Après s’être échappé de Fairyland, Gertrude peut enfin jouir d’une vie normale.
Mais la normalité est loin d’être simple quand on a passé une trentaine d’années dans le pays des rêves.
Impossible pour elle de s’intégrer comme l’exige la société.
Alors quand on lui demande son aide pour retrouver un gamin paumé dans Fairyland, elle n’hésite pas et se lance dans une aventure … qu’elle risque de rapidement regretter !
Retour à Fairyland
La première saison d’ I hate Fairyland de Skottie Young était un pur délire regressif comme on en fait rarement.
Après avoir oeuvré sur l’adaptation du Magicien d’Oz, le dessinateur américain s’est senti le besoin d’expulser des années de gentillesse et de mignoneries en créant Gertrude.
Et Gertrude, c’est un peu l’antithèse de Dorothée.
Elle est du genre à fracasser des crânes tout en insultant sa pauvre victime.
Tout cela sous le regard désabusé de son acolyte Larry, la luciole.
Skottie Young s’est amusé comme à fou à salir cette imagerie enfantine et comme des sales gosses, on a participé à cette franche rigolade.
Violent, grossier et idiot mais absolument hilarant.
Mais, il faut bien l’avouer que sur la fin, le parti pris s’est usé et la lassitude pointa son nez.
Il a donc fallu dire au revoir à Gertrude en lui laissant l’occasion de vivre (enfin) une vie normale.
Mais peut-elle réellement vivre une vie normal ?
Allez jusqu’au bout de ce fluffinggg délire !
Ramener Gertrude sur le devant de la scène semblait être un pari risqué.
Si j’aime beaucoup I hate Fairyland, je pense aussi que toutes bonnes choses a une fin.
Et en réalité, je n’avais pas vraiment envie de cette suite.
Malgré tout, il y a des livres qui arrive au bon moment.
Et Fluff Fairyland, nom donné à cette suite par Urban, apporte un réconfort essentiel.
Alors que l’actualité est de plus en plus compliquée, il y a quelque chose de gargarisant dans le personnage de Gertrude.
Et cette radicalité qui dit « merde » au monde qui l’entoure a un effet des plus libérateur.
En réalité, comment une jeune fille qui a passé 30 ans à dégommer divers créatures magiques peut s’intégrer dans le monde actuel ?
La « nouvelle » vie de Gertrude est loin d’être réjouissante.
Alcoolique, colérique, grossière, elle n’est pas faite pour vivre en socièté.
Surtout qu’une bonne partie des gens la prend pour une folle.
30 années dans le pays des rêves, qui peut y croire ?
Alors, quand la proposition s’offre à elle, elle n’hésite pas une seconde à replonger.
Gertrude symbolise parfaitement cette envie profonde d’expulser un ressentiment contre cette socièté qui ne cherche pas à la comprendre.
Ainsi, elle se casse et c’est avec un plaisir non dissimulé qu’on s’apprête à suivre ses nouvelles aventures.
Mais Skottie Young n’a pas l’intention de l’épargner.
Il faut dire qu’elle a le chic pour se mettre dans des situations impossibles au grand dam de ses nouveaux compagnons , Rotwald et Virgile.
Elle qui ne cesse de s’autocensurer à coup de Fluff va prendre cher sur ce premier volume mais elle ne sera pas la seule.
Skottie Young, comme à son habitue, est d’une générosité sans limite.
ça s’étripe, ça s’insulte, c’est méchant , souvent gratuit et totalement regressif.
Alors que la bande n’a pas encore mis les pieds dans Fairyland.
En effet le scénariste nous fait découvrir l’Inferno, un monde annexe où la moindre petites créatures peut t’arracher les tripes.
Le rythme est soutenue.
À l’instar de Gertrude et de ses acolytes, on a guère le temps de s’ennuyer.
L’auteur pousse même l’innovation avec un dernier chapitre rappelant les stages musicaux de Rayman Legends.
Alors oui, on peut reprocher à Skottie Young de ne pas avoir changer grand chose à sa recette.
Mais la formule fonctionne.
Fluff Fairyland assume à fond son côté sale gosse lançant des gros doigts d’honneurs à la bienséance.
Personnellement, c’est presque d’utilité publique.
Un remplaçant de marque
L’autre gros risque de Fluff Fairyland, c’es sa partie graphique.
En effet, Skottie Young ne reprend pas le dessin et laisse cette « charge » au non moins talentueux Brett Bean.
Les deux auteurs ont déjà collaboré ensemble sur la mini série Rocket & Groot.
On aurait pu craindre la comparaison mais si il y a forcement des points communs, le style de Brett Bean joue à fond la carte du cartoon pour adulte.
Le dessinateur explose littéralement les pages avec une imagerie burlesque absolument réjouissante.
Les pages témoignent d’un véritable sens de la narration et d’une inventivité constante à l’image de cette visite intestine particulière.
C’est crade, sanglant et assumé de bout en bout.
Les visages sont cabossés alors que d’autres sont le symbole d’une mignonerie un peu louche.
Je vous conseiller de jeter un coup d’oeil à son site pour vous convaincre du talent immense du monsieur
Au final, chaques dessinateurs représentent une période particulière de Gertrude avec en point commun un art du détournement gore et loufoque.
En résumé
Fluff Fairyland de Skottie Young et Brett Bean est une suite qui ne semblait pas attendue mais qui parait évidente.
Après 30 ans dans Fairyland et un bref retour à la vie normale, Gertrude reprend du service et c'est un plaisir immédiat de retrouver cette radicalité somme toute régressive.
Toujours aussi sanglant, grossier et hilarant, le scénario de Skottie Young nous laisse avec un sourir constant sur le visage, ce qui fait du bien au vu de la morosité ambiante.
Quant à Brett Bean, il est un remplaçant de luxe avec son style cartoon extrême, violent et terriblement inventif.
Un véritable délire jouissive !
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