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The nice house (James Tynion IV/ Alavaro Martinez Bueno)

Et toi tu l’imagines comment la fin du monde ?

C’est avec cette étrange question que Walter attire l’attention de la jeune Ryan Cane.
Elle ne saurait dire pourquoi mais elle reste fascinée par cet homme qui, du jour au lendemain, ne lui donnera plus de nouvelles.

Puis arrive un email où Walter l’invite, elle et toute une bande d’ami.es, à passer un séjour dans une magnifique villa isolée du reste du monde.
Encore aujourd’hui, elle ne peut expliquer ce qui l’a poussée à accepter cette proposition. Elle sait juste que cette décision va bouleverser sa vie.

The nice house on the lake

Une bande d’ami et une demeure luxueuse

Une sacré villa

The nice house on the lake est une mini-série de 12 numéros publié par Dc comics entre juin 2021 et décembre 2022.
Crée par James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno, elle propose un concept assez dingue qu’il serait fâcheux de dévoiler.
En effet, The nice house on the lake est tellement prenant et énigmatique que chacune des pièces dévoilé par le scénariste mériterait qu’on s’y attarde longuement.
Huis clos horrifique pour certains, c’est avant tout une réflexion sur une humanité mise au pied du mur que nous propose le scénariste américain.

Imaginez seulement l’idée.
Walter invite 10 amis qu’il connaît depuis une quinzaine d’années et avec lesquels il a partagé de nombreux souvenirs.
La demeure est luxueuse, si luxueuse qu’ils se demandent bien comment il a pu s’offrir un tel caprice.
Pourtant, une fois sur place, les invités doivent se rendre à la raison, leur ami a tout organisé pour que chacun passe une semaine extraordinaire. Et même si certains restent absents, ils ont décidé d’en profiter.

Le groupe est hétéroclite : Hétérosexuel, homosexuel, transexuel, hétérosexuel et même bisexuel.
Il est un d’échantillon des relations amoureuses dans toute sa diversité sans que cela soit un sujet en tant que tel. Pour James Tynion IV, actif sur les questions LGBTQIA+, ses personnages sont le miroir de la socièté américaine.
Le groupe est central et chacun a son rôle à jouer, en rapport avec des capacités plus ou moins induites : journaliste, peintre, comique .. Chacun a une aura qui, d’une certaine façon explique sa présence au sein de cette maison.
Chaque membre du groupe a une anecdote concernant Walter, des informations précieuses, nous permettant d’en découvrir un peu plus sur cet énigmatique personnage.

Comme toute bonne retrouvaille, l’ambiance est plutôt légère au départ mais l’atmosphère se tend, une fois la « révélation » dévoilée. Car Walter n’a pas invité ses amis sans raison et son choix va bouleverser leurs vies.
En réalité, les épilogues ouvrant chaque chapitre sont des indices assez clairs sur cet avenir incertain.

Walter, un ami qui vous veut du bien !

Un hôte prévoyant

Walter est au centre de tout.
Il est l’ami dont chacun se souvient et cet hôte, cachant un lourd secret.
En les choisissant, il a fait d’eux des élus, peu conscient de leur nouvelle condition.
Cette notion de choix est récurrente au sein de la série. Elle amène inévitablement la question qui hantera certains d’entre eux : « Pourquoi moi ? »
C’est ce que tentera d’expliquer James Tynion IV lors des nombreux flash back, composant son intrigue.

A première vue, Walter n’a rien de spécial.
Un physique quelconque et un visage « poupin » caractérisé par des lunettes omniprésentes.
Pourtant, son aura attire des personnes avec lesquels il partage des bons, comme des mauvais, souvenirs.

Malgré tout, la psychologie de Walter reste complexe.
Tiraillé, on sent un profonde sensibilité chez lui, expliquant ses propres questionnements.
Il a tout en tête, depuis longtemps et cherche à persuadé son entourage du bien fait de ses « secrets ».
Peut-il, pour autant, faire confiance à ses ami.es ? Dans son fort inconscient, il aimerait croire qu’ils saisiront la chance qu’i.elles ont eue.s.

Il n’imagine pas que ses ami.es les plus proches pourraient le trahir.

The nice house by sea

« Alors dis-moi, tu ferais quoi, là tout de suite, si tu savais qu’il ne te reste plus que quelques heures à vivre ? »

C’est l’étrange question que pose Oliver Landon Clay au garçon assis à ses côtés.
Cela aurait pu n’être qu’une étrange technique de drague mais, en réalité, la réponse obsède littéralement le jeune homme.

Car il sait que l’apocalypse approche et rares seront ceux qui y survivront !

Autre cycle, autre maison

Nouvelle maison / Nouveau groupe

Dire que cette suite s’est faite attendre est un euphémisme.

Or, quand on commence la lecture de The Nice house by sea, certaines craintes apparaissent.
En effet, le cliffhanger du premier cycle laissait entrevoir d’autres villas et il était évident que la suite allait nous présenter de nouveaux environnements.

Fini donc le lac américain, et bonjour la Méditerranée et sa météo ensoleillée.
Enfin, c’est ce qu’aimeraient les habitant.es de cette villa dont fait partie Oliver.
James Tynion IV aurait pu nous servir le même plat mais il ne perd guère de temps en nous présentant en quelques pages ces nouveaux protagonistes.
On entrevoit leurs caractères et, même si les règles semblent les mêmes, on explore les nombreuses différences avec les habitants de la « maison du lac ».
Expert dans son domaine, chacun.es a gagné cette place par l’excellence de son travail.
Ici, le mérite remplace l’amitié.

Cependant, le cas d’Oliver est particulier.
Le jeune acteur, multi récompensé, est le premier à nous être présenté et semble, lui aussi, avoir un lien avec Walter.
The nice house by the sea s’intéressera à leur relation, expliquant notamment sa présence dans cette maison et non dans celle de Walter.

Quant à l’homologue de Walter, surnommée Max, elle s’avère plus froide et cynique, respectant à la lettre le plan établi.

Une véritable suite

Une suite directe

On comprend rapidement que The nice house by sea est plus qu’un autre cycle.
C’est une suite directe à The Nice House on the lake.

En créant ce nouvel axe, James Tynion IV cherche à enrichir son univers, tout en prolongeant le propos de The nice house on the lake.
Les liens se font rapidement avec « la bande à Walter » qui ne restera pas longtemps absente de cette équation.

Oliver semble avoir entretenu une relation profonde avec Walter et leur séparation sonne comme une sorte de « rupture amoureuse ».
Par les souvenirs et les anecdotes, on commence à entrevoir certaines raisons au comportement de Walter, pour qui l’amitié reste la plus belle des valeurs humaines.

Récit hautement psychologique, James Tynion IV dévoile de nombreuses zones d’ombre, n’hésitant pas une nouvelle fois à jouer avec les frontières de l’horreur psychologique mais aussi physique.
On est une nouvelle fois happé par un récit qui, au final, n’est qu’un enchainement de dialogues intenses et passionnants.

Adaptation graphique pour Alvaro Martinez Bueno

Un graphisme innovant

Lorsque j’ai découvert le travail d’Alvaro Martinez Bueno sur Détective Comics (sous la houlette de James Tynion IV, tiens, tiens) , je suis tombé sous le charme d’un dessin dans la plus pure tradition mainstream.
Mais c’est sur Justice League Dark, encore en collaboration avec James Tynion IV (décidément) qu’il m’a complètement retourné.
Sa technicité, son encrage, sa mise en page, tout était d’une hallucinante perfection.
Un pur régal pour les amateurs de récits épiques à l’ambiance ténébreuse.

Sans forcément comparer leurs styles, le dessinateur espagnol rappelle à certains égards ce qu’on pouvait ressentir en admirant les planches de David Mazzuchelli sur Daredevil ou Batman.
Le parallèle est d’autant plus frappant au vu de la modulation de style opérée par le dessinateur pour convenir à l’ambiance du récit de James Tynion IV .
Et franchement, c’est bluffant.
Alors certes, il n’a pas totalement déstructuré son dessin mais, comme il le montre sur The nice house by sea, son style est en constante modulation.
Si, sur le premier cycle, il se sert des codes comme d’une base solide, sur le second il s’en sépare, radicalisant son approche graphique.

D’un trait expressif et massif, il est passé à un dessin plus instinctif, viscéral mais toujours aussi puissant.
L’encrage laisse de plus en plus sa place à des lavis, donnant à ses illustrations une teinte unique et particulière.

Si son graphisme reste réaliste, certains choix le rapprochent d’un Bill Sienkiewitcz, notamment sur les scènes cauchemardesques qui égrainent ce récit.
Si certain.es pourront être déçu.es par cette radicalité, on ne peut qu’être admiratif devant un auteur qui se remet continuellement en questions.

D’ailleurs, ce pur moment de beauté graphique ne serait rien sans l’adéquation parfaite opérée avec les couleurs de Jordie Bellaire.

En résumé

Avec The nice house on the lake, James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno nous ont offert un des grands récits de l'année 2024.
Avec The Nice House by sea, ils proposent une suite de grande qualité, tout en développant un nouvel environnement et de nouveaux protagonistes.
James Tynion IV évite de nous égarer dans les méandres d'une intrigue foisonnante et passionnante.
Plus fantastique qu'horrifique, le récit est une réflexion autant sur le groupe que sur l'amour.


Alvaro Martinez Bueno ne cesse de modifier son style graphique, donnant à son dessin une puissance graphique cauchemardesque.

Quant à la colorisation de Jordie Bellaire, elle s'intègre parfaitement à ce processus créatif en proposant des ambiances délicieusement hallucinatoires.

Et vous, que feriez-vous si c'était la fin du monde ?

Prix et récompenses

  • Fauve de la meilleure série – Angoulême 2024
  • N°1 du Top comics 2023 MTEBC
  • Einser Awards du meilleur scénariste 2022-2023
  • Eisner Awards de la meilleure nouvelle série 2022

Pour lire nos chroniques sur : Soloist in a cage et La ville sans vents

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