Mots Tordus et Bulles Carrées

Dans les vestiaires (Timothé Le Boucher)

Les vestiaires sont des lieux clos où la loi de certains élèves règne.
Entre jeux stupides et compétitions humiliantes, Corentin fait face à un acharnement de plus en plus violent contre lui.
Jusqu’au jour où…

Un espace clos et isolé

Un lieu à l’abri des regards

« Le harcèlement se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique.
Cette violence se retrouve aussi au sein de l’école. Elle est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui ne peut se défendre.« 

Ministère de l’Education Nationale

Dans les affaires de harcèlement, l’unité de lieu est souvent multiple, montrant d’une certaine façon que le bouc-émissaire n’est jamais à l’abri et que la répétition de l’acte est continuelle, ou qu’il soit.

Timothé le Boucher en prend le contre-pied en limitant cet espace à un simple vestiaire.
Ainsi, il se focalise sur la répétition de l’acte, sa montée en puissance mais aussi sa perversité.
Le vestiaire reste un endroit spécial dans la configuration d’un établissement scolaire. Souvent craint par les élèves les plus en marge, l’endroit est isolé et peu accessible au professeur.
En somme, c’est une sorte de zone de non droit où tous les excès sont possibles, des plus idiots aux plus dramatiques.

Dans les vestiaires de Timothé Le Boucher, il se passe beaucoup de choses quand le professeur a le dos tourné.
Des regards d’adolescents en pleine puberté aux compétitions « viriles » entre garçons, l’auteur égratigne méchamment l’image de ces adolescents dont on n’imagine pas la méchanceté (que ce soit contre le bouc-émissaire ou simplement entre eux).

Au milieu de tout ça, trône le bouc-émissaire.
Celui qui, en quelque sorte, maintient ce château de cartes debout, juste par sa présence.
Un personnage isolé qui attire l’animosité de tous ces camarades sur lui pour que ces derniers ne se retrouvent pas à sa place.

être bouc-émissaire

Aucune limite à l’humiliation

Corentin est donc le bouc-émissaire de la classe.
Tout commence par des pics concernant le physique du garçon dont l’embonpoint est moqué.
Une différence apparemment suffisante pour s’attirer la vindicte populaire.
Et après tout, même le professeur se permet des remarques alors pourquoi ses camarades de classe s’en priveraient ?

C’est ainsi que tout s’enchaine.
Des pics, on passe à la moquerie répétée et insultante puis aux coups et à l’humiliation.
Autour de lui, personne ne s’oppose.
Entre ceux qui ignorent ce qui se passe et ceux qui participent, il n’y a pas grand monde pour montrer un semblant de compassion.
L’âge ingrat et la puberté les amènent aux pires bêtises, attisés par un phénomène de groupe surpuissant.
D’ailleurs, ces unités sont multiples.
Les redoublants, les intellos, les populaires, chacun appartient à sa faction.
Seul le bouc-émissaire reste seul.
Seul à subir.

Le harceleur, tout puissant, peut donc agir à sa guise, à la vue de tous et sans aucune crainte de représailles.
Les vestiaires rendant ses brimades invisibles.
Du moins tant que sa particularité reste, elle aussi, invisible aux yeux des autres groupes.

Devenir bouc-émissaire

Jeux stupides et compétitions puériles

Timothé Le Boucher a l’intelligence, à un moment donné, d’inverser la position des acteurs.
Le harceleur devient le harcelé. Quant à Corentin, il intègre enfin un groupe. Certes pas le plus prestigieux mais il n’est plus seul.

Comme souvent dans les albums de l’auteur, les personnages sont complexes et se caractérisent par une multitude de failles.
Gauthier en est le parfait exemple.
Le garçon qu’on décrit comme insupportable sur la première partie se montre beaucoup plus fragile à partir du moment où sa position est remise en question.
Ses agissements ne sont pas excusés mais ils sont expliqués.

L’auteur n’en est pas moins cinglant.
Des actes ont été commis et le pardon a bien du mal à trouver sa place dans cet espace.
La rancoeur se transforme en vengeance et la vengeance amène souvent au pire.

En résumé

Dans les vestiaires est un récit sans concession qui pourra mettre mal à l'aise certains lecteurs. 
Cependant, Timothé Le Boucher y décrit avec justesse et sans complaisance, les phénomènes qui débouchent vers un harcèlement. 

Sans forcement porter de jugement moral sur la victime, les témoins ou le harceleur, l'auteur montre avant tout la cruauté du monde adolescent. 
Un monde où les phénomènes de groupe sont surpuissants et amènent souvent à des agissements stupides voire dramatiques. 

Un monde qui, au final, est juste le prémisse de celui des adultes.

Commander sur

Pour lire nos chroniques sur : My Capricorn Friend et la fille seule dans le vestiaire des garçons

Bulles Carrées

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Aller au contenu principal