No Reaction est un recueil de nouvelles de Keigo Shinzo, écrites et dessinées entre 2017 et 2021.
Selon les termes de l’auteur, celles-ci n’ont inspiré aucune réaction à ses lecteurs.
Le maître du « slice of life »
J’ai beau apprécier Hirayasumi de Keigo Shinzo, je ne connais que partiellement la bibliographie du mangaka.
L’ayant découvert avec deux oeuvres totalement différentes, Tokyo Alien Bros. et Mauvaises herbes, c’est avant tout sa dernière série qui a été une révélation pour moi.
D’ailleurs, si Mauvaises herbes m’avait scotché, je n’avais pas totalement adhéré à l’esprit de Tokyo Alien Bros.
Peut être n’étais-je pas encore assez mûr pour cette écriture légère et décalée ?
Il n’est sans doute pas anodin de retrouver nos deux aliens dans une des nouvelles de No Reaction.
Pour le mangaka, c’est une évidence, et pour moi, une façon de me dire qu’il faudrait peut être que je redonne sa chance à ce duo atypique.
Sur l’ensemble de ces histoires courtes, on retrouve parfaitement l’esprit du mangaka.
Si ce dernier avoue avoir vécu une période difficile, le ton ne s’en fait pas ressentir.
Contrairement à de nombreux recueils du même genre, la qualité des histoires est entière et l’appréciation de telle ou telle nouvelle est avant tout liée à des attentes personnelles.
Pour ma part, ce sont les dernières histoires qui sortent légèrement du lot.
Avec Quand j’ai été hospitalisé pour mon lymphone, il prend le risque de se mettre en scène.
Il y aborde un évènement particulièrement stressant, sans pour autant perdre sa nonchalance.
Avec J’aurais voulu être Taiyo Matsumoto, il offre un hommage sincère à un des plus grands mangakas de l’ère moderne.
Malgré des approches graphiques divergentes, il partage cet amour pour les personnages en décalage avec les diktats de la société.
Dans l’ensemble, on retrouve toute la maitrise du « slice of life » de Keigo Shinzo.
Par le prisme de la jeunesse, de la guerre ou de la famille, le mangaka use de tout son talent en nous captivant avec des moments de vie « anodine ».
Ainsi, on est guère étonné de suivre une discussion culinaire entre deux soldats, en pleine zone de conflits.
Et c’est sans doute toute la puissance de l’écriture de Keigo Shinzo.
Qu’il s’attarde sur une famille dysfonctionnelle ou sur son propre cancer, on retient avant tout cette simplicité qui, par miracle, ne dérive jamais vers la naïveté béate.
Keigo Shinzo n’ignore pas certaines difficultés de la vie mais il ne perd pas son temps à se lamenter et préfère aller de l’avant.
Au fond, il nous propose une petite bulle d’air dans ce marasme qu’est la réalité.
Et franchement, cela fait un bien fou !
Des marqueurs graphiques connus
Les histoires de No Reaction ont été publiées récemment et on y retrouve un dessin solide.
Le trait est souple, élégant, reprenant des attitudes et des ambiances qui ont fait, et font encore, le succès de ses oeuvres.
C’est détaillé et minutieux, tout en portant une réelle attention aux attitudes de ses personnages.
Sur une grande majorité de ce recueil, on retrouve ses marqueurs et même le design d’un personnage qu’il reprendra pour Hirayasumi.
Malgré tout, on appréciera les tentatives d’expérimentation des deux dernières nouvelles.
Entre ses clins d’oeil graphiques au style de Taiyo Matsumoto ou son style storyboardé sur son hospitalisation, on ne peut qu’apprécier la nouveauté.
Surtout que ces deux stylisations ne sont pas gratuites et correspondent chacune à leur histoire.
Pour la première, les raisons sont évidentes mais, sur la seconde, on s’arrêtera sur un dessin, rappelant le carnet de bord.
Comme si, par cette approche graphique, il nous invitait à entrer au moins un temps dans son vécu.
Une invitation qu’il serait idiot de refuser !
En résumé
Qu'on apprécie ou non les recueils d'histoires courtes, No reaction de Keigo Shinzo est une vision tendre et douce de plusieurs vies dans les bons comme les mauvais moments.
À travers 8 récits aux qualités égales, le mangaka trace les portraits d'amis, de familles qui résonnent avec l'état d'esprit dans lequel il était à l'écriture de ses histoires.
S'il parle assez facilement de passages à vide, il a su garder cette luminosité qui lui est propre.
Avec une certaine modestie, il a nommé son recueil No Reaction.
Il est pourtant difficile de rester impassible devant la tendresse et l'humanité qui se dégagent des écrits de Keigo Shinzo.
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