tome 2 renforce ce côté protectrice , douce et sauvage à la fois.
L’auteur a l’intelligence de ne pas faire trainer son intrigue et d’amener les révélations au bon moment, permettant une évolution des rapports dans un groupe d’enfant en emprise avec le « mal absolu ».

Au final, Soloist in a cage rappelle, par certains aspects, Gunm de Yukito Kishiro.
Si le manga de Shiro Moriya est beaucoup moins brutal, on retrouve cette opposition entre un monde angoissant et l’espoir qui peut émerger d’une partie de l’humanité.

Un style graphique en pleine maturation

Un trait dense et percutant

Graphiquement, on s’approche du trait de Yukito Kishiro mais aussi de Makoto Yukimura.

En effet, si les personnages, et notamment les enfants, respectent les codes assez classiques du manga, ils se démarquent par un encrage rond agrémenté de multiples traits apportant profondeur et expressivité.

Mais, avant tout, Shiro Moriya est un maître de l’ambiance graphique.
Sa mise en page est dynamique et parfaitement maitrisée, notamment lors des scènes d’action où la tension est particulièrement palpable.
Grâce à des décors soignés et des aplats minutieusement additionnés, il immerge le lecteur dans une atmosphère suffocante et oppressante.
Certains trouveront que les teintes grises sont trop présentes mais elles permettent un contraste assez malin avec des blancs qui peuvent surgir de n’importe où.
Surtout quand ce blanc symbolise une lame de couteau.

En somme, Shiro Moriya montre de grandes qualités graphiques et sait parfaitement les mettre au service de son récit.

En résumé

Soloist in a cage de Shiro Moriya est un récit sombre qui décrit avec justesse le double visage de l'humanité. 
L'innocence de la petite Chloé contraste avec la violence des criminels qui peuplent les rues de la cité-prison mais aussi celle des gardiens qui préfèrent ignorer les horreurs qui se perpétuent dans leur édifices.

Avec ce manga, Shiro Moriya démontre un véritable talent graphique qui ne demande qu'à s'exprimer au fil des pages.

La série contiendra 3 tomes

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