Mots Tordus et Bulles Carrées

Asadora (Naoki Urasawa)

Asadora a 12 ans quand, en 1950, un terrible typhon menace sa ville natale. 
Dynamique et fougueuse, elle n’hésite pas une seconde à foncer à la recherche d’un médecin pouvant soigner sa mère enceinte. 
Mais la menace qui couve est peut être encore plus dangereuse qu’elle n’y parait…

le renouveau de la méthode Urasawa ?

une remise en question salvatrice

Asadora en danger

Naoki Urasawa annonce la couleur dès le départ.
Asadora ! est le surnom d’un feuilleton fleuve qui met en scène une jeune héroïne devant faire face à des évènements qui l’amèneront à trouver sa destiné.

Ces dernières années, le mangaka était en perte de vitesse.
Que ce soit Billy Bat, qui n’a jamais réussi à retomber sur ses pattes, ou le Signe des rêves, simple « produit de commande » pour le musée du Louvre, la méthode Urasawa montrait ses premiers signes de faiblesse. 
Alors quand Kana a annoncé la publication de sa nouvelle série en 2018, une légère appréhension a pointé le bout de son nez : la crainte d’être à nouveau déçu ! 

Graphiquement, c’est toujours aussi impeccable.
On retrouve avec délice son trait fin et détaillé, des visages immédiatement reconnaissables mais aussi une maitrise totale de la mise en page accompagnée d’un sens inné du suspense.

Malgré tout, la double page d’introduction du premier tome fait craindre la redondance avec une scène nous évoquant fatalement 20th Century Boys
Si on ajoute en plus une Asadora bondissante, filant bille en tête, affronter les bourrasques de vent au mépris de tous les dangers et on se retrouve avec un Kenji « version féminine ». 

Heureusement, l’intrigue ne s’arrête pas aux liens évidents que n’importe quel lecteur ferait avec les oeuvres précédentes du mangaka. 
La comparaison entre Kenji et Asa n’est d’ailleurs pas anodine. 
Si Kenji est l’image quasi parfaite du héros, Asa s’avère beaucoup plus naturelle et réaliste que son homologue masculin. 

Des personnages attachants

La passion d’Asadora : les avions

Lors des premiers tomes, Asadora n’est encore qu’une jeune fille.
Cette dernière a perdu ses parents mais elle refuse de croire en leur mort.
De ce fait , elle se retrouve à pourchasser une chimère l’amenant à développer une véritable passion pour l’aviation.

L’avion fait partie des évènements marquants de sa vie.
Et ce n’est sans doute pas un hasard si quand on la retrouve adolescente, elle est au commande d’un de ses bolides.
Un avion qui lui permettra d’affronter cette étrange créature qui, comme Asadora, parcourt le manga de son empreinte.

Si la personnalité de la jeune fille est symbolisée par son dynamisme, elle n’en reste pas moins une jeune fille avec des envies somme toute basique pour son âge.
La scène de la radio dans le tome 6  en est le parfait exemple : ses responsabilités viennent percuter des désirs simples d’adolescentes. 
Cependant, le tome 7 montre sa détermination et les risques qu’elle prend pour mener sa mission à bien.
Une persévérance qui est la marque des héros et héroïne de Naoki Urasawa.

D’ailleurs, si Asa reste le personnage principal, Shôta, son meilleur ami, semble plus connecté à la réalité de son pays.
S’entrainant depuis le plus jeune âge à la course, il est déterminé à participer aux Jeux Olympiques. 
Amoureux d’Asa, son évolution est sans doute la plus intéressante à suivre et reflète d’une certaine façon, la carrière passée d’Urasawa, consacrée au manga de sport.
Cependant, le tome 7 est un moment de bascule pour le personnage l’emmenant vers une pente de plus en plus glissante.

La nostalgie d’un Japon face à une menace inévitable

En route pour les Jeux Olympiques

L’auteur se penche sur la destinée de la jeune fille pour mieux nous raconter l’évolution du Japon à partir des années 50.

Naoki Urasawa est né en 1960 et une certaine nostalgie transparait dans les écrits de l’auteur depuis 20th Century Boys dont certains éléments étaient basés sur des souvenirs d’enfance. 
Avec Asadora!, il assume à fond cet aspect en appuyant son récit sur les grands moments de l’histoire de son pays avec en ligne de mire les jeux olympiques. 

Par ses références historiques, culturelles et sociètales, Asadora! rend hommage vibrant au pays du soleil levant.

Une structure plus classique

Si on retrouve tous les marqueurs du mangaka, la structure se veut, malgré tout, plus linéaire. 
Certes, la série va faire un petit bon dans le temps à la fin du tome 2, mais on est loin des ellipses temporelles de 20th Century Boys ou de Billy Bat
Si on y perd en complexité, on y gagne en fluidité. 
Les évènements s’enchainent avec rapidité et la menace s’en retrouve d’autant plus présente.
Rien ne semble pouvoir l’arrêter. 
D’ailleurs, il est agréable de voir que l’auteur ne traine pas son histoire dans un suspense de façade.

On pourrait craindre un essoufflement au fil des épisodes, surtout au vu de l’ambition de la série, mais en s’éloignant de l’habituelle complexité narrative qui a fait son succès (mais aussi ses échecs), il semble vouloir écrire un récit plus « posé » avec une finalité claire et loin de l’obscurité métaphysique d’un Billy Bat

Si cela peut surprendre voire frustrer, il est rassurant de voir que le mangaka a su remettre en question certains de ses tics.
Si on ne peut pas parler de renouveau complet, on est au moins rassuré de le voir inspiré par cette tranche de vie teinté de fantastique.

En résumé

Avec Asadora!, Naoki Urasawa tente de renouer avec le principe original du manga : celui du feuilleton. 
Multipliant les personnages et les thématiques, il n'en oublie pas, cette fois-ci, de simplifier sa trame principale, tout en développant des personnages attachant.es.

D'une certaine façon, il réussit à faire ce qu'il avait échoué à faire avec Billy Bat : réunir les obsessions qui lui sont chères dans une seule série. 

Pour lire nos avis sur : Space Boulettes et le coeur des louves

Bulles Carrées

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