Vivian Hasting pensait vivre en toute liberté mais son mari, Lord Byron, envoie un émissaire pour vendre ses biens afin de financer son expédition pour la cité de Guyanacapac.
Vivian, refusant de terminer sa vie dans un couvent, impose sa présence sur le navire Neptune.
Mais avant de partir, elle passe un pacte avec un pirate nommé Long John Silver qui intègre l’équipage en tant que cuisinier.
Avec ses hommes, il a attend le moment opportun pour prendre le contrôle du navire mais l’affaisse s’avère délicate.
L’ultime voyage
Une suite sous forme d’hommage
Long John Silver de Xavier Dorison et Mathieu Lauffray fête dignement ses 10 années d’existence.
Hommage vibrant à L’île au trésor de Robert Louis Stevenson, la série est restée comme un monument du récit de piraterie.
Et il n’est guère étonnant de le retrouver dans un nouvel écrin avec cet intégral réunissant les 4 tomes de l’oeuvre.
L’île au trésor est un classique de la littérature d’aventure, régulièrement étudié au collège.
Ce qui fut mon cas même si pour être honnête, j’ai surtout en mémoire l’animé japonais que je regardais gamin.
La roman a marqué profondément l’imagerie autour du pirate et nombreux « codes » viennent de Robert Louis Stevenson.
Long John Silver, lui-même, avec son perroquet sur l’épaule et sa jambe de bois est devenu avec le temps, l’archétype du pirate.
Autant physiquement que psychologiquement !
Cependant, les auteurs ne pouvaient reprendre cet imaginaire tel quel et un gros effort de dépoussiérage a été opéré.
Donc si on dit adieu au perroquet, c’est en échange d’une crédibilité historique plus importante. Les recherches documentaires sur les vêtements et les environnements attestent d’un lien plus important avec une réalité historique tout en assombrissant légèrement son propos.
Long John Silver a vieilli, ses lecteur.rices aussi !
Il reste avenant, charmeur et manipulateur tout en symbolisant une figure en voie de disparition. L’ère de la piraterie s’achève et même les jeunes pousses ne pourront rien y faire.
À ce niveau, Jack O’Kief sorte de réminiscence de Jim hawkins en est la preuve.
Si Jim Hawkins symbole l’évasion et la beauté de l’aventure, Jack subit sa brutalité.
Le récit offre une place non négligeable à un personnage féminin : Vivian Hasting.
Vivian est une bourgeoise, prête à tout pour conserver son statut. Et pour cela, elle n’hésite pas à se vendre tant qu’elle continue à tenir les rênes de sa destiné.
Et c’est cela qu’elle n’accepte pas dans la missive de son mari. Non seulement, l’homme part sans donner de nouvelle mais il lui impose des sacrifices pour assouvir ses propres lubies.
Et elle le refuse. Plus qu’une femme de caractère, c’est une résistante.
Est ce pour autant une figure féministe ? Pas vraiment.
Au final, elle représente assez bien son époque et les hiérarchies de classe. Les rapport entretenue avec sa domestique montre une forme de mépris pour le « petit peuple ».
Les auteurs multiplient les ponts avec l’oeuvre de Stevenson tout en évitant d’en être une simple copie.
Hormis Long John Silver et le docteur Livesay, les autres personnages sont de pures inventions et même si certains gardent une fonction commune, ils n’en sont pas moins différents autant par leur personnalité que leur destiné.
Xavier Dorison et Mathieu Lauffray savent qu’une grande partie de leur lectorat a déjà lu L’île au trésor et ils sont obligé de jouer avec nos attentes pour mieux nous surprendre.
Et souvent avec brio !
Une pure aventure maritime
Derrière l’hommage, Long John Silver cache un véritable récit de piraterie très largement remis au goût du jour.
Ainsi, On peut diviser l’intrigue en deux grands axes.
La partie principale est consacrée au voyage. On y retrouve tout ce qui fait le charme des aventures maritimes.
Xavier Dorison et Mathieu Lauffary s’ approprient les codes instaurés par Robert Louis Stevenson en nous décrivant un monde de marins avec ses codes et sa hiérarchie.
Au fond, le Neptune est un microcosme de socièté.
Si le commandement est trusté par les « puissants », ils doivent tout faire pour éviter que la colère explose.
Mais l’autorité peut se montrer brutale et injuste et à tout moment, la mutinerie peut éclater.
La tension est souvent palpable surtout que les manigances de Silver son parfois perturbées par les hasards du destin mais aussi des erreurs de jugements.
En réalité, il n’y a pas de bons et de méchants. Chaque personnage, à l’image de Vivian Hasting, participe à cette aventure pour des raisons personnelles et au fond très égoïste.
Seul le docteur Livesay montre une figure de morale dans ce microcosme de crapule.
Mais sa naïveté tranche avec la rudesse et le manque de scrupule des gens qui lui font face.
La seconde partie marque l’arrivé sur les terres de la cité de Guyanacapac.
Ainsi, les auteurs délaissent l’exotisme de roman originelle pour mener l’équipage vers une forme d’ésotérisme sauvage.
Le récit prend une nouvelle tournure et pioche, cette fois-ci, ses inspirations dans l’imaginaire fantastico-horrifique de Robert E. Howard.
En effet, l’atmosphère de cette cité inca rappelle certaines nouvelles de Conan.
Ce n’est sans doute d’ailleurs pas un hasard si Matthieu Lauffray y fait aussi référence dans sa dernière série de pirate : Raven.
Cette partie est un peu plus déstabilisante et tranche, finalement, avec le reste du récit.
Le ton s’assombrit prenant des allures de mysticisme sacrificiel où l’indigène n’est qu’un sauvage aux moeurs dépassées.
On regrettera cette forme de caricature même si elle n’est que le reflet d’une partie de ses inspirations.
Néanmoins, on reste happé jusqu’à un final grandiose, offrant un dernier acte mémorable à son personnage principal.
Le talentueux Mr Lauffray
Long John Silver est une oeuvre charnière pour Mathieu Lauffray.
À cette époque, il n’est encore l’auteur installé qu’il est aujourd’hui.
Il a à son actif, une seule bande dessinée, Prophet, un récit aussi généreux que foutraque, une sorte de version béta de ce que l’auteur nous offrira par la suite.
J’aime beaucoup Prophet mais clairement, la série manque encore de maturité.
Avec Long John Silver, il dessine une de ses meilleures, si ce n’est pas la meilleure, prestation.
Les personnages sont charismatiques à souhait, les splash pagse majestueuses nous emportent littéralement en pleine mer.
La puissance graphique de cet album est folle et ses cadrages inventifs et ciselés intègrent parfaitement les nombreux récitatifs de Xavier Dorison.
Et les bateaux… Bon dieu. Il est évident qu’on ne peut pas se lancer sur ce type d’aventure graphique sans connaître sur le bout des doigts la structure d’un navire.
Et là, c’est maîtrisé sans pour autant chercher à nous en mettre plein la vue.
Son encrage retrouve la fluidité et l’élégance des meilleurs encreurs américains.
On reste ébloui par la beauté des images qui nous est offerte jusqu’à cette peinture du pirate, tout juste magnifique. Tout comme la couverture de ce nouvel intégral.
En réalité, Long John Silver a le charme de ces bandes dessinées à « l’ancienne », bien loin de l’outil informatique, où la puissance du crayon, de la plume et du pinceau se fait sentir sur chacune des pages de l’album.
Prix et récompenses
- Meilleure couverture 2007 par le site BDGest.com
- Prix des rédacteurs 2007 par le site Scénario.com
- Prix du meilleur album du Festival de Nîmes de 2008
- Prix de la meilleure Série du festival de Solliès-Ville 2009
- Prix Saint-Michel 2009 du meilleur dessin pour Neptune
En résumé
Long John Silver de Xavier Dorison et Mathieu Lauffray fête ses Dix années d'existence avec un intégral nous rappelant cette merveilleuse épopée.
Prenant suite des années après L'île au trésor, Long John Silver est autant un hommage vibrant qu'une modernisation du mythe du pirate.
On y retrouve cette ambiance de voyage au bout du monde au milieu de personnages aussi charismatiques et troubles.
Si la dernière partie prend une tournure plus mystique, l'ensemble de la série reste attaché à un environnement marin fascinant.
Mathieu Lauffray collabore pleinement à l'histoire et nous offre une de ses plus belles prestations.
Ses images retranscrivent à merveille la puissance de cette mer, ainsi que l'univers cloisonné du Neptune.
Autant à l'aise en bateau que dans la jungle, ses planches sont inventives, dynamiques et fourmillent de détails enrichissant la série.
Si L'île au trésor est un classique du roman d'aventure, Xavier Dorison et Mathieu Lauffray ont fait de John Long Silver un classique de la bande dessinée.
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