Que feriez-vous si la fin du monde avait lieu dans trois jours ? C’est la question que se pose Asumi, l’héroïne du roman d’anticipation de Iuna Allioux, Demain n’aura pas lieu. Trois jours pour comprendre pourquoi sa mère a fui au Japon, pour clarifier la relation avec son meilleur ami Maxence. Et réaliser un rêve : rencontrer l’écrivain coréen dont elle est amoureuse.
Trois jours à vivre
La vie d’Asumi était déjà bien compliquée. Entre une mère dévouée à son entreprise, des crises évanouissements survenant sans explications, son meilleur ami Maxence qui est amoureux d’elle et cette chaleur accablante qui pèse de plus en plus, la jeune lycéenne ne sait plus quoi penser.
Alors, quand ce qui ne semblait être qu’une canicule se révèle en fait être une apocalypse à court terme, elle va devoir décider de ce qui compte vraiment dans sa vie.
Hier, je gâchais mon temps. Les heures, les minutes, les secondes, tout ça mélangé dans un bouillon de souvenirs flottant comme les nuages.
Aujourd’hui, je cours après le temps.
Asumi est tiraillée depuis toujours. Elle flotte entre deux eaux, à l’image de son poisson Dak-Ho au fond de sa piscine.
Japon, le pays d’origine de ses parents séparés et le berceau de sa famille, ou Corée, la patrie de Ji Eunji, l’écrivain favori qu’elle rêve d’épouser ? Et Maxence ? Amitié de toujours, copain de fin du monde, ou amour fidèle et rassurant ? Rêves oniriques et poétiques ou réalité brûlante et destructrice ?
Dans la tête et le coeur d’Asumi se mêlent les sensations et les émotions, les projections et les souvenirs. Même les genres littéraires se fondent sous la chaleur puisqu’alternent les chapitres narratifs et les scènes théâtrales.
Une parenthèse (dés)enchantée
Difficile de parler de Demain n’aura pas lieu sans utiliser des qualificatifs tels que « ovni », « original » ou « déroutant ».
Découvrant l’écriture de Iuna Allioux avec ce titre, je me suis laissée porter par sa fantaisie et son monde étrange.
J’y ai même pris beaucoup de plaisir, retrouvant dans les doutes et les rêves d’Asumi un univers adolescent foisonnant et surréaliste. Expressionniste, dirait Maxence.
Les expressionnistes. C’est là où je veux en venir. Un jour, Edvard Munch a confié dans son journal : “Je me promenais sur un sentier avec deux amis – le soleil se couchait – tout d’un coup, le ciel devint rouge sang. Je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture – il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville – mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété – je sentais un cri infini qui se passait – à travers l’univers et qui déchirait la nature.” C’est de cette expérience qu’est née sa très célèbre peinture. Mais moi, je pense qu’il y a plus que ça.
Au fil des pages et des surprises, on pénètre l’esprit d’Asumi. Un esprit mouvant d’envies et de désirs, d’eau et de mystères, de questions et de manques.
Chaque évanouissement devient un moment suspendu. Une disparition temporelle qui ouvre sur un monde imaginaire : celui des secrets enfouis de sa mémoire.
Avec beaucoup de tendresse pour son personnage, Iuna Allioux nous offre le portrait symbolique et surréaliste d’une adolescente souvent perdue dans ce quotidien auquel elle ne se sent pas appartenir. S’il n’est pas toujours simple de suivre les fil de ses pensées, il faudra se laisser porter pour comprendre la poésie de cette fin du monde.
Pourquoi lire Demain n’aura pas lieu ?
Une apocalypse sans panique générale, sans fuite ni explosions. Demain n'aura pas lieu est un roman introspectif qui nous ouvre grandes les portes de l'esprit d'Asumi, une jeune adolescente qui va devoir décider de la manière dont elle veut vivre sa fin du monde. L'écriture pleine de fantaisie et d'onirisme d'Iuna Allioux se révèle d'une redoutable efficacité et l'on vit avec beaucoup d'émotions ces derniers jours avant la fin du monde.
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