Berthe Gavignol, surnommée Mamie Luger, n’est pas un cadeau pour l’inspecteur Ventura. Arrêtée à 6h08 pour avoir tiré sur des policiers et accessoirement sur le fessier de son voisin, elle va révéler, au fur à mesure d’un interrogatoire lunaire, son passé et sa maîtrise des armes et des cadavres. Notamment ceux des hommes qu’elle a croisés dans sa vie…
Féminisme, coups de pelle et camomille
Elle a 102 ans et elle n’a pas la langue dans sa poche. Plus rien à perdre. Mais surtout, la tête bien faite et la répartie facile.
– J’ai plus de compte à rendre à personne. On a cherché à m’la faire fermer plus souvent qu’à mon tour. Au début, j’faisais comme ton maton, là, j’regardais mes souliers. Pis j’ai appris à lever le menton.
– D’où la carabine ?
– T’as tout compris, Lino.
– Je m’appelle André.
– C’était pas Lino Ventura ?
Sa vie est un film à la croisée de la romance, du polar et de la reconstitution historique. Et on peut dire que Berthe a été une actrice engagée.
Tous les hommes qui ont fait partie de sa vie, les bons comme les mauvais (et il faut dire que ces derniers ont été une majorité), vont défiler dans cet interrogatoire qui va vite devenir un récit de vie.
Un récit ponctué de cadavres à déterrer… au fond de sa cave !
Car Mamie Luger n’est pas une petite vieille comme les autres. Emancipée, féministe avant l’heure et indépendante, elle a toujours défendu ses droits de femme. Quitte à utiliser la violence.
Ce n’est donc pas un hasard si elle a permis à un couple en cavale d’échapper à la police. L’amour, le vrai, a toujours été sa quête. Et ce qui l’a fait tenir debout, malgré les coups durs.
L’inspecteur Ventura va donc vivre un interrogatoire dont il se souviendra longtemps !
Mamie fait de la résistance
Mamie Luger est un roman qui ne laisse pas indifférent.
D’abord parce que le récit de la vie passée de Berthe, entrecroisé de retours au présent de l’interrogatoire, est bourré de péripéties, de rencontres et de mariages plutôt foireux… Le rythme de la narration est soutenu, assorti d’un point de vue de cette femme qui a vécu les pires horreurs dans sa vie conjugale et combattu, à sa manière, la domination masculine toute son existence.
Ensuite parce l’écriture de Benoît Philippon est profondément humaine, à cheval entre l’humour dévastateur de cette Mamie flingueuse à la gouaille hilarante et ses réflexions percutantes sur la place de la femme et sa volonté de combattre le masculinisme ambiant. Au risque de la solitude.
– Vous avez une dent contre les hommes, vous.
– Non, pas tous, tente d’articuler Berthe dans la bouillie de coquillettes qu’elle est en train de mâcher. T’as déjà été amoureux, Lino ? Une touche de nostalgie grippée s’est invitée dans la voix de Berthe. Ventura le remarque. Il sent que le moment est à al délicatesse, alors il pose ses couverts dans son assiette de toute façon immangeable, et se rince la bouche avec une gorgée de rouge.
Enfin, malgré la noirceur de sa ribambelle de maris, la luminosité et la générosité de Mamie Luger font mouche. On pardonnera quelques redondances et invraisemblances. L’effet est là : on aime cette Veuve noire pour sa sincérité, son amour débordant et sa liberté de vivre sa vie de femme comme elle l’entend.
Il est à noter que l’auteur a adapté son roman pour le théâtre où il vit une seconde vie et qu’il a proposé depuis un pendant masculin à Berthe avec un Papi Mariole sorti le 1er mars.
Pourquoi lire Mamie Luger ?
Venez vous aussi écouter Berthe vider son sac et vous en découvrirez des vertes et des pas mûres ! Mamie Luger est un roman au ton original qui offre la possibilité à une femme qui a tout vécu de dire les violences qu'elle a subies et dont elle s'est vengée. Serial killeuse à la gouaille hilarante, femme féministe émouvante, engagée et moderne avant l'heure, elle vous embarquera dans sa révolte et sa quête d'amour vrai.
Et ça va valser !
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