Parler à la fois de la relation entre une grand-mère et sa petite-fille, d’amour du cinéma et de deuil était un pari osé. Dans son roman Premier rôle, Mikaël Ollivier le relève avec tendresse et brio. Une déclaration d’amour aux salles obscures et aux acteurs et actrices qui ont fait et font encore rêver.
Trois femmes
Devant la tombe de sa grand-mère Nino qui vient de décéder, Laura s’effondre. De tristesse, de colère aussi.
Car Nino, cette femme de 83 ans dont la vie était faite de films et d’actrices, dont la photo de stèle est celle de Gene Tierney, une actrice américaine des années 40, était bien plus qu’une grand-mère. Elle est celle qui l’a recueillie lorsque sa mère est venue la déposer, tout bébé, car elle était incapable de l’aimer et de s’en occuper. Celle qui l’a élevée, éduquée, ouverte au monde, à travers leurs conversations et les films partagés au cinéma ou devant un DVD.
C’est cette Nino, personnage fantasque et attachante, dont la vie va nous être dévoilée au fil du récit par Laura, que la narratrice veut nous faire connaitre.
Alors qu’elles vivent toutes les deux un quotidien rythmé par les cours au lycée et les amis pour Laura, les sorties cinéma et les soirées DVD pour Nino, on déclare la guerre. Celle contre le COVID, annoncée par Emmanuel Macron le 16 mars 2020.
Nous étions indissociables, avec cette sensation, le plus souvent attribuée aux amoureux, de ne faire qu’une, et la capacité de nous comprendre sans jamais avoir besoin de s’expliquer, par une communication du corps et de l’esprit qui, fréquemment, se passait de mots.
Or l’arrivée impromptue d’Eve, la mère de Laura, venue se réfugier avec elles pendant le confinement, va bouleverser ce duo. Un cohabitation compliquée va ainsi se mettre en place, révélant toutes les tensions cristallisées entre les trois femmes.
Une histoire d’amour
Le roman de Mikaël Ollivier est une double déclaration d’amour.
Celle d’une petite-fille à sa « grande-mère« , comme Nino aime à se faire appeler. La relation entre Laura et celle qui l’élève, au sens propre et au sens figuré, est bouleversante de tendresse et de complicité. Au travers des films partagés, regardés et re-regardés, Laura découvre qui elle est, d’où elle vient, qui étaient sa mère, sa grand-mère et ses proches. Un apprentissage cinématographique de la vie qui permet de mieux comprendre la réalité. De mieux se comprendre soi-même aussi.
D’apprivoiser aussi cette mère absente qui revient dans leur vie et transforme le duo en trio. De comprendre qu’elle aussi a un passé et que sa relation avec sa propre mère n’est pas simple.
Par petites touches, l’auteur nous ouvre les portes de cette famille si particulière, aux vies bousculées et parfois tragiques. Il aborde également des thématiques modernes telles que l’homosexualité ou l’hyperémotivité. Le droit à mourir dans la dignité aussi.
L’amour qui transpire entre les lignes qu’écrit Laura est également une déclaration au 7e art. Aux films et aux acteurs/actrices qui font vibrer les salles obscures.
Et, par-dessus tout, que j’aimais parler des films à la sortie des séances. Il nous arrivait aussi, plus rarement, de ne rien en dire jusqu’à la maison quand les mots nous manquaient, empêchés par l’émotion et que nous marchions encore habitées par les personnages, les images et la musique, en état d’hypnose.
La plume de Mikaël Ollivier est fluide. Et sa narration, sous les mots de Laura, même morcelée et chamboulée par le deuil auquel elle fait face, trouve un fil conducteur au travers de ce personnage unique qu’est Nino.
Pourquoi lire Premier rôle ?
Premier rôle est un roman émouvant et juste sur l'amour entre une "grande-mère" et sa petite-fille. Un amour bercé par des musiques de films, des histoires cinématographiques et de grands noms du 7e art. Un roman sur un deuil difficile aussi et sur la vie bouleversée pendant le confinement, que le cinéma a durement subi. Les histoires de Laura et Nino, d'Eve aussi, sont rythmées de références sans pour autant perdre les lecteurs. Elle emporte dans un tourbillon, celui de la vie, de ses joies et de ses peines.
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