Voleuse (Lucie Bryon)

Ella est une étudiante dans toute sa splendeur.
Avec sa meilleure amie Leslie, elle aime faire la fête et ne se présente en cours que pour admirer Madeleine pour qui elle a un véritable coup de coeur.
Petit problème, elle ne lui a jamais adressé la parole.

C’est au cours d’une soirée improvisée que les deux jeunes filles se rencontrent mais l’alcool n’aidant pas, Ella se réveille le lendemain en se rendant compte qu’elle a embarqué avec elle des objets qui ne lui appartenaient pas.

Vient-elle de voler les affaires de celle qu’elle aime ?

Sortir de ses habitudes de lecture

Il y a des livres que l’on croise régulièrement et avec lesquels la rencontre ne se fait pas immédiatement.
Les raisons sont multiples, qu’elles tiennent à une thématique éloignée de nos préoccupation ou à un dessin inhabituel.
Voleuse de Lucie Bryon, aux éditions Sarbacane, a eu cet effet lorsque je l’ai découvert dans sa 1ère édition.

Repéré dès sa sortie par le biais d’une couverture marquante où deux jeunes filles nous fixent du regard comme pour nous narguer, je décide malgré tout, de le laisser sur les étalages de ma librairie.
Je l’ai feuilleté à maintes reprises mais toujours reposé.
Le nombre sans cesse grandissant de sorties impacte forcement nos choix mais, pour être tout à fait honnête, c’est le traitement graphique, très influencé manga, qui a persuadé mon instinct de lecteur, pourtant chevronné, que cette bd ne m’était pas faite pour moi.

Reste que je suis un lecteur curieux et, au vu des avis dithyrambiques captés ici et là, je ne pouvais que garder ce titre en tête.
Et un jour, la rencontre se fait en fin avec Voleuse.

Le style « manga » de Voleuse

Parler de graphismes est toujours un peu étrange.

Le style de Lucie Bryon ne m’attire pas à la base et pourtant, j’ai vraiment eu un petit coup de coeur pour cet album.
Il faut dire que son dessin, tout en rondeur et en fraîcheur, correspond parfaitement à l’esprit voulu par son histoire.
Un naturel assez fascinant se dégage des personnages de l’autrice.
Leurs vies étudiantes mélangent de fêtes et .. de fêtes, leurs amis (extraordinaire Leslie), leurs romances, tout est traité avec sensibilité mais aussi humour.

Ses visage sont des merveilles d’expressions.
Ella, avec ses grandes oreilles et ses nombreuses expressions de visages, de la plus simple à la plus exagérée, contraste avec celui d’une Madeleine plus réservée.

Voleuse ou le regard d’une jeunesse bouillonnante

Cependant, derrière cette joie de vivre, Voleuse aborde 2 thématiques assez profondes : celle de l’homosexualité et du harcèlement.

La vie amoureuse des 2 jeunes filles est racontée comme n’importe quelle relation et n’offusque personne.
De ce point de vue, Lucie Bryon est dans les pas d’une Tillie Walden qui depuis longtemps a fait de ce sujet un non sujet dans le sens où ses personnages sont ce qu’ils sont et qu’il n’y aucun débat ou réflexions à avoir autour de ça.
Une manière intelligente de démontrer que ce sont les intolérant.es qui n’ont pas une vision normale du monde.

En fait, le véritable sujet, qui est au centre de toute son intrigue, c’est le harcèlement.
Lucie Bryon traite un de ses aspects, au fond, peu abordé : celui des répercutions et comment il est difficile, pour une victime de harcèlement, d’y faire face, même des années plus tard.

Un sujet hautement d’actualité et qui démontre qu’on a encore beaucoup de progrès à faire à ce sujet.

En résumé

Voleuse est un pur régal.
Derrière des thématiques actuelles, un véritable vent de fraîcheur traverse cette Bd.

Ella, Madeleine, Leslie et son copain incarnent à merveille cette jeunesse qu'on a mis de côté ces dernières années.
Une jeunesse sensible, complexe et drôle

Un album à lire, à offrir et à relire.