Un nôtre pays de Claire Audhuy et Suzy Vergez, édité par Rodéo d’âme, a d’abord été une pièce imaginée pour les jeunes spectateurs. « Afin d’évoquer avec eux ce sujet si douloureux des réfugiés« . Puis, il est devenu un album et enfin un théâtre d’ombres et dessiné. Depuis 2004, Claire Audhuy, auteure et metteure en scène, crée « des performances artistiques à la croisée des arts qui composent le spectacle vivant : théâtre, musique, marionnette, illustration…« . Elle oeuvre à faire connaitre le théâtre documentaire et la poésie du réel.
La guerre et la migration à hauteur d’enfant
C’est d’abord le titre qui a attiré mon attention. « Un nôtre pays » dit tout : l’ailleurs et l’appartenance, la fuite et l’accueil.
Ensuite, l’illustration de Suzy Vergez, très simplement, montre l’enfant qui doit partir, sa valise et sa mère-coquelicot à la main, à travers un paysage symbolique d’arbres et de montagnes.
Et c’est là toute la force de cet album.
Les mots simples et poétiques de Claire Audhuy pour dire la guerre qui survient, la peur de mourir, le chagrin de la mère et ce qu’on peut emporter de son pays vers l’ailleurs.
Les dessins, tracés et tamponnés, de Suzy Vergez pour visualiser ce voyage, ses risques et le bonheur de retrouver une vie paisible.
Donner corps et âme aux réfugiés
Le parti-pris de Claire Audhuy est celui du théâtre et de la poésie du réel. En effet, Un nôtre pays raconte le voyage d’un petit garçon et de sa maman, obligés de quitter leur pays à cause de la guerre pour trouver refuge vers un pays d’accueil. Ce parcours effrayant et dangereux est celui de beaucoup d’autres. Il prend corps ici à travers ce personnage de P’tit Bonhomme et de sa Maman coquelicot.
Les mots sont ceux de l’enfant qui voit le monde à travers ses émotions et son imagination, terriblement justes.
Je voulais prendre toute ma maison avec moi, mais c’est trop lourd.
Maman m’a dit de prendre les cent ciels.
J’ai cru que ça voulait dire de prendre : le ciel de pluie, le ciel de nuit, le ciel d’été et celui d’hiver.
Saisir le monde à travers les mots de sa mère, la violence de la guerre, le déracinement et l’urgence de fuir, passe par la poésie. Parce que le réel est trop dur et incompréhensible pour un enfant.
La métamorphose de la mère en Maman-coquelicot, la métaphore de la guerre en gigantesque tigre ou encore celle de la mer, Reine symbolisée par une baleine jaune, sont autant de symboles de l’imaginaire enfantin pour dire la douleur et la rudesse de ce long chemin.
L’album est évidemment à lire à voix haute pour faire entendre celle de P’tit Bonhomme. Cette voix qui se questionne, qui a peur, mais qui peut sourire aussi.
L’équilibre entre les mots de l’autrice et les illustrations simples et colorées de Suzy Vergez portera les jeunes lecteurs-auditeurs. Lire Un nôtre pays, c’est suivre un jeune exilé puis réfugié jusqu’à son pays d’accueil. Ressentir ses émotions et « semer » enfin la guerre. Trouver de nouveaux amis et vivre, tout simplement, comme un enfant.
Pourquoi lire Un nôtre pays ?
Claire Audhuy et Suzy Vergez mettent en mots et en images le voyage d'un jeune réfugié et de sa maman avec beaucoup de simplicité et de justesse. Le récit que fait P'tit Bonhomme de son périple et de son arrivée dans ce nouveau pays qui va devenir le sien est à la fois touchant, poétique et terriblement réaliste.
Car comme le dit l'autrice dans sa dédicace : il faut "se rappeler aussi que sur d’autres routes, certains n’ont pas autant de chance que P’tit Bonhomme. Et que, parfois, le « nôtre pays » reste juste un rêve…"
Un album nécessaire.
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