Rien nous appartient (Guillaume Guéraud)

J’ai été marquée par la lecture de « Je mourrai pas gibier » il y a plusieurs années, par sa révolte et sa violence. Si bien que lorsque j’ai découvert « Rien nous appartient« , le dernier roman jeunesse de Guillaume Guéraud (aux éditions PKJ), avec sa couverture jaune et noire et le visage de ce jeune homme entre ombre et lumière, j’ai hésité. Mais comme pour des récits forts tels que « Blast » de Manu Larcenet, j’ai aimé écouter les paroles de « ceux qui ne marchent pas droit« . 

Malik

 « Rien nous appartient » (cette antithèse d’une fameuse série à succès « Demain nous appartient ») est en effet la prise de parole et la justification d’un attentat à la bombe que prépare Malik, un jeune de 19 ans qui vit à Saint Denis, dans une cité grise. Dans ces 158 pages, il s’adresse à ceux qui mèneront l’enquête. A ses proches (son père, ses potes de quartier, Fatima, la fille qu’il aime, mais aussi ceux qu’il a rencontrés dans son parcours déjà bien agité).

« Avant de faire ce que j’ai à faire,

je voudrais mettre les choses au clair.

Parce qu’après, ça va forcément m’échapper.

Et je ne serai plus là. »

Une langue insolente

La langue est orale, sans fioriture mais tout de même empreinte de références littéraires. Car Malik n’est pas un gamin de banlieue comme les autres. Il a fait des études, il est même plutôt bon, il lit et s’intéresse au cinéma américain plutôt classique. Son insolence et son ras-le-bol touchent tous les sujets de sa génération. Il se moque de la religion (des « barbus »), des réseaux (son surnom, c’est « Jurassik ») mais respecte ses professeurs (notamment ceux de l’EPM, l' »établissement pénitentiaire pour mineurs » dans lequel il va passer 16 mois à la suite d’un acte grave)… Il s’est lancé dans la délinquance comme on se lance dans l’aventure. Pour ne pas s’ennuyer et vivre des sensations avec ses potes. Ce qu’il veut par-dessus tout, c’est être libre. Et agir.

« On regarde les infos, les cyclones, les tremblements de terre, les émeutes à Mayotte, Washington, Gênes, Bogota, Rio de Janeiro, Caracas, Damas, Alger, Hong Kong. On attend que tout explose.

Je ne peux plus attendre.« 

 Comme Buck, le chien héros de « l’Appel de la forêt » de Jack London, il rêve de partir vers les grands espaces sauvages. Comme Robin des bois, il voudrait voler aux riches pour donner aux pauvres. Mais la réalité et la société du 21e siècle est un mur sur lequel il se fracasse régulièrement. 

La construction du roman est comme un puzzle dont les pièces sont découvertes petit à petit mais qui ne trouvent leur place qu’au fil de la lecture. Un doigt en moins, l’ascension de l’Etendard, l’incendie du Fouquet’s, le Bac de français, le baiser de Fatima, la prison, la vieille dame russe, le gros raciste. Chacune de ces pièces, associée aux autres, formera le tableau final.

Pourquoi lire Rien nous appartient ?

Dans un enchainement de montées et de descente, de petits moments de grâce et de déceptions, Guillaume Guéraud nous fait ressentir des émotions complexes qui mène le personnage principal vers l'irréparable. 

On ne sort pas indemne de cette lecture, c'est certain. Mais la violence et la poésie s'y mêlent comme un cocktail explosif. "Un bouquet de nerfs" comme dirait Bertrand Cantat dans l'album de Noir Désir "Des Visages, des figures". 

Le roman est disponible chez 12-21 en édition numérique adaptable à tous les lecteurs.

(Mots Tordus)

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