Le même jour, 3 lycéen.nes tentent de mettre fin à leur vie.
Reprenant connaissance à hôpital, iels se découvrent des pouvoirs et décident de s’enfuir.
Jusque là, seuls Lightning Volt et sa soeur, Thunder Girl, héros en charge de la protection de la ville, en possédaient par hérédité.
Mais ces nouveaux détenteurs, réprimés par la société, ne comptent pas servir le « bien ».
Une mythologie qui s’étend à travers le monde
Evol : Des super héros à la sauce japonaise
Les super-héros font partie intégrante de la culture américaine et de nombreux auteurs rendent hommage à cette mythologie.
En France, la Brigade chimérique de Serge Lehman et Gess ou FoxBoy de Laurent Lefeuvre en sont de parfaits exemples.
Des séries comme Zetman de Mazakazu Katsura ou plus récemment My Hero Academia de Kôhei Horikoshi montrent aussi cet intérêt grandissan.
Cependant, la vision de l’héroïsme au Japon correspond avant tout aux attentes de leur public.
Pour faire simple, les super-héros japonais sont bien plus liés aux codes du manga qu’à ceux du comics.
Pourtant, Atsushi Kaneko va y trouver une source d’inspiration propre.
Avec Evol, il propose une intrigue aux relents de The Boys, où le cynisme sert ici de critique sociale.
On est guère étonné de retrouver l’auteur de Search and Destroy, Bambi, Deathco ou Wet Moon sur un récit super-héroïque.
Il faut avouer qu’il en comprend toutes les spécificités et les nombreuses possibilités qui lui sont offertes.
Plus proche du comics indépendant que du manga de super-héros, Atsushi Kaneko impose son point de vue.
Après un permier tome, plutôt introductif, le mangaka se déchaine et construit petit à petit sa propre mythologie.
La fin du troisième volume d’Evol clôture ce qui peut être vu comme une introduction.
Les « vilain.es » ont pris du galons mais leur tâche n’en sera pas moins ardus.
Ils ont maintenant des adversaires à leur hauteur les obligeant à se remettre en cause.
Combattre la colère par le Mal
La scène d’introduction d’Evol résume assez bien la volonté de son auteur.
Une jeune musulmane est emprisonnée par un groupe terroriste.
Ces derniers lui reprochent sa tentative de suicide.
Cet acte puni par la religion la condamne à une exécution sommaire.
Mais, alors qu’ils s’apprêtent à l’abattre, la jeune fille découvre ses nouveaux pouvoirs et les extermine.
En prenant comme personnages principaux de jeunes adolescent.es suicidaires, Atsushi Kaneko s’intéresse en premier lieu à la colère et l’injustice qu’iels subissent.
Les pouvoirs, dont ils se retrouvent détenteurs du jour au lendemain, deviennent le moyen d’expulser leur frustration contre une société et des super-héros qui n’ont jamais été présents pour eux.
Nozomi, Akari et Sakura ont comme point commun une solitude qui les poussent vers des pensées suicidaires.
À priori, rien n’aurait dû les réunir.
Nozomi se voit comme un espèce de mutant.
Akari est la fille d’un commissaire « autoritaire ».
Quant à Sakura , elle cache une profonde solitude derrière un sourire constant et figé.
Akari est le reflet extrême de cette rage.
Sans doute parce qu’elle est celle qui a le plus de raison d’en vouloir à la terre entière.
Les flash-backs nous en apprendront plus sur les causes de cette colère.
Une colère et une haine qui au fil du récit enveloppera aussi Nozomi et Sakura.
Nozomi apprendra que ces choix peuvent avoir des conséquences dévastatrices.
Face à eux, se dressent deux super-héros : Lightning Volt et Thunder Girl.
Ils en possèdent tous les caractéristiques : costumes, alter égo, super pouvoirs et actes héroïques.
Mais l’auteur ne cache pas longtemps les manipulations qu’ils subissent, détournant la plupart de leurs actions.
Atsushi Kaneko s’attarde avant tout sur Lightning Volt et développe son instabilité psychologique.
L’homme est persuadé de faire le bien et attend la grande menace pour prouver sa valeur.
Ce groupe de vilain est une aubaine pour lui.
Mais fait il le poids ?
L’auteur profite d’ailleurs des tomes suivants pour développer une mythologie super-héroique unique.
Si celle-ci se rend plus présente au fil des tomes, ses objectifs n’en sont pas moins clairs.
Evol, à la croisée de nombreux styles
Atsushi Kaneko a un parcours atypique.
Plus jeune, il rêvait de devenir réalisateur et s’est retrouvé mangaka un peu par hasard.
Malgré tout, ses influences, allant de Tarantino à David Lynch, restent attachées au cinéma et à une culture américaine particulière.
Avec ce ton si particulier, il se montre amateur d’intrigues explosives peuplées de personnages hauts en couleurs.
Quand on ouvre, pour la première, un de ses mangas, on est frappé par un dessin qui semble au carrefour de multiples directions.
Son trait, caractérisé par un encrage massif et gras, se démarque par des noirs et blancs intenses le rapprochant d’auteurs américains tel que Paul Pope ou Eduardo Risso.
Sa narration, hautement cinématographique, montre un sens du cadrage et de mise en page assez exceptionnel.
Son travail, unique dans l’industrie japonaise, l’oblige à se passer d’assistants, expliquant l’utilisation très limitée de trames, notamment sur Evol.
Un minimalisme donnant des planches efficaces, ne se perdant pas dans des détails inutiles, tout en se concentrant sur l’essentiel : raconter une bonne histoire.
En résumé
Evol d'Atsushi Kaneko démontre toute sa perspicacité pour s'approprier le genre super-héroique.
Avec ses faux airs de The Boys, le mangaka aborde des sujets profonds tout en développant sa propre mythologie.
Sans concession, le récit est rude et non dénué d'un cynisme féroce.
Le scénario comme le dessin sont nourris par une multitude d'influences : japonaises, européennes et américaines.
Atsushi Kaneko est un mangaka à part et d'Evol en est une preuve de plus.
Dommage que le prix au tome reste assez prohibitif, dissuadant certain.es à se lancer dans l'aventure.
Pour lire nos chronique sur Punisher et Gaston Lagaffe