Mots Tordus et Bulles Carrées

Hawkmoon (Jerôme Le Gris/Benoît Dellac)

Dorian Hawkmoon, duc de Köln, résiste vaillamment aux assauts de l’Empire Grandbretane.
En vain !
Tentant de sauver son père, il dépose les armes devant le baron Méliadus.
En lui implantant le joyau noir sur le front, l’empereur Grandbreton fait d’Hawkmoon un soldat à sa solde, obligé d’obéir pour échapper à la mort.

Une nouvelle adaptation de l’oeuvre de Michael Moorcock

Aux origines

Michael Moorcock est sans conteste un des grands auteurs de la fantaisie et un des fondateurs, ou au moins étendards, de la Dark Fantasy.
Hawkmoon est une série de romans décomposée en 2 cycles parus entre 1967 et 1975 (1988-1990 en France).
La série originale ne se situe pas dans la même sphère qu’Elric, l’anti héros de Michael Moorcock mais son environnement composé essentiellement d’une imagerie inspirées du moyen-âge européen la rend familière pour beaucoup de lecteurs.rices.
De plus, tout comme Elric, Hawkmoon est une incarnation du champion éternel dans le multivers.
Ce qui explique que l’on retrouve certains points communs entre ces deux personnages.

Si le personnage est moins connu, sa saga a déjà fait l’objet de nombreuses adaptations notamment aux Etats- Unis.
En France, cette lourde tâche est attribuée à Jérôme Le Gris et Benoît Dellac.

De la Fantaisie médiévale ?

Diplomatie et complot

Dès les premières pages du récit de Jérôme Le Gris, le lecteur.rice se sent en terrain connu.
Il faut dire que les amateurs.rices de Game Of Thrones retrouveront, à certains égards, le ton et l’approche de la saga de Georges R.R. Martin, à la réserve près que celle de Moorcock date de 1967.
Combats épiques, trahisons, petits coups tordus et autres manipulations, bienvenu dans le monde désespéré d’Hawkmoon.

L’introduction du tome 1 met d’ailleurs les choses au clair.
Le plus fort ou le plus « gentil » ne gagnera pas forcement face à la roublardise de son adversaire.
On trouvera d’ailleurs étonnant que le romancier anglais fasse de sa nation les méchants de l’histoire.
Et quand je dis méchants, je pèse mes mots.
Il suffit d’apercevoir pour la première fois le baron Méliadus pour s’en convaincre.
Sorte de némésis d’Hawkmoon, le général use des pires méthodes pour obtenir ce qu’il désire.
Pour lui, l’être humain n’est qu’un objet. Encore plus si c’est une femme.
Au final, il est l’antithèse même des valeurs chevaleresques du héros.

Derrière ce folklore médiéval, le récit cache en son sein des bribes de science fiction.
L’intrigue mentionne brièvement « le tragique millénaire » qui aurait fait reculer l’Europe vers l’époque médiévale.
Reste que ces restes de modernité se font rares : un vaisseau par ci, une arme par là et surtout la cité de Londra et sa science maléfique qui implantera le joyau noir sur le front du duc.
Dans un même ordre d’idée , le bouclier protecteur de Kamarg en est un autre écho.
Même si, comme le joyau d’Hawkmoon, un lien avec la magie semble à établir.

Un anti héros torturé

Le pouvoir du joyau noir

A première vue, Hawkmoon est un personnage plus classique qu »Elric même s’il partage une destiné teintée de tragédie.
Chevalier valeureux, il se démarque par un véritable sens de la justice (et de l’injustice) qui l’amènera à sacrifier sa liberté.
On sent tout le cynisme de l’auteur qui nous dépeint un héros qui échoue justement à cause de ses valeurs héroïques.

Et le héros va prendre cher.
Vaincu, humilié, torturé, il se retrouve affublé d’un terrible joyau, symbole de sa servilité.
Il répètera inlassablement qu’un jour il se vengera et qu’il y prendra du plaisir mais il reste incapable, au moins dans un premier temps, à joindre l’acte aux mots.

Sa déchéance n’en est que plus frappante dans le second tome.
Certes, le Comte d’Airain va lui offrir la brèche qu’il attendait mais la limite de cette dernière démontre à quel point il n’est pas maître de son destin.
Son rôle reste pour le moment limité et s’il rempli à merveille sa fonction de chevalier, sa présence n’ a qu’un impact limité sur le court des choses.

Un dessin maitrisé et efficace

Des doubles pages dantesques

Benoît Dellac, dont on avait pu apprécier le talent sur la série Nottingham, est parfaitement à son aise avec l’univers de Moorcock.

Si son dessin, réaliste et précis, reste assez classique, il a su retranscrire les ambiances sombres et désespérées des terres dévastées de l’Europe.
Les décors et les designs de ces chevaliers en armures qui se jettent à l’assaut de forteresses imprenables nous projettent littéralement sur les champs de bataille.

Ses cadrages sont variés et dynamiques et les quelques doubles pages illustrent à la perfection la puissance des scènes choisies (notamment celle de l’implantation du joyau).
Didier Poli, qui était déjà présent sur le tome 1 d’Elric amène une continuité graphique plutôt agréable entre ces deux séries.
Cependant, ce dernier est absent du tome 2, laissant définitivement les rênes à Benoît Dellac qui, on n’en doutait point, s’en sort admirablement.

Le travail du dessinateur reflète le respect et le soin qui ont été apportés à cette adaptation.

En résumé

Hawkmoon de Jérôme Le Gris semble bien parti pour suivre la trace des bonnes adaptations de Michael Moorcock avec une approche scénaristique respectueuse. 
Il nous concocte un récit riche multipliant les discours stratégiques et les affrontements épiques. 

L'univers mixe à merveille ambiance médiévale et petites touches de science fiction parfaitement mises en image par Benoît Dellac. 
Si Hawkmoon n'a pas la prestance gothique d'Elric, il se démarque par son imagerie typique des grands héros chevaleresques. 

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