La Vision, androïde et membre des Avengers, est envoyé à Washington pour devenir l’agent de liaison entre la maison blanche et l’équipe de super-héros.
Il profite de cette occasion pour emménager dans une bourgade paisible, accompagné d’une famille qu’il a créée de toute pièce.
Mais la cohabitation n’est pas aisée !
Desperate Housewife super-héroique
Les prémisses de la méthode Tom King
À l’époque de la publication de La Vision de Tom King et Gabriel Hernandez Walta, le scénariste n’avait pas l’aura qu’on lui connaît de nos jours.
S’il fait (encore) les beaux jours de Dc comics, il a peu travaillé pour la distinguée concurrence.
Pourtant, paradoxalement, La Vision est un de ses premiers comics majeurs au sein de l’industrie.
Avec cette mini-série, on retrouve déjà son amour des « seconds couteaux ».
Si l’on considère Vision comme un second couteau.
En réalité, le super héros fait partie intégrante de l’histoire des Avengers, devenant même un de ses membres réguliers.
Pourtant, il ne pas jouit d’une grande réputation, la plupart des fans le voyant comme une simple machine.
Le traitement s’appuie sur la grande tradition sociale des comics Marvel comics, tout en lui injectant un fond de réalité.
Les super-héros de Marvel sont le reflet des failles de notre société et, si La Vision reste un androïde imitant la nature humaine, il n’en est pas moins un exemple de plus.
C’est d’ailleurs le propos de départ de l’intrigue de Tom King.
Quelle est la façon la plus logique pour un androïde de s’intégrer dans la société ? S’humaniser en créant sa propre famille.
Ainsi, Virgina joue le rôle de la femme au foyer, aimante et compatissante mais terriblement seule alors que Vin et Viv essaient de s’intégrer au milieu des autres lycéens de leur « âge ».
On retrouve, de façon sous-jacente, toutes les problématiques de tolérance et d’acceptation de l’autre qui traversent les États-Unis.
Il n’est pas difficile de remplacer les androïdes par n’importe quelle minorité et voir dans les réactions du voisinage de la méfiance teintée d’un fond de racisme.
L’étranger est malheureusement vu avec défiance.
Mais ce n’est qu’une partie de la réflexion du comics qui prend, petit à petit, le chemin du thriller psychologique.
Sans crier gare, Tom King bouscule cette vie paisible.
Et à l’image de Desperate Housewife, les mensonges ne cessent d’envenimer la situation.
Entre messe-basse, non-dits et chantage, la tension s’accroît sur la famille, amenant inévitablement à la tragédie.
Et c’est là que Tom King frappe fort.
Il a compris que la Vision est un personnage profondément tragique.
Famille dysfonctionnelle, relation de couple compliquée
Dès les premières pages, Tom King nous présente LA famille parfaite par excellence.
Tous souriants, les nouveaux arrivants sont accueillis au départ avec bienveillance.
Mais une bienveillance feinte qui cache en réalité une incompréhension.
Que viennent faire ces machines dans leur tranquille bourgade ?
Il faut dire que, malgré son statut de super-héros, les origines de Vision peuvent inciter à la méfiance.
N’est-il pas lui même le « fils » du super vilain Ultron ? Et en se créant cette famille, ne commet-il pas la même erreur que son créateur ?
La famille est évidemment au centre de tout.
Car derrière cette image idyllique se cache une généalogie complexe et une histoire d’amour perdu.
Et effectivement, on sent que le scénariste américain a bossé son dossier.
Tout en simplifiant son histoire, il donne aux lecteur.rices les clés essentielles pour mieux comprendre le personnage.
Car Vision restera sans doute à jamais ce robot qui est tombé amoureux d’une humaine.
Et pas n’importe quelle humaine : la Sorcière rouge.
L’ombre de cette histoire passée plane forcément sur le couple, notamment sur Virgina qui ne peut guère lutter.
Si l’histoire est considérée comme hors continuité, Tom King se sert de celle-ci pour approfondir ce personnage.
Ainsi, il introduit du réalisme social dans un récit, gardant en partie les codes du mainstream.
Un dessin en total adéquation avec le récit
La Vision est aussi symbolisé par une approche graphique hors-norme.
Si Gabriel Hernadez Walta a fait ses premières armes sur du mainstream, on le connaît maintenant plus pour ses projets indés en compagnie de Jeff Lemire.
Du coup, on n’est guère étonné d’assister à une osmose entre le trait du dessinateur et le récit de Tom King.
Son dessin aux formes rugueuses et à l’encrage charbonneux fait la part belle aux personnages, sans pour autant délaisser les arrière-plans.
Gabriel Hernandez Walta s’avère autant à l’aise dans les scènes du quotidien que sur les affrontements explosifs.
Il y injecte une multitude d’émotions, amenant cette puissance si particulière au récit.
Tom King n’impose pas encore son fameux gaufrier, donnant ainsi assez d’espace au dessinateur pour s’amuser sur des single pages éclatantes.
Pour un unique chapitre, Michael Walsh, lui aussi spécialiste des ambiances glauques et réalistes, complète la partie graphique.
Il s’occupe de celle consacrée à Vision et Wanda et l’étrangeté de cette idylle contraste avec l’approche réaliste du dessinateur.
Comme à son habitude, Jordie Bellaire enrobe le tout d’ambiances colorées simples mais aux tonalités persistantes.
En résumé
La Vision de Tom King et Gabriel Hernandez Walta est une des premières oeuvres marquantes du scénariste star.
S'attachant à un personnage mal aimé de l'écurie Marvel comics, Tom King donne une touche "Desperate Housewife" à son thriller psychologique, tout en analysant profondément les rapports de cette famille construite de toutes pièces.
De façon étonnante, le scénariste s'appuie sur la continuité pour mettre en scène des personnages tragiques empêtrés dans leurs propres mensonges.
Gabriel Hernadez Walta se régale (et nous régale) en illustrant ce casting hors norme, marqué par une généalogie et une histoire complexe.
Tendu, tragique, réaliste et profondément triste, La Vision est un titre touchant, d'une puissance graphique exceptionnelle.
Prix et récompenses
- 2019 : Prix Eisner du meilleur recueil
- 2016 : Prix Harvey du nouveau talent le plus prometteur
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