Chevalier Brayard (Zidrou / Francis Porcel)

Le chevalier Brayard est de retour au pays après de longues années de croisade.
Accompagné du jeune moinillon Rignomer, ils croisent sur leur chemin la princesse Hadiyatallah.
La lignée de la jeune ottomane semble attiser les convoitises mais pourrait bien permettre au chevalier Brayard d’exaucer un de ses souhaits : repartir au plus vite à l’aventure.

Un âge pas si moyen que cela

Chevalier Brayard est la 3eme ( et la dernière, pour le moment ) collaboration du duo Zidrou / Francis Porcel.
Après s’être penchés sur la Première guerre mondiale avec Folie Bergère puis sur le monde médiéval mais par le biais d’un conte sombre et réaliste avec Bouffon, les auteurs se retrouvent sur une intrigue, pertinente d’un point de vue historique, mais beaucoup plus mainstream.
Si Bouffon est la face sombre de l’imagerie médiévale, celle de Chevalier Brayard s’avère plus joviale, si on peut vraiment utiliser un tel adjectif pour cette période.

Un trio atypique

Une otage guère docile

Zidrou est un véritable expert de la nature humaine, utilisant avec maitrise son sens inné du dialogue.
Et, avec Chevalier Brayard, il se régale.
Usant (sans en abuser) de dialectes et d’expressions désuets, ils nous plongent, avec une facilité déconcertante, dans une époque lointaine.

De ce point de vue, nos personnages principaux en sont de parfait symbole.
Déjà, la combinaison parait étonnante : un chevalier, un jeune moine et une princesse ottomane en fuite.
A priori, rien ne prédestinait à une telle rencontre.

Brayard est l’archétype même du chevalier.
Et il ne porte pas ce nom-là par hasard.
Il braille, chante, éructe, parle fort et surtout, aime se battre.
Sur les premières pages, ses chansons enjouées montrent la gaieté du guerrier sur le retour.
Cependant, il va vite déchanter.
Entre une femme qui le trompe avec son frère manchot et des enfants qu’il peine à reconnaitre et dont il ne se sent pas proche, l’ennui pointe vite le bout de son nez.
Et il ne lui faut pas grand chose pour sauter sur son cheval et repartir loin de cette demeure.

Pour le moine Rignomer, la situation est plus complexe.
Il n’est franchement pas valeureux.
Au combat, il est du genre à se cacher dans un fourré plutôt que se jeter dans la bataille.
Il avait une mission assez simple : ramener les reliques de Bertrude la chaste.
Mais voilà, dans un charnier, rien ne ressemble plus à un squelette qu’un autre squelette.

Les deux gaillards voient dans la quête de la princesse Hadiyatallah une occasion d’échapper à un quotidien morne.
Mais la jeune femme est une cachotière et son caractère trempé, impose le respect.
D’une certaine façon, elle est la percée d’un certain modernisme dans un monde englué dans un obscurantisme profond.

Ensemble, et malgré une histoire et des missions différentes, ils vont apprendre à se connaître, s’apprécier et s’épauler.
Ainsi, Brayard sort de sa carapace de gros balourd pour montrer une forme de paternalisme attachante.

Une vision moyenâgeuse décalée mais réfléchie

L’engagement religieux

Il existe une multitude de récits historiques consacrés au Moyen-Âge.
Certains sont même plus documentés que le récit de Zidrou et Porcel.
Mais derrière ce divertissement, les auteurs mettent en scène un environnement historique cohérent qui pousse à la réflexion.

Bien sûr, l’écriture de Zidrou y joue un rôle important.
Teinté de cynisme, le scénariste nous dépeint une époque où seule la religion se fait l’écho de la morale.
Mais cette morale est un peu particulière.


« Ils ont eu droit à un jugement de Dieu en bonne et due forme : on les a jetés dans une marmite d’huile bouillante.
Ils n’en sont pas ressortis vivants, ce qui prouve – si besoin en était – qu’ils étaient coupables.  »

— Scorback, Chevalier pointilleux

Cet extrait fait référence, avec beaucoup de finesse et d’intelligence, aux ordalies.
Ainsi, ces jugements, tous plus improbables les uns que les autres, devaient démontrer l’innocence ou non d’un accusé.
Or, au vu du châtiment, il était quasiment impossible d’en ressortir vivant.

D’ailleurs, le récit montre assez bien la main mise de la religion sur les esprits.
Cela peut paraitre étonnant mais l’ensemble de la population était croyante.
Personne ne remettait en cause les préceptes de l’église chrétienne.
Ainsi, quand la princesse Hadiyatallah montre son incompréhension, elle est le reflet d’une vision étrangère qui n’a pas été éduquée selon les principes de cette foi.

De la même manière, nous retrouvons assez bien les caractéristiques de la vie quotidienne d’un seigneur.
Ces hommes passent, notamment lors des croisades, un bonne partie de leur vie au combat et une autre en faisant la fête dans un domaine qui leur sont totalement inconnu.

Le trait ravageur de Francis Porcel

Une façon de combattre très personnelle

Alors que Bouffon et Les folies bergères, étaient bien plus sombres, Francis Porcel adopte pour Chevalier Brayard une approche plus colorée avec des tons ocres et bleutés.

Au niveau du style, le trait de Francis Porcel est fin et détaillé.
Sans tomber dans une multitude de détails, à force de documentation, ses planches font preuve d’une certaine minutie et reproduise assez fidèlement l’ambiance de ce passé lointain.
Les vêtements, les environnements ( château, église, enluminures, vitraux… ) sont variés et montrent la richesse graphique d’un auteur inspiré.
Très à l’aise dans les ambiances sombres, il prouve, comme il le fait encore régulièrement, sa grande maitrise des noirs et blancs, offrant des scènes de nuit très réussies.

Au niveau de la mise en page, on est plutôt sur des choix classiques (découpage en 3, 4 bandes et cases en gaufrier) ce qui ne l’empêche aucunement d’apporter du dynamisme sur les quelques scènes d’action.

Chevalier Brayard est une belle réussite démontrant, à ceux qui en doutait, tout le talent de Francis Porcel.

En résumé

Chevalier Brayard de Zidrou et Porcel est une bande dessinée historique divertissante, démontrant, une nouvelle fois, les qualités d'un duo solide. 

Derrière le divertissement drôle et haletant, Zidrou se montre fin dialoguiste en mettant en scène un trio attachant dans une ambiance moyenâgeuse parfaitement retranscrite.
Quant à Francis Porcel, il offre pour cette troisième collaboration, une de ses meilleures prestations, amenant un peu de clarté dans un univers graphique habituellement sombre.

Ludique, drôle et passionnant.

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