Violette est une jeune fille radieuse qui rêve d’accompagner son père dans ses missions de bûcheron de l’espace.
Mais quand celui-ci disparaît lors d’une opération secrète, la jeune fille part à sa recherche, aidée par deux étranges compagnons : Elliot le poulet et Zacchée le dernier des Lumpkims.
Pourront-ils échapper à la diarrhée de baleine qui menace la voie lactée ?
De nombreux personnages atypiques et attachants
Avec Space Boulettes, on retrouve Craig Thompson sur un récit de science-fiction jeunesse assez éblouissant.
Si, à première vue, cela peut paraître surprenant, il ne faudrait pas oublier que l’auteur s’était déjà frotté à l’esprit cartoonesque sur un court récit : Goodbye Chunky Rice.
On pourrait mentionner l’humour ou le rythme détonant de ce comics mais le point majeur de Space Boulettes reste ses personnages emblématiques
Nombreux, ils gravitent quasiment tous autour de Violette, noyau central de l’intrigue.
Ainsi, si sa famille (et la famille en général) n’est pas la thématique principale, elle n’en est pas moins un axe majeur qui tisse de nombreux liens entre les acteurs de l’histoire.
C’est d’ailleurs un des aspects les plus touchants dans Space Boulettes ; d’autant plus quand on sait que Violette trouve son inspiration dans la propre fille de Craig Thompson.
On comprend ainsi mieux l’attachement qu’on ressent pour ce noyau, soudé malgré l’adversité.
Cette thématique se retrouve aussi auprès des amis de Violette.
Zacchée, derrière son côté nonchalant et ses pics continuels, cache une véritable sensibilité.
Après tout, n’est-il pas le dernier de son espèce ?
Et pour autant est-il vraiment seul ?
Elliot, c’est un peu l’opposé. Du moins, c’est ce que l’on pense au départ.
Créé artificiellement par un père qui s’en est très vite éloigné, le jeune poulet se caractérise par une rigueur teintée de foi religieuse.
La religion reste un aspect récurent des oeuvres de Craig Thompson, lui-même étant croyant.
Elle est amenée par petites touches, sans aucun prosélytisme et est même gentiment moquée par Zacchée.
Chacun d’entre eux, au final, fait face à diverses cellules familiales : aimante, absente, inadaptée.
Mais la vision de Craig Thompson prône l’ouverture d’esprit et prouve que ce sentiment familial n’est pas forcement lié par le sang.
Un sous-texte écologique
Derrière cette aventure aux multiples rebondissements se cache le message d’un auteur inquiet pour le monde qu’il habite.
Sans trop en dévoiler, l’espace fait face à une catastrophe majeure : la diarrhée de baleine.
Si, un peu comme Violette au départ, on rigole de la situation, on ne s’imagine pas en réalité l’impact d’un tel évènement sur les populations environnantes.
Destruction de logements et population qui s’exile, les ravages sont immenses.
Mais comment faire face à un évènement qu’on ne contrôle pas ?
Apparement rien à faire, sauf si ces catastrophes sont causées par l’Homme, que ce soit volontaire ou non.
Avec ce sous texte écologique, Craig Thompson veut montrer au jeune lectorat que le changement est encore possible.
Cependant il met en garde envers une science qui peut-être sourde aux effets qu’elle peut provoquer.
On notera un certain cynisme de la part de Craig Thompson qui choisit, sûrement volontairement, la baleine comme menace alors que, dans notre réalité, l’espèce est menacée.
Le génie de Craig Thompson
On connaît Craig Thompson pour Blankets ou Habibi, d’immenses romans graphique en
noir et blanc et aux hachures vibrantes de matières.
Avec Space Boulettes, il opère un virage.
Si ces pages fourmillent toujours autant de détails et que sa narration est des plus inventives, il étonne par la simplification massive qu’il a apportée à sa technique d’encrage.
Beaucoup plus classique sur la forme, il laisse davantage de place à une couleur dont l’apport est primordial pour un récit axé jeunesse.
Et qui d’autre que Dave Stewart pouvait s’atteler à un telle tâche ?
Il fait partie des rares coloristes à pouvoir moduler sa technique suivant le style du dessinateur avec lequel il collabore.
Quasi monochrome sur Mike Mignola, il s’éclate ici avec une palette aux couleurs chatoyantes qui rendent hommage à la richesse graphique de l’univers de Craig Thompson.
Une véritable symbiose s’opère entre les deux artistes, donnant lieu à un émerveillement graphique.
Une belle réussite.
En résumé
Avec Space Boulettes, Craig Thompson s'éloigne, occasionnellement, des récits adultes pour nous concocter une aventure familiale réjouissante. Son graphisme, plus cartoon qu'à l'accoutumée, offre une véritable richesse graphique tout en laissant une belle place aux merveilleuses couleurs de Dave Stewart. Si son style s'allège, il n'en est pas moins généreux et l'inventivité de ses mises en pages envoutera les jeunes lecteurs qui oseront s'attaquer à cet énorme pavé. Quant à l'aventure, elle cache en son sein une réflexion écologique malheureusement encore d'actualité. Un récit à découvrir ou à redécouvrir.
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