Mots Tordus et Bulles Carrées

Opus (Kon Satoshi)

Kon Satoshi était pour moi l’un des maîtres (voire le meilleur) de la japanimation.
Des films comme Perfect Blue, Millennium Actress, Tokyo Godfather ou Paprika resteront comme des chefs d’oeuvres dans une carrière qui aura été malheureusement bien trop courte.
Son décès brutal a laissé, encore à ce jour, un grand vide.
On peut donc remercier les éditions Imho de nous proposer une de ses rares incursions dans le manga.

Chikara Nagai est un mangaka qui peine à terminer sa série, Résonance.
Le manga met en scène l’affrontement entre Satoko et Le Masque.
Alors que Chikara est sur le point d’achever ses dernières pages, il se retrouve aspiré dans son propre manga.
Rin, un de ses personnages, a compris que son « créateur » voulait le tuer et décide de déjouer son destin.
Mais son intervention risque de bouleverser le cours des choses…

Opus : Entre fiction et réalité

Le dur labeur du mangaka

Pour ceux qui connaissent le travail du réalisateur, la trame d’ Opus ne les surprendra pas.
Mélange subtile entre réalité et fiction, le manga est une mise en abîme du rôle du mangaka au regard de ses créations.
L’oeuvre de Kon Satoshi est un mélange rare de fantastique, d’aventure et de polar avec une petite touche de romantisme et d’humour.

Si le premier tome s’intéresse avant tout à la mise en place de l’intrigue et des personnages, c’est l’action qui aura la part belle sur le second volume.
On est ainsi pris dans une tornade haletante et le rythme effréné du manga ne nous laisse que de très rares moments pour respirer.
Certains moments sont déjà des prémisses de scènes épiques et complètement folles qu’on trouvera dans les longs métrages de l’auteur ( je pense notamment à Paprika).

Véritablement mis en abîme, l’auteur se retrouve dans son propre manga alors que les autres personnages de ce même manga doivent, eux, revivre leur passé.
Compliqué, me direz-vous ?
Même pas.
Kon Satoshi avait assez de génie pour rendre cela limpide en évitant les dialogues à rallonge, explicatifs et rébarbatifs.
L »oeuvre est aussi claire qu’elle est dense et rythmée.

Mais plus que l’histoire, c’est la réflexion autour des personnages « fictifs » et leurs sorts qui intéressent un auteur qui réfléchira beaucoup sur le lien auteur / créateur et réalité / fiction.
Comment réagir en apprenant que toute notre existence a été manipulée par une seule et unique personne ? Et tout ça pour divertir un public invisible ?

Des années avant Crossover de Donny Cates avec lequel il partage certaines thématiques communes, le mangaka offrait à ses lecteurs une double lecture agrémentée d’une bonne dose d’action.

Un dessin aussi riche que le scénario

Un travail soigné et détaillé

Opus, c’est aussi une des rares occasions de pouvoir admirer le trait du maître.
L’auteur n’ayant que très peu d’ouvrages à son actif, l’oeuvre est une occasion d’admirer un dessin soigné , détaillé et réaliste mais aussi une mise en page d’une grande maîtrise.

On ressent d’ailleurs toute l’influence qu’a pu avoir un Katsuhiro Otomo sur le travail de Kon Satoshi.
Si ses personnages ont encore quelques imperfections, somme toute légères, le mangaka prouve une véritable technicité architecturale qui n’est pas sans rappeler celui du créateur d’Akira.
C’est fouillé, dynamique et totalement bluffant.

Opus ou le drame de la fin ouverte

Quand la réalité fracasse la fiction ( et inversement)

Reste la fin d’Opus qui se révèle frustrante pour beaucoup.
Signe du destin, le manga sera interrompu brutalement ( un peu comme pour Séraphin , autre manga où il collaborera avec Mamoru Oshii).
Ici, pas de prise de bec avec son collaborateur mais juste la fin inattendue du magazine de prépublication qui oblige l’auteur à clôturer son récit alors qu’il avait apparemment encore beaucoup de choses à nous raconter (notamment sur le personnage principal).

Cependant, il réussira à limiter notre frustration.
Opus est un récit dense qui offre une véritable richesse en seulement 2 tomes.
On en prend plein la face et on se régale franchement de cette confrontation entre la réalité du mangaka et la fiction dont il est lui-même le créateur.
Et puis, pour les amateurs du réalisateur, ce manga est quasiment un indispensable tant il aborde des thématiques omniprésentes dans ses futurs travaux.
Opus est d’ailleurs un lien réel entre sa casquette de mangaka et celle à venir de réalisateur. Il travaillait sur son premier long métrage, Perfect Blue quand il dût abandonner Opus.

Enfin, quoiqu’on en dise, cette histoire a une fin.
Certes, ce n’est sûrement pas celle que Kon Satoshi avait prévue mais dans la précipitation, il parvient à mettre un point final à son aventure.
C’est intelligent mais aussi cohérent avec l’univers qu’il avait mis en place dans ses 2 volumes.
Bien sûr, on peut (on doit même) regretter que l’auteur n’ai jamais eu l’idée (ou le temps) de reprendre son histoire mais au final cette conclusion reste touchante de sincérité.
L’auteur se dirigeait déjà vers une autre carrière et allait connaître le succès qu’il méritait amplement.
Une fin qui au fond annonçait le début d’une autre histoire.

En résumé

Opus aurait pu devenir, à l'image d'un Akira ou d'un Ghost in the shell, un manga culte. 
Sa destinée a été tout autre.

Malgré tout, l'oeuvre est un condensé de ce qui fera l'excellence des longs métrages de Kon Satoshi.
On y retrouve les thématiques qui lui sont chères mais aussi un trait et une mise en scène déjà bien établis.
Opus est la preuve même du génie à venir d'un réalisateur disparu bien trop tôt.

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Bulles Carrées

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