Depuis Il était ma légende d’Estelle Faye, dans la collection Court toujours de Nathan, j’attendais un récit de fantasy. C’est chose faite, et bien faite, avec Le roi des Sylphes de David Bry. L’auteur des Héritiers de Brisaine, une trilogie de fantasy à destination des 9-12 ans, nous propose ici un court roman qui nous plonge au coeur d’un royaume en déclin dont l’héritage repose sur les épaules d’un prince qui n’en veut pas…
Les Monts Brumeux
Les rares nuages se sont déchirés dans le ciel. La lune glaciale brille, illuminant de ses rayons métalliques la salle du trône au travers des meurtrières ouvertes sur l’extérieur.
Il fait froid, très froid.
Quelques flocons flottent dans l’air.
C’est dans cet univers de métal et de glace que règne Albe, la reine des Sylphes. Mais ce royaume se meurt. Il est de plus en plus menacé par les humains et son peuple s’éteint peu à peu.
Alors, lorsque Joran, l’une des guerrière sylphes, ancienne compagne de la reine, reçoit la visite peu amicale d’un groupe d’hommes armés, le combat est sans pitié. Dans une scène majestueuse et aérienne, la sylphide se débarrasse avec aisance des importuns.
Car ce ne sont pas ces hommes qui l’intéressent.
Un messager des Monts Brumeux vient lui porter une requête. La reine a besoin de son aide pour assurer la sécurité de son fils Galerne.
Le feu et la glace
– Cela fait longtemps, si longtemps, murmure Joran.
Albe acquiesce lentement, dévorant la nouvelle venue du regard.
– Tu m’as manqué, lâche-t-elle.
– Tu m’as chassée.
– Il me fallait un enfant. Il me fallait un héritier pour le royaume des sylphes. Je n’avais pas le choix, tu le sais comme moi.
Le Roi des sylphes, c’est le récit de choix qui ont été faits ou qui devront l’être. D’un conflit aussi entre l’intime et le pouvoir. A la manière d’une tragédie grecque, David Bry place ses personnages face à des dilemmes qui mettent en jeu des vies et des peuples.
Albe a aimé Joran mais elle a dû la chasser pour engendrer un héritier.
Joran s’est isolée dans la forêt pour guérir de son amour perdu mais elle doit protéger le fils de son ancienne compagne.
Galerne, en effet, est mi-homme, mi-sylphide. Son humanité pose problème et il doit la faire disparaitre grâce à une cérémonie qui fera de lui l’héritier des Monts Brumeux. Mais il semble attaché à la princesse Ysaure, fille captive d’un roi humain. Son choix n’est donc pas arrêté quant à effacer sa part humaine pour endosser le rôle de souverain. Car accepter son destin de roi des sylphes signifierait abandonner Ysaure.
L’écriture de l’auteur déploie dans ce court récit, condensé d’atmosphère glacée et de secrets amoureux, une ampleur surprenante. Chaque personnage prend vie avec peu de mots mais des regards, des gestes qui disent bien plus que les paroles. Nul besoin ici de longues descriptions ou de retours en arrière intarissables. La situation périlleuse de chacune et chacun est peinte d’un trait. Comme sur un fil, le royaume des sylphes peut basculer et sombrer.
Et l’on comprend pourquoi. La froideur de ces êtres liés à l’air s’oppose aux émotions ancrées dans le corps et dans la terre des humains. Or, la survie du peuple des sylphes dépend d’un choix que fera (ou non) son prince.
Pourquoi lire Le Roi des sylphes ?
Avec le Roi des sylphes, David Bry relève le défi de nous faire pénétrer dans un univers de fantasy dense et d’en saisir les enjeux, tout en nous proposant des personnages à la fois mystérieux et porteurs d’une destinée bien lourde. Son récit, empreint d’une violence glacée, fait souffler un feu de tragédie profondément humaine. Doit-on accepter, envers et contre tous, un destin qui ne nous semble pas le nôtre ?
Une très belle lecture, qui tient ses promesses.
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