Mots Tordus et Bulles Carrées

Hiraeth (Yukhi Kamatani)

Alors de Mika s’apprête à se jeter sous les roues d’un camion, elle est sauvée in extremis par un homme qui se prend le choc à sa place.
Cependant, à la grande surprise de la lycéenne, ce dernier n’a pas trouvé la mort.
En effet, Hibino est un immortel, accompagné d’une divinité qui s’apprête à vivre ses derniers jours sur Terre.
La jeune fille décide de les suivre dans un road trip, avec, au bout du chemin, l’espoir de retrouver une âme perdue.

Un road trip philosophique, entre mort et amour.

La mort vous va si bien !

Sourire à la mort

Hiraeth commence par une présentation assez brutale de son personnage principal.
Comme pour nos c(h)oeurs évanescents, Yuhki Kamatani résume le propos de son titre rien avec cette scène introductive.
Mais alors que Yukata Aoi pleurait à chaudes larmes en entendant une chorale, Mika se jette sous les roues d’un camion le sourire aux lèvres.
L’un pleure, l’autre rit mais, au final, c’est le point de départ à de nombreuses réflexions.

Et de réflexions, l’oeuvre en regorgera, ce qui d’ailleurs ne la rend pas forcement des plus accessibles.
Le sujet du manga, traversé par la tradition et un souffle délicieusement poétique, tient presque du questionnement philosophique : comment considérons-nous la mort ?

A travers ces 3 personnages, on explore 3 visions de cette fatalité.
Mika, en tant qu’humaine, n’a pas réfléchit à son acte.
Elle décide de sa mort pour rejoindre un être qui lui est cher et elle le fait avec le sourire.
Mais cet acte ne risque-t-il pas de rendre d’autres personnes de son entourage tristes ?
La jeune fille est au centre de tout.
Celle qui commence et termine le manga.
D’une certaine façon, sa propre évolution est la réponse à de nombreuses questions.

Hibino, en tant qu’immortel, ne craint pas la mort.
Contrairement à Mika, il a vu nombre de ses proches mourir et s’y est, fatalement, habitué.
Du moins, il espère le faire croire.

Quant à notre divinité qui va accéder au Yomi car plus personne ne croit en elle, elle n’a aucune aigreur.
Mais accepte-t-elle vraiment son destin ? Que recherche t’elle vraiment ?

A première vue, aucun d’entre eux ne semble avoir peur de la mort et chacun l’accepte ou l’accepterait avec plaisir.
Si pour Hibino, les choses semblent assez simples au vu de sa condition, elles paraissent plus compliquées pour Mika.
Les discussions avec Hibino et la divinité vont l’amener à cerner ses sentiments pour mieux accepter la tristesse qui la ronge.
C’est d’ailleurs une des grandes force de ce récit : son humanité.
Sans être tendre avec ses personnages, Yukhi Kamatani a un profond respect pour leur remises en question.
Elles sont fondatrices à un avenir meilleur, qu’il passe pas la mort …. ou l’amour !

A la recherche de l’amour ?

De puissantes émotions

Malgré une mort omniprésente, l’ambiance est loin d’être morbide.
Le ton se veut délicat, tantôt drôle , souvent sensible.
La nonchalance de Mika ou le côté taquin d’Hibino amènent des échanges croustillants agrémentés d’une pointe d’humour.

Bizarrement, la mort est liée à l’amour et, une nouvelle fois, les approches divergent.
Celle de Mika est la plus classique. Une amitié (seulement?) profonde la lie à une amie défunte et c’est par amour qu’elle n’hésite pas à franchir le pas vers la fin de vie.
La divinité est liée à l’amour que lui portent ses fidèles. Sans cela, son existence n’a plus lieu d’être.
Le troisième volume développera d’ailleurs son histoire et donnera de nombreuses réponses à certains liens indéfectibles.
Le.a mangaka la met en scène de façon étonnante, transgenre, comme une émanation d’elle-même (rappelons que Yuhki Kamatani s’est déclarée comme non binaire).

Hibino remplace la quête de la mort par celle de l’âme soeur.
Mais en enchaînant les relations à court terme et sans aucune pression, il démontre qu’il n’y croit pas vraiment.
L’amour éternel lui semble aussi interdit que la mort et pourtant, il se cache lui-même la vérité.
Veut-il cet amour ? Le redoute-t-il ?
Sans le savoir, cette quête le lie à une partie oubliée de son passé qui lui reviendra comme un coup de fouet pour une conclusion absolument bouleversante.

D’ailleurs, on notera que si le premier tome fait la part belle à Mika, les tome suivants se concentrent bien plus sur Hibino et la divinité.

Un dessin délicat et poétique

Souvenir d’une amitié perdue

Dans nos c(h)oeurs évanescents, le dessin de Yuhki Kamatani était encore en maturation malgré une vraie progression entre le premier et dernier tome.
Avec Hirateh, elle a passé un cap.
Si on retrouve avec plaisir ses fameuses doubles pages pleines de symbolisme, c’est avant tout l’évolution technique qui impressionne.

Son trait d’une grande finesse regorge d’une multitude de détails et ses personnages (notamment la divinité) se démarquent par l’élégance de leur design.
Le travail des expressions, qui était déjà son point fort, est ici décuplé, n’hésitant pas à jouer avec certains codes du Shojo.
Sa mise en page inventive apporte rythme et intensité.
Double page, cases biseautées et autres débordements permettent d’intensifier des moments d’émotions mais aussi de donner du dynamisme à un manga qui est avant tout une réflexion sur la vie, la mort et l’amour.

Le seul bémol viendrait des couvertures qui reflètent bien la poésie et l’imagerie de la série mais pourraient donner une impression de shojo trop appuyée alors que, graphiquement et scénaristiquement, on en est très loin.

En résumé

Hiraeth étonne à plusieurs titres. 
Que ce soit par l'intelligence de son propos, les réflexions qui en découlent ou la finesse de son dessin, Yuhki Kamatani démontre tout son talent pour explorer la nature humaine. 

Sensible, drôle et tendre à la fois, Hiraeth est une véritable bouffée de sentiments qui vous tiendra jusqu'à sa bouleversante conclusion. 

Une oeuvre aussi complexe qu'émouvante. 

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