Le bateau de Thésée est une expérience de pensée philosophique concernant la notion d’identité. Elle imagine un bateau dont toutes les parties sont remplacées progressivement. Au bout d’un certain temps, le bateau ne contient plus aucune de ses parties d’origine. La question est alors de savoir s’il s’agit du même bateau ou d’un bateau différent.
(source Wikipédia)

Shin est un futur père de famille qui cache un passé familial douloureux.
Alors qu’il était encore dans le ventre de sa mère, son père a été accusé du meurtre de masse de jeunes écoliers.
Revenant sur les traces de son village natal, Shin se retrouve projeté en 1989, juste avant que le crime n’ait eu lieu.
Bloqué, il va collaborer avec son père tout en retrouvant une vie de famille qu’il n’ a jamais connue.

Un genre balisé

Pour être tout à fait honnête, ma première impression, après la lecture du premier volume du manga de Toshiya Higashimoto, n’a pas été bonne.

Je sortais tout juste d’un autre récit policier, Erased de Kei Sanbe et l’idée m ‘avait paru très (trop ?) proche.
Il faut dire que les points communs étaient nombreux.
Un crime du passé, un impact sur la famille et un retour dans le temps.
Une impression de « déjà vu » avait obscurci ma vision.

Pourtant, le dessin de Toshiya Higashimoto était bien plus agréable que celui de Ken Sanbe et son écriture bien plus fine que les exagérations formelles d’Erased.

C’est sans doute pour cela que j’ai poursuivi la lecture.
Ainsi, j’ai pu comprendre qu’au final, l’enquête dans le bateau de Thèsée n’est qu’un prétexte pour développer une véritable structure familiale.

Une famille liée par la mort

La famille est clairement au centre de l’intrigue du Bateau de Thèsée.
Une mère aimante, un père policier insoupçonnable mais qui, dans quelques semaines, va être accusé d’un crime qui va détruire tous les membres de cette cellule.

Shin est dans une position délicate.
N’étant pas né à l’époque, il n’a aucun souvenir sur lesquels s’accrocher, à part ceux qu’on lui a racontés.
Même la relation qu’il entretient avec son père, son frère et sa soeur est forcement liée à la situation dans laquelle il se trouve et qu’il essaie d’éviter.
Cette vision radieuse de la famille est une sorte de radeau auquel il s’accroche pour continuer d’avancer.

Mais si son père n’est pas le coupable, qui peut avoir fait le coup ? Et pourquoi l’avoir accusé lui ?

Ce sont les questions auxquelles l’auteur va répondre après 10 tomes, qui petit à petit, vont se tendre psychologiquement.

Des personnages attachants

La force du manga tient avant tout à ses personnages.
Shin, forcement, est lié par cette relation nouvelle qu’il va se créer avec sa famille.
Devenant, petit à petit, l’oncle de confiance pour son frère et sa soeur, les rôles s’inversent.
Lui qui a toujours été le cadet devient l’ainé et se retrouve dans la position du protecteur de la famille.
Un rôle qu’il n’avait jamais pu exercer jusque là.
L’idée est, comme définie par le concept du Bateau de Thésée, de savoir si cette famille sera la même si les pièces sont changées avec le temps.

Les autres membres sont tout aussi attachants.
Même si le père de Shin reste le point central, les autres membres vont avoir chacun un rôle à jouer dans cette histoire, rendant parfois la tâche de notre héros bien complexe.

C’est une vision assez intéressante du concept de famille qui nous change du patriarcat de la société japonaise.
D’ailleurs, il y a ici une certaine modernité.

Comme le montre la dernière série du mangaka , les enfants d’Hyppocrate, ce dernier semble s’intéresser à la question familiale et au pardon, notamment dans les relations père/fils.

Une tension qui monte crescendo

Pourtant, il ne faudrait pas se tromper, l’auteur n’oublie pas qu’il met en scène une enquête et de ce point de vue, son puzzle est assez implacable.

Sur la première partie de la série, on est à la recherche du coupable.
Les doutes sur le père, comme on peut l’imaginer, vont être vite levés pour pouvoir se concentrer sur le véritable commanditaire de ces meurtres.
Qui est-il ? Pourquoi fait-il ça ? Une véritable course contre le temps s’engage.

Et c’est là tout le talent de son auteur qui, même en dévoilant l’identité du coupable de façon inattendue, va réussir à garder son lectorat sous respirateur.
À la course contre la montre se rajoute un véritable combat psychologique avec, comme point d’orgue, une confrontation sur deux époques et une conclusion parfaitement exécutée.

En résumé

Le bateau de Thèsée est un polar temporel qui cache, derrière sa forme classique, une véritable réflexion sur la famille japonaise. 
Grâce à un dessin maitrisé et une mise en scène implacable, Toshiya HIgashimoto nous tient en haleine tout au long de 10 tomes forts en rebondissements. 

Une belle réussite.

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