Avengers : twilight (Chip Zdarsky / Daniel Acuña)

Depuis le jour H, la plupart des superhéros ont disparu, laissant le futur aux mains de James Stark, le fils d’Iron-Man et de la Guêpe.
Même Captain America a déposé les armes. Il s’est laissé vieillir dans un monde où les violences policières et les couvre-feux sont devenus la norme.

Mais l’ancien porte-drapeau des Etats-Unis peut-il rester longtemps les bras croisés devant une manipulation politique axée sur la désinformation ?

Le Kingdom Come de Marvel ?

Le retour en grâce du héros

Héros vieillissants dans monde futuriste

Chip Zdarsky a acquis, par ses travaux mainstream et indépendants, une certaine réputation.
Malgré tout, je reste en général assez réfractaire à son écriture.
Alors pourquoi acheter ce comics ? Les raisons sont simples.
Le trait de Daniel Acuña fait évidemment figure de produit d’appel mais c’est son approche, rappelant le cultissime Kingdom Come de Mark Waid et Alex Ross qui a attisé ma curiosité.

En effet, Avengers : twilight reprend l’image du héros vieillissant et désabusé, cherchant à redevenir un symbole d’espoir face à un futur en perte de repères.
Et c’est ainsi que, tout comme Mark Waid avec Superman, Chip Zdarsky s’empare du mythe de Captain America.
Un choix loin d’être anodin.
En France, on a longtemps condamné le héros à un patriotisme américain qui, pourtant, n’a jamais été dans son ADN, même à l’origine.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître au vu du costume qu’il arbore, Captain America ne représente pas les Etats-Unis mais un idéal.
Un idéal de justice et d’égalité qu’il est prêt à défendre même contre les dirigeants de son propre pays. Il l’a déjà prouvé récemment lors de l’event Civil War.

Et c’est sur cette base théorique que Chip Zdarsky élabore Avengers : twilight.
Si Steeve Rogers reprend la lutte, malgré la perte de ses pouvoirs, l’absence de bouclier et le risque de rupture avec sa nouvelle compagne, c’est pour défendre les droits bafoués de ses concitoyens.
Le personnage est hautement charismatique et remplit son rôle de modèle à la perfection.
Comme le montre la couverture, il ne sera pas seul à résister. Autour de lui se forme une nouvelle mouture des Avengers, réunissant anciens et nouveaux membres.
Là aussi, la comparaison avec Kingdom Come semble évidente. On savoure les versions futuristes de nos personnages préférés, tout en découvrant certaines évolutions tragiques.
Celles de Thor ou d’Iron-Man sont particulièrement réussies, démontrant un attachement réel avec une forme de continuité.

Malgré tout, si les liens sont nombreux, Avengers : twilight n’a pas la puissance narrative ou évocatrice de Kingdom Come.
En effet, le titre se concentre essentiellement sur la franchise Avengers, restreignant ainsi son impact. On comprend que la plupart des héros ont disparu mais sans en savoir guère plus.
Seul les destinées de Spider-Man, Daredevil ou Luke Cage sont abordées mais on aurait aimé une vision plus approfondie de ce nouveau futur.
L’intrigue reste d’ailleurs assez classique et manque peut être d’intensité, la faute à une manipulation un peu prévisible.
James Stark, le « vilain » de l’histoire, a du mal à s’imposer et certaines de ses réactions ne sont pas dignes de son intellect.

Mais, en vérité, l’ambition de Chip Zdarsky semble se porter ailleurs.
Il délaisse l’évocation super-héroique pour se pencher sur un propos plus politique, quasi visionnaire.

Un propos politique visionnaire…

Pressions sur le pouvoir politique

D’une certaine façon, Chip Zdarsky intègre parfaitement la différence entre les héros de Dc Comics et ceux de Marvel.
Alors que Dc fait appel à l’imaginaire, au grandiose, Marvel a traditionnellement ancré ses histoires dans des thématiques de société.
Et de cette façon, Avengers : twilight jette un regard sur une société américaine en perte de modèle et qui fait face à une désinformation de masse.
À première vue, ce futur semble paisible mais il ne faut guère longtemps pour en découvrir ses zones d’ombre.
Les actions passées des héros sont remises en cause, alors qu’on redore le blason de certains super vilains. En lissant le propos, les informations prennent un autre sens et changent le message qui est apporté à la population.
Les citoyens sont d’ailleurs acquis à la cause, essentiellement parce qu’ils en ignorent les conséquences : répressions, autoritarisme et mensonge continuel.
La présence policière est massive et l’instauration d’un couvre feu marque une forme d’oppression passive sous couvert de sécurité.

Avengers : twilight sonne en réalité comme une mise en garde avec un jugement sans concession sur l’évolution de la société américaine.
Si Chip Zdarsky reste optimiste et croit en un retournement d’opinion, la réalité lui est sans doute revenu comme un boomerang !
Depuis, l’élection américaine est passée par là et le choix des électeurs est clair. ils ont donnés leur voix à un homme qui d’une certaine façon renie tous le idéaux prônés par Captain America.
Malheureusement, la réalité a, une nouvelle fois, dépassé la fiction

« Espèce de pauvre abruti de naïf ! Ton pays n’a aucun principe !
Ce symbole inepte est si facilement récupérable et corruptible que lorsque j’en aurais fini avec lui, tes compatriotes le brandiront comme un symbole fasciste ! ils prendront mes mensonges comme argent comptant ! Je contrôle les médias, je contrôle vos lois futiles !

Le « vilain » s’adressant à Captain America en brandissant le drapeau américain

Les peintures numériques de Daniel Acuña

Daniel Acuña face à Alex Ross

Je ne suis pas un grand fan de peinture numérique.
Et pourtant, j’adore le travail de Daniel Acuña.
D’ailleurs, le choix de cet artiste justifie encore plus l’association avec Kingdom Come.
On retrouve même Alex Ross en tant que cover designer, même si on l’a connu plus inspiré.

Cela permet néanmoins d’apprécier le face à face d’une peinture traditionnelle et d’une peinture numérique.
Et ma foi, Daniel Acuña s’en sort largement.
Il faut dire que depuis ses années sur Uncanny Avengers, son style s’est affiné et sa maitrise des couleurs n’a eu de cesse de m’impressionner.
Sans chercher à reproduire les effets d’une peinture classique, il se trouve une approche plus personnelle et éclatante, jouant astucieusement avec les effets de lumières et les ambiances.
Ces designs sont inventifs. Il ne change pourtant pas grand chose mais avec peu, il donne une réelle présence à cette équipe.
Son Thor et son Captain America ont vraiment la classe !
Sa mise en page est dynamique, respectant les codes du mainstream. Les scènes de combats sont parfaitement chorégraphiées et réjouissantes.

De par l’univers plus restreint d’Avengers : twilight, Daniel Acuña est plus limité qu’Alex Ross sur Kingdom Come.
Néanmoins, le dessinateur s’amuse en insérant ici et là des easter eggs que les fans découvriront avec un plaisir non dissimulé.

Avengers : twilight est une belle réussite graphique, démontrant les nombreuses qualités du dessinateur espagnol.

En résumé

Avengers : twilight de Chip Zdarsky et Daniel Acuña redore l'image de Captain America dans un futur dystopique faisant furieusement écho à l'actualité récente. 

Le scénario de Chip Zdarky, hommage appuyé au Kindcom Come de Mark Waid et Alex Ross, met en scène un héros vieillissant qui reprend le costume pour combattre une société désinformée et en perte de repères idéologiques.
Publié avant les élections américaines, le propos du scénariste américain aurait dû être une simple mise en garde, il s'est avéré terriblement visionnaire.
Si dans les comics, on aura toujours un héros pour nous sauver de nos errements, la réalité s'avère plus amère.

On se "consolera" en admirant les sublimes peintures numériques de Daniel Acuña et on gardera en mémoire ce message de résistance teinté d'espoir !

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