Maco Suzukake est médecin pédiatrique talentueux voué à la santé de ses jeunes patients.
Il doit cette vocation à sa mère, elle-même pédiatre, décédée depuis d’une leucémie.
Ayant coupé les ponts avec son père, ancien directeur d’hôpital obnubilé par le rendement, il s’étonne de recevoir une lettre de sa part.
Ce dernier vient d’ouvrir un hôpital pédiatrique et aimerait que son fils intègre son établissement.
Est-ce que Maco pourra pardonner les erreurs de son père ? Et comment vi-il les retrouvailles avec un frère absent de sa vie depuis le décès de sa mère ?
Famille et système de santé
Le système pédiatrique au japon

Lorsqu’on ouvre les Enfants d’Hippocrate, on craint le cliché des intrigues multipliant les situations médicales aux termes techniques incompréhensibles.
Heureusement, Toshiya Higashimoto évite très largement cet écueil.
Si le langage hospitalier n’est pas occulté apportant la dose de réalisme nécessaire, il reste abordable et ne parasite en rien le discours des personnages.
Le mangaka n’est pas le premier à s’intéresser au domaine hospitalier.
Give my regards to Blackjack de Satô Shuho avait pointé du doigt dans les failles d’un système de santé allant jusqu’à la création d’une loi pour tenter d’y remédier.
Cependant, l’ambition de la série de Toshiya Higashimoto est plus modeste.
Elle est surtout la vision du système pédiatrique dans un pays vieillissant.
Un système symbolisé, au moins dans un premier temps, par le père de Maco qui n’hésite pas à fermer ce service pour faire des économies.
Et c’est dans cette opposition que tout se joue finalement.
Les enfants d’Hippocrate met, face à face, deux visions de la médecine.
D’un côté, une médecine humaniste symbolisé par Maco et de l’autre, une médecine du résultat (en pourcentage et en budget) que théorise à plusieurs reprises son frère Hideki.
Clairement, Toshiya Higashimoto a fait son choix.
Il montre, à travers Maco, que les médecins gagnent plus à écouter leurs patients sans se préoccuper de ce qu’ils coûteront à l’établissement hospitalier.
Cependant, il ne faudrait pas croire à une vision utopiste du mangaka.
L’auteur se rend bien compte que dans ce domaine rien n’est simple et que cette vision, aussi émouvante soit-elle, peut elle aussi avoir ses failles.
D’une certaine façon, le pragmatisme d’Hideki doit être aussi pris en compte.
Le manga enchaîne les cas mais restent liés par une unité commune, donnant une cohérence d’ensemble au manga.
La famille est à la confluence de toutes ces histoires.
Les service pédiatrique lui même peut être considéré comme une cellule familiale à laquelle l’auteur accorde un grand intérêt.
Médecin, infirmier, directeur , c’est ensemble qu’ils réussissent des miracles.
La famille selon Toshiya Higashimoto

Quand on y réfléchit, on comprend assez vite l’intérêt que peut porter Toshiya Higashimoto à la pédiatrie.
À l’instar de son oeuvre précédente, le bateau de Thésée, le mangaka utilise un genre particulier pour développer une thématique centrale : les liens familiaux.
Et quoi de mieux qu’un service pédiatrique pour analyser ces différentes situations ?
En premier lieu, nous la retrouvons dans la rancoeur qu’éprouve Maco vis à vis de son père et de son frère.
Elle trouve sa source dans un passé hanté par le décès de sa mère qu’il associe aux choix radicaux de son père.
Or, quand on le découvre pour la première fois, il n’est plus le même homme.
Son approche médicale semble avoir évolué et il espère que son fils lui pardonnera ses fautes passées.
Ce thème de la faute originelle qui explose une famille, était aussi au centre de le bateau de Thésée mais elle prend ici une tonalité plus émouvante.
D’ailleurs, à partir du tome 8, le mangaka revient sur cet acte lui donnant une explication.
Si cette idée lisse un peu le propos du manga, il l’utilise aussi pour mettre en scène des magouilles financières hallucinantes.
On retrouve aussi la cellule familiale dans les cas traités par Mako.
Un des plus intéressant est sans doute celui du chauffeur de taxi.
Cette histoire, condensée en 3 chapitres, met en scène une famille au bord de la rupture.
Malgré l’amour sincère de ce père, il n’arrive plus à épauler sa femme dans l’éducation de leur enfant.
Une situation complexe où le mangaka n’essaie pas de rejeter la faute sur l’un ni sur l’autre mais juste comprendre ce qui a provoqué ces ressentiments.
Cas après cas, il démontre toute la diversité des relations familiales qu’elles soient saines ou non.
Amour, manipulation, mensonge , amitié, les sentiments sont diverses et prennent tout leur sens quand la vie se retrouve chamboulée par un problème de santé.
La rigueur graphique de Toshiya Higashimoto

Comme sur le bateau de Thésée, Toshiya Higashimoto démontre de véritables qualités de mise en scène.
Son trait, certes loin de la fureur d’un Satô Shuho, est marqué par une sobriété qui laisse la part belle à des décors réalistes et des expressions reflétant l’humanité de son personnage principal.
Le mangaka s’est emparé du domaine médicale avec brio.
Le service pédiatrique est crédible et nous permet de rentrer sans aucun soucis dans cet univers médical.
Sa mise en page reste simple mais dénote d’une envie de ne pas en rajouter dans le pathos.
Là aussi, on apprécie cette sobriété qui lui permet d’être touchante sans forcement être larmoyante.
En résumé
Les enfants d'Hippocrate de Toshiya Higashimoto est un manga tendre, émouvant et attachant.
Prenant sa source dans le domaine pédiatrique, le mangaka continue son exploration de la cellule familiale, cette fois-ci à travers les patients mais aussi le personnel de l'hôpital.
Grâce à la sobriété de son dessin et de sa mise en page, Toshiya Higashimoto réussit à nous toucher sans nous apitoyer.
Un manga et un auteur à suivre, assurément.


Pour lire nos chroniques sur Give my regards to Black Jack et
Kersten, médecin d’ Himler
