Punisher (Jason Aaron/ Jesus Saiz / Paul Azaceta / Dave Stewart)

Frank Castle, plus connu sous le nom du Punisher reprend du service en tant que leader de la Main, une dangereuse guilde d’assassins.
Ainsi, il cherche à mettre un terme aux activités des apôtres de la guerre et à démasquer leur chef.
Cependant, une question subsiste : pourquoi le Punisher collabore aussi facilement avec cette organisation criminelle ?

Punisher : un personnage polémique

Les différentes incarnations du Punisher

Le Punisher est un personnage hautement controversé dont les méthodes et l’imagerie amènent souvent à la polémique.
Archétype du anti-héros, le personnage a acquis une certaine réputation. Notamment depuis le run culte de Garth Ennis qui, d’une certaine façon, a posé les bases psychologiques d’un personnage complexe.

Cependant, ce succès a eu des effets pervers.
Alors que le Punisher est une pure incarnation de la vengeance et de la justice personnelle, le fameux crâne blanc, symbole qu’arbore Frank Castle, a été adopté par certains policiers et soldats américains comme étendard d’une pensée plus que douteuse.
Ce détournement politique, notamment de groupuscules de droite, a été immédiatement rejeté par son créateur Gerry Conway.
Il explique ce que sa création représente :

l’échec du sytème judiciaire mais aussi celui de l’effondrement de l’autorité morale et sociale

En somme, le Punisher est une mise en garde.
Et il est aberrant que des agents utilisent le symbole d’un anti-héros qui pense que la police ne sert plus à rien…
Sauf si eux-même ont la même réflexion et prônent l’auto-justice.
Ce qui, en un sens, est un problème bien plus grave.

Pour contrecarrer cette appropriation, Marvel, qui n’a aucun pouvoir pour mettre un terme à ce détournement, décide de mettre en pause la publication du titre en attendant de trouver une solution.

Celle-ci arrive sous la forme d’un auteur : Jason Aaron.

Un fond classique aux multiples interprétations

Un récit violent et décomplexé

Le maître de la Main

Il y a deux façons de lire cette nouvelle mouture du Punisher.

La première est primaire mais démontre tout le savoir-faire de Jason Aaron.
En effet, si ce dernier est en perte de vitesse depuis sa prestation sur les Avengers, il a su démontrer avec des titres comme Wolverine and The X-Men ou Thor, une véritable science de l’écriture du comics mainstream.
Son style, totalement modulable, se met au service des personnages sur lesquels il travaille tout en proposant des évolutions pertinentes et souvent originales

L’auteur connait bien le Punisher et l’ambivalence du personnage plaît au créateur de Scalped.
Cependant, sur la première mini-série, il a surtout suivi le chemin tracé de Garth Ennis en proposant une réécriture puissantes des origines du Caïd.

Sur cette nouvelle mouture, le scénariste américain décide de bouleverser le statu quo.
Ainsi, Frank Castle se retrouve … à la tête de la Main.
De la première scène jusqu’à la dernière, le ton se veut radical et sanglant.
Ce qui en fait, de fait, un titre à ne pas mettre entre toutes les mains.
En effet, Frank Castle n’aura jamais été aussi froid et violent que sur les premiers chapitres de la série.
Alors, certes ses hommes de mains ne tuent que ceux dont il a donné les noms mais sa méthodologie est profondemment différente.
De vengeur, il est passé à exécuteur, rendant ses actes encore moins justifiables que sous sa forme précédente.
D’ailleurs, la vengeance qui a longtemps servi d' »excuse » à la violence du personnage sera très largement remise en cause par le scénariste américain.
La conclusion est d’ailleurs assez culottés et met un terme , au moins d façon symbolique, au personnage du Punisher.

Plongée dans le passé de Frank Castle

L’intrigue, rythmée et dynamique, oscille entre le présent et le passé.
Ainsi, l’auteur va encore plus loin dans la psychanalyse d’un personnage qui, au fil du temps, s’avère de plus en plus instable.
Sur le premier tome, Jason Aaron revient sur l’enfance du jeune héros et nous dévoile un enfant rongé par la violence.
Violence éducative qui se lie à un dégout profond pour l’injustice l’amenant à commettre son premier crime.

Sur le second tome, le scénariste américain va plus loin.
Il nous montre un adolescent emplis de remords qui ne sait plus quoi faire pour combattre la haine qui le ronge de l’intérieur.
Le répit, il le trouver tout d’abord via une amitié hors norme puis par l’amour.
Jason Aaron est le premier à s’intéresser à sa rencontre avec Maria, de leur premier baiser à la naissance de leur premier enfant.
Le scénario est particulièrement machiavélique et l’évolution Frank, d’enfant violent à adulte instable est d’un réalisme assez déconcertant.

Sur le troisième, il se concentre sur ses derniers moments avec sa famille.
Il laisse d’ailleurs la parole à Maria qui s’avère être, elle aussi complexe et ambivalente.
Ses sentiments vis à vis de Castle était déjà contrasté avant la tragédie mais quelque chose la retenait auprès de lui.
Amour ou attirance malsaine ?
Peu importe, la femme de Frank essaie de croire jusqu’au bout dans la rédemption de son mari jusqu’à ce qu’elle comprenne, elle aussi, l’horreur de ses actions .

Détournement de symbole

Le jeune Frank Castle arborant un T-shirt de Captain America

Jason Aaron n’est pas du genre à avoir sa langue dans sa poche et sur ses comics « plus adultes », il a déjà exploré maintes fois la bêtise humaine.
A sa façon, l’auteur fait un gros bras d’honneur à tous ceux qui utilisent le symbole du Punisher à des fins peu recommandables.

Cela commence doucement avec un petit changement de look.
Plus qu’un nouveau costume, il lui enlève son symbole, ou du moins le modifie, le mettant en accord avec la guilde des assassins.
C’est un peu le deuxième effet Kiss Kool.
Car oui, Frank Castle est devenu le leader de la Main. Et en tant que tel, il ne peut plus être considéré comme un justicier ..
Le Punisher est maintenant un assassin et donc arborer son symbole, c’est arborer celui d’un assassin.
Et tout au long de ce récit, même si sa présence au sein de l’organisation a une raison, il se comportera en tant que tel.
Surtout que, au final, il n’a même plus l’excuse de la vengeance.
Sa femme lui retire elle-même ce droit.

De la même façon, en mettant le Punisher face aux apôtres de la guerre, il dénonce une nouvelle fois une utilisation inadéquate du personnage.
Il est aberrant de voir que certains membres de l’armée américaine voient l’anti-héros comme un modèle alors que Garth Ennis a clairement expliqué que le personnage est ce qu’il est … justement à cause la guerre.

Et de ce côté-là, Jason Aaron prolonge cette idée en s’intéressant à la jeunesse de Frank Castle.
Plutôt malin, il se sert de l’idolâtrie de Frank Castle pour Captain America et en fait le reflet de ce qui se passe avec les policiers et les soldats qui arborent le crâne blanc.
Comme ces derniers, Frank se sert de ce symbole mais ne le comprend pas.
Pire, il le salit en commettant un crime fondateur pour le jeune garçon.

Un détournement inconscient mais inacceptable.
Et c’est le message qu’assène à coups de crayon Jason Aaron.

Trio d’artiste pour illustrer un renouveau étonnant

Un seul coloriste pour un duo d’artistes

Graphiquement, c’est du solide.
Jesus Saiz s’occupe de la partie principale.
Son trait, plutôt classique pour du comics de super héros, est diaboliquement efficace.
Dans un style ultra-réaliste, l’auteur s’éclate sur des scènes d’action dignes de films hollywoodiens.
Il adopte une technique d’aplats qui, avec la couleur, donne un effet peinture à l’ensemble, renforçant le réalisme de son dessin.

Paul Azaceta s’occupe de la partie « souvenirs ».
Le style de l’auteur d’Outcast est plus marqué et correspond parfaitement au côté introspectif et psychologique voulu ici.
Son encrage épais donne un côté plus graphique qui dénote de façon astucieuse avec le réalisme de Jesus Saiz.

Et c’est le génial Dave Stewart qui a la charge de lier l’ensemble en modulant son style suivant les besoins des dessinateurs.
Si sur Jesus Saiz il multiplie les effets, au contraire, il adopte des couleurs plus primaires sur les dessins de Paul Azaceta.

Un travail de groupe qui démontre qu’un projet pensé du début à la fin, peut donner des merveilles.

En résumé

Sous ses airs de récit bourrin ultra-violent, la nouvelle mouture de Jason Aaron est en fait un coup de poing dans la face à tous ceux qui utilisaient l'image du Punisher à des fins douteuses. 

En faisant de Frank Castle un assassin combattant des fous de guerre, il enlève toute possibilité d'utiliser le personnage comme modèle et démontre, par le biais du passé de Frank, que les symboles sont souvent incompris par ceux qui les arborent à tort et à travers. 

Graphiquement, le travail en duo de Jesus Saiz et Paul Azaceta est parfaitement orchestré et mis en valeur par le génial Dave Stewart. 

Une reprise qui a le goût d'un must have et qui, d'une certaine façon met un point définitif au Punisher, au moins sous les traits de Frank Castle. 

Pour lire nos chroniques sur En avant la liberté et Sam Wilson : Captain America

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