Hawkmoon (Jerôme Le Gris/Benoît Dellac/Didier Poli)

Dorian Hawkmoon, duc de Köln, résiste vaillamment aux assauts de l’Empire Grandbretane.
En vain, malheureusement.
Tentant de sauver son père, il dépose les armes devant le baron Méliadus.
En lui implantant le joyau noir sur le front, l’empereur Grandbreton fait d’Hawkmoon un soldat à sa solde, obligé d’obéir à ses pires ennemis pour échapper à la mort.

L’oeuvre de Michael Moorcock

Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas un spécialiste du romancier.
Même si, adolescent, j’ai avalé de nombreuses séries de fantaisie, je suis totalement passé à côté de celle du créateur d’Elric.
Pourtant, son univers et ses personnages charismatiques m’étaient connus mais je n’ai jamais vraiment poussé mon exploration.

Il a donc fallu attendre les diverses adaptations, et notamment celle de Julien Blondel, pour que je m’intéresse enfin à cet auteur et à son univers.
Un univers sombre où le désespoir trône en maître et qu’on a l’habitude de catégoriser sous le dénominatif de Dark Fantasy.

Si Hawkmoon ne se situe pas dans la même sphère qu’Elric, son histoire me semble plus abordable.
A noter cependant que, tout comme Elric, Hawkmoon est une incarnation du champion éternel dans le multivers (oui, oui, là aussi).
Ce qui explique que l’on retrouve certains points communs entre ces deux personnages.

Fantaisie médiévale ?

Diplomatie et complot

A première vue, le monde d’Hawkmoon semble assez traditionnel.
Je pense notamment aux lecteurs (nombreux) de Game Of Thrones qui retrouveront un ton et une approche de la saga de Georges R.R. Martin ( sauf que celle de Moorcock date de 1967),
Combats épiques, trahisons, petits coups tordus et autres manipulations, tout est déjà bien présent dans l’adaptation de Jérôme Le Gris .
Et ça commence dès une introduction où l’on nous fait bien comprendre que ce n’est pas le plus fort ou le plus « gentil » qui gagne mais plutôt le plus roublard.

De mon côté, j’apprécie ce côté « fantaisie médiévale ».
Les décors et les designs de ces chevaliers en armures qui se jettent à l’assaut de forteresses imprenables nous mettent immédiatement dans l’ambiance.
Nous sommes en pleine guerre de territoire entre l’empire dominant, celui des Grandbretons, et celui en perdition : la France.
On peut d’ailleurs remarquer que Moorcock, auteur anglais, fait de sa nation les méchants de l’histoire.
Et quand je dis méchants, je pèse mes mots. Il suffit de voir le baron Méliadus pour s’en convaincre.
La France, quant à elle, n’est pas forcement mieux lotie.
Dispersée en plusieurs états, elle a perdu son unité, ce qui l’a terriblement affaiblie.
Seule la Kamarg, dirigée par le comte Airain, semble garder un certain prestige.
A noter que les noms de villes et pays ont été légèrement remodelés pour s’accorder à cette totalité si particulière …

Ou Science Fiction ?

Car au final, nous ne sommes pas dans de la fantaisie mais dans de la science fiction.
Le récit mentionne brièvement « le tragique millénaire » qui semble avoir fait reculer l’Europe vers l’époque médiévale.
Reste que les aspects de modernité se font rares : un vaisseau par ci, une arme par là et surtout la cité de Londra et sa science maléfique qui implantera le joyau noir sur le front du duc.
Cette arme surpuissante, symbole de la malédiction d’Hawkmoon, n’est pas sans rappeler l’épée Stormbringer d’Elric.

Un anti héros torturé

Le pouvoir du joyau noir

A première vue, Hawkmoon est un peu l’antithèse d’Elric.
Chevalier valeureux, il se démarque par un véritable sens de la justice (et de l’injustice) qui l’amènera à sacrifier sa liberté.
On sent tout le cynisme de l’auteur qui nous dépeint un héros qui échoue justement à cause de ses valeurs héroïques.

Et dans ce premier tome, le héros va prendre cher.
Vaincu, humilié, torturé, il se retrouve à servir ses pires ennemis.
Il répètera d’ailleurs inlassablement qu’un jour il se vengera et qu’il y prendra du plaisir.

On regrette que Jérôme Le Gris n’ait pas pris plus de temps pour explorer la valeur du personnage.
Sa déchéance n’en aurait été que plus frappante, même si on comprend que les auteurs avaient beaucoup de choses à mettre en place sur ce premier tome ( et que, peut être, Moorcock lui-même n’avait pas détaillé cette partie).

Un dessin maitrisé et efficace

Des doubles pages dantesques

Benoît Dellac, dont on avait pu apprécier le talent sur la série Nottingham, semble parfaitement à son aise avec l’univers de Moorcock.
Si son dessin, réaliste et précis, reste assez classique, il a su retranscrire les ambiances sombres et désespérées du décor dévasté de l’Europe.
Ses cadrages sont variés et dynamiques et les quelques doubles pages rendent à la perfection la puissance des scènes choisies (notamment celle de l’implantation du joyau).
Didier Poli, qui était déjà présent sur le tome 1 d’Elric amène une continuité graphique plutôt agréable entre ces deux séries.

Ce travail reflète le respect ainsi que le soin qui ont été apportés à cette adaptation.

En résumé

Hawkmoon semble bien parti pour suivre le chemin des bonnes adaptations de Moorcock avec ce travail scénaristique et graphique soigné.
Ils nous offrent un récit riche et prenant, malgré le côté introductif inhérent à ce genre de projet.

Un premier cycle de 4 tomes est en prévision.

Bulles Carrées

Pour lire nos avis sur : Messire Guillaume

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