Mots Tordus et Bulles Carrées

The Riddler : année un (Paul Dano / Stevan Subic)

Edward Nashton, expert comptable névrosé, ne supporte plus la brutalité de Gotham City.
Fasciné par les interventions de Batman, il s’apprête lui-même à passer à l’action.
Les premiers pas du Riddler sont en marche !

Nouvelle « origin story » pour The Riddler

Comics et cinéma

Des arts interconnectés

Depuis toujours, comics et cinéma / télévision sont liés, le premier servant de source au second.
De la première adaptation télévisuelle de Superman jusqu’à l’effervescence épuisante du MCU, les super-héros fascinent.
En bien comme en mal.
Et ce prequel de The Batman en est, en quelque sorte, une nouvelle émanation.
En effet, depuis peu, certains acteurs hollywoodiens accordent une importance inhabituelle aux comics, se lançant dans des projets de films (Ryan Reynolds et Deadpool) voire même d’écriture de comics.
Ainsi, à l’instar du BRZRKR de Keanu Reeves, on retrouve Paul Dano au scénario de The Riddler.
Mais contrairement à Keanu Reeves, The Riddler ne sort pas du cerveau de l’acteur.
Ce dernier, qui n’a pas participé à l’écriture de The Batman de Matt Reeves, n’a comme caution que son interprétation du vilain.
J’aime beaucoup son jeu d’acteur mais être scénariste est un tout autre job.

Pour moi, ce projet n’était qu’un moyen de capitaliser sur la hype du film, en donnant les rênes à un de ses acteurs phares.
Or, si j’ai trouvé The Batman sympathique, ce n’était sans doute pas assez pour me faire débourser de l’argent pour ce comics.
Sauf que, au bout d’un moment, je ne peux ignorer qu’une grande majorité d’avis est positive.
Et il n’en faut guère plus pour alimenter ma curiosité.

Alors, est-ce que The Riddler : année un est l’exception qui confirme la règle ?

Beaucoup de folie, peu d’énigmes

Des psychoses très prononcées

Il faut déjà se faire à l’idée que ce Riddler n’est pas celui des comics.
D’une certaine façon, c’est une réécriture de Matt Reeves, développée ici par Paul Dano, avec quelques saupoudrages venant de l’art séquentiel pour satisfaire le fan.
Son patronyme en est le meilleur exemple. Edward Nigma laisse place à Edward Nashton, un nom plus en adéquation avec la volonté de réalisme prônée dans The Batman.

Sans surprise, c’est aussi le parti pris de Paul Dano.
The Riddler a toujours été un peu dingue même si, ces dernières années, cette facette s’est atténuée.
Avec The Riddler : année un, on dépasse la dinguerie.
Si Edward Nashton semble assez quelconque, il cache de profondes névroses.
Obsessionnel, paranoïaque, ses visions le rendent complètement schizophrène.
L’idée est bonne et parfaitement maitrisée, même si on est obligé de faire le parallèle avec le Joker.
Surtout si on ajoute sa fascination pour le justicier.

Heureusement, Paul Dano y apporte de la nuance.
Edward Nashton n’est pas, au fond, quelqu’un de mauvais. Il cherche à faire sa place dans un monde qui se montre injuste et violent avec les plus faibles (dont il fait partie).
Et il ne le supporte plus.
Ce sont ses psychoses qui l’amènent à franchir les limites de la justice.
Cette tension monte d’ailleurs au fil des pages, ce qui rend le parcours d’Edward profondément tragique.
Car, au final, il ne peut gagner face à la maladie qui le ronge.

On pourrait regretter que seule la partie psychanalytique soit développée par le scénariste, laissant de côté les énigmes et autres manipulations du personnage.
Au final, cette folie entre en contradiction avec l’imagerie du maître des énigmes.
Mais, une nouvelle fois, il faut voir cette histoire comme une version alternative du Riddler.
un vilain plus instable, à tendance psychiatrique, dans un monde d’une brutalité réaliste et angoissante.
Un reflet de notre époque !

Un dessin torturé

Une mise en page éclatée

Pour illustrer une telle descente en enfer, il fallait un dessinateur sans concession.

Si on connait le travail de Stevan Subic sur ses Bds franco-belges, notamment au côté de Christophe Bec sur Conan, on est guère étonné de le voir sur un univers aussi torturé.

Son trait réaliste est marqué par une froideur et un encrage puissant, multipliant les matières et les couleurs profondes.
Cette approche quasi clinique correspond d’office à Gotham City mais sur The Riddler : année un, il va clairement plus loin.
Beaucoup ont comparé son travail à celui de Bill Sienkiewitcz.
Si on peut pas nier une certaine paternité, surtout que les 2 hommes s’apprécient, j’y vois avant tout des accointances avec le style d’Andréa Sorrentino.
Certaines mises en pages éclatées sont très similaires à celles que l’on admirait dans Le mythe de l’ossuaire, même si ici l’horreur laisse place au thriller.
Ce qui est indéniable, c’est que Stevan Subic fait preuve d’une inventivité constante.
Par les cadrages, le style graphique quasi minimaliste et haché ou ses couleurs aux tons saturés, il marque les esprits, donnant une impression de sauvagerie.

À ce niveau, le chapitre 5 illustré comme une reprise du journal d’Edward peut en être une ultime preuve.
Si on peut comprendre, notamment pour ceux qui lisent les comics en single, la frustration qui en découle, cette partie nous embarque dans la psyché du personnage.
Était-ce utile ? Peut-être pas mais je ne peux que féliciter les auteurs pour cette prise de risque, aussi inconsciente soit-elle.

En résumé

The Riddler : année un de Paul Dano et Stevan Subic avait tout du produit dérivé inutile. 
Préquel d'un film à succès écrit par l'acteur du Riddler lui-même... Rien de bien enchanteur !

Et pourtant, Paul Dano aura su convaincre en nous faisant rentrer littéralement dans la tête d'Edward Nashton.
Si la folie du personnage n'étonnera personne, on imaginait mal le portait tragique d'un homme bouffé par la violence et la corruption de Gotham City, qui tente à sa manière de faire le bien.
Le récit montre, d'une certaine façon, les similitudes et les différences de parcours entre Batman et son futur ennemi.


Stevan Subic illustre le récit avec un réalisme et une noirceur hypnotisants.
Entre Bill Sienkiewitz et Andréa Sorrentino, l'artiste développe une démarche inventive, reflet de l'instabilité du personnage principal.

Une chouette surprise.

Pour lire nos avis sur Joker : the winning card et Le portrait de Dorian Gray

Bulles Carrées

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