Mots Tordus et Bulles Carrées

Dernier gueuleton avant la fin du monde ( Jonas Jonasson )

Johan est le nigaud de la famille.
Fredrik, son frère, profite de la vente de la maison familiale pour se débarrasser du boulet.
En contrepartie, il lui achète un camping-car mais ne mentionne pas s’être réservé la plus grosse part du pactole.
Johan se retrouve seul et, en garant son nouveau véhicule, il percute celui de Petra, l’envoyant malencontreusement dans le fossé.
C’est ainsi qu’il fait la connaissance de la prêtresse de l’Apocalypse.
Astrophysicienne autodidacte, Petra prévoit la fin du monde pour le 21 septembre à 21h20.
De quoi laisser du temps au duo pour se lancer dans un road-trip gourmand et décalé.

Un gueuleton apocalyptique

Dernier gueuleton avant la fin du monde est ma première approche de la prose si particulière de Jonas Jonasson.
Le vieux qui voulait fêter son anniversaire est entré dans la culture littéraire commune mais, malgré son adaptation au cinéma, je ne m’étais pas encore frotté à l’univers décalé de l’écrivain suédois.

C’est donc maintenant chose faite et je dois dire que l’expérience a été des plus agréables.
Le pitch de Dernier gueuleton avant la fin du monde est aussi improbable qu’attachant.
Attachant par son personnage principal.
Johan est un idiot, pas dans le sens abruti, mais plutôt dans sa forme la plus enfantine.
Et c’est sans doute ce qui le rend aussi sympathique.
Sans être forcément conscient de ses lacunes, sa naïveté confondante l’amène à des rencontres inédites.
À l’instar d’un Luffy de One Piece, il attire les bonnes ondes autour de lui.
Car, aussi bête soit-il, il a un talent hors normes : la cuisine.
Auprès de Fredrik, qui n’a eu de cesse de le critiquer, il ne s’est jamais rendu compte de ses capacités mais, grâce à ses nouvelles connaissances, il va apprendre à être fier de lui.
Et franchement, rien qu’à l’évocation des menus, on salive tout en enviant Petra et Agnès.

Car ce road-trip n’est pas solitaire.
Petra, la première embarquée dans l’aventure, est un peu dingue.
Loin d’être une imbécile, elle a, malgré tout, beaucoup de points communs avec Johan.
Son rapport aux autres est complexe et son enfance a été marquée par la solitude et les moqueries.
Mais, elle tient enfin sa revanche : elle connaît la date de la fin du monde.
Agnès, que je vous laisse découvrir, complète ce trio iconoclaste, se lançant dans ce qui doit être leur dernier voyage.
Et autant profiter de cette fin annoncée pour régler ses comptes.

L’absurdité du réel

Mais Dernier Gueuleton avant la fin du monde, ce n’est pas qu’un trio fantasque.
C’est aussi la légèreté d’une écriture, des dialogues truculents, un mélange d’ironie et de dérision, agrémenté d’un regard sur le monde politique.

Certes, il est peu probable qu’un nigaud tel que Johan, même avec la meilleure volonté du monde, puisse un jour rencontrer l’homme le plus puissant du monde et lui tenir le crachoir avec un simple fromage suédois.
Ce symbole, aussi inattendu soit-il, démontre une forme d’expertise de la part de Jonas Jonasson.
Ancien journaliste, il comprend les rapports qui régissent les relations étrangères.
Le poids des Etats-Unis, les désunions africaines ou la corruption russe sont autant de faits réels dont se sert l’écrivain pour pimenter son histoire.
Et, si l’intrigue est complètement barrée, le fond lui est bien réel.
On ne peut donc ignorer une forme de critique se cachant derrière cette satire grotesque, notamment à partir de la seconde partie.

En effet, si le roman se divise en 4 parties, on distingue essentiellement deux périodes.
La première, plus fantaisiste, se moque avant tout des rapports humains alors que la seconde s’attache à des thématiques plus profondes, tout en gardant cette ironie constante.
D’ailleurs, sur la seconde partie, on pourrait revenir sur les choix moraux de nos personnages et le manque de remise en question de certains.
Mais au final, entre celui qui ne comprend pas, celle qui veut changer le monde de l’intérieur et celle qui n’en attend que sa fin, on se rend vite compte que les cartes ne sont pas entre leurs mains.
Ils ne sont que les acteurs involontaires de cette farce aux relents de vérité.

En résumé

Dernier gueuleton avant la fin du monde de Jonas Jonasson est le road-trip délirant d'un trio qui court après le temps, tout en dégustant des mets d'une qualité sidérante. 

Derrière le ton léger et la dérision de l'écriture de Jonas Jonasson, se cache la vision d'un monde cynique où un simple d'esprit semble plus éclairé que certains hommes d'état.
L'écrivain suédois force le trait, même si on sent derrière ses propos une forme d'expertise journalistique.

Au final, comme souvent, sous la caricature se cache un fond de vérité
.

Pour lire nos chronique sur Once upon a time at the end of the world et Demain n’aura pas lieu

Bulles Carrées

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