Francoeur (Marie-Aude Murail / Constance Robert-Murail)

16 ans après Miss Charity, Marie-Aude Murail, accompagnée pour l’occasion de sa fille Constance Robert-Murail, reprend le chemin virevoltant du 19e siècle avec Francoeur, à nous la vie d’artiste ! Ce premier tome de ce qui sera une duologie nous plonge au coeur de la vie trépidante de la famille Dupin, dont la fratrie, composée d’une romancière, d’un peintre, d’un poète et d’une actrice, est romantiquement artiste. Entre vie de bohème et barricades, laissez-vous emporter dans le Second Empire !

Le clan Dupin

A l’image du clan Murail dont la fratrie et les générations sont empreintes de créativité et d’esprit artistique, le destin de la famille Dupin est exemplaire.

Nés dans le Berry d’une histoire d’amour compliquée entre Sophie, une enfant née d’un amour hors mariage, et Marie-Gaston, un peintre sans biens, Anna, Isidore, Marceau et Olympia vivent des années d’enfance joyeuses, au coeur de la nature, malgré leur précarité. Obligés de suivre leur père, en quête de reconnaissance artistique, sur Paris, la famille va vivre dans la misère et affronter bien des déboires pour survivre.

Malgré tout, la fratrie est unie et protectrice. Elle offre à chacun de ses membres la possibilité de s’exprimer dans son art. Si Anna est passionnée par les histoires depuis toute petite et qu’elle se rêve romancière, son frère Isidore est un peintre fasciné par les animaux. Marceau, le second frère, est quant à lui un poète sensible et torturé. Enfin, Olympia, la petite dernière, écorchée vive, est une actrice née.

Mais pour vivre de son art, en plein Second Empire, rien n’est facile.

C’est la raison pour laquelle chacun va devoir gagner son pain en travaillant. Qui dans un atelier de couture, qui dans un journal, qui à peindre des petits chiens. Et leur esprit politique va ainsi se forger, chacun s’engageant dans les grands combats de cette époque. Entre monarchie de Juillet, révolution de 1848, proclamation de la Deuxième République puis l’élection présidentielle de Louis-Napoléon Bonaparte, bientôt Empereur des Français.

Nous découvrons cette « troupe » à travers les lettres qu’Anna, qui deviendra Francoeur, échange avec une admiratrice surnommée « Mademoiselle ».

Je me jurai alors que je ne me marierais JAMAIS et que je n’aurais JAMAIS d’enfant. Oui, c’est une scène dont on trouve la transposition dans mon roman La Mare aux fées. Mon héroïne, la petite Rosa, fait le serment, au pied du lit de sa mère morte, de ne jamais se marier et de ne pas avoir d’enfant. Si vous voulez devenir écrivain, comme vous me le dites, c’est vous, c’est votre vie que vous donnerez à vos personnages. Ouvrez votre coeur et trempez votre plume dans votre sang qui s’écoule. Ecrire sans souffrir n’est pas écrire.

Et la fresque familiale devient touchante et vivante, comme un instantané de cette époque mouvementée.

Une fresque historique et familiale

On retrouve dans Francoeur ce mélange de romanesque et de vraisemblable que j’avais déjà tellement aimé dans Miss Chartity.

Car, comme l’indique la troisième de couverture, Anna, Olympia et Isidore sont en fait George Sand, Sarah Bernhardt et Rosa Bonheur. Et c’est là que tout le talent de Marie-Aude Murail répand sa magie. On s’attache profondément à cette fratrie si excessive et sensible, en proie aux affres de la misère. La lutte d’Anna pour être éditée en tant que femme, le combat d’Isidore pour être reconnu en tant que peintre animalier, celui d’Olympia pour briller en tant qu’actrice, chaque parcours est celui d’une combattante.

N’ayant une pensée politique que de fraiche date, je me mis à lire frénétiquement Lamartine, Victor Hugo, puis tous ceux qui faisaient peur aux bourgeois, Proudhon, Karl Marx, Ledru-Rollin, Pierre Leroux. Lisant parfois tard dans la nuit, je me mis à réfléchir jusqu’à m’en donner des vertiges. Car oui, réfléchir peut vous faire monter à des hauteurs vertigineuses d’où vous croyez soudain tout voir et tout comprendre. Je compris ou je crus comprendre le socialisme, le républicanisme, le communisme. Dès lors, je n’eus plus un instant de repos et je pouvais m’écrier en plein repas :

– On peut tout réformer, y compris cette ancestrale inégalité entre les hommes et les femmes !

– Mange donc, cela refroidit, soupirait Isidore.

Mais la densité du roman ne s’arrête pas là. On y peint aussi une époque que, je l’avoue, je connaissais peu et mal. Alors qu’elle a vu les bouleversements les plus intenses.

Ouvrir ce roman c’est donc littéralement plonger dans une aventure historique et artistique un peu folle. Mais quel enthousiasme !

L’écriture de Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail est impressionnante de maîtrise, de flamboyance et d’humour. Un grand plaisir romanesque, assurément !

Pourquoi lire Francoeur, à nous la vie d’artiste ! ?

Avec Francoeur, Marie-Aude Murail et Constance Robert-Murail nous prennent par la main pour nous faire vivre la vie d'artiste en plein Paris romantique. A travers le destin d'une fratrie exceptionnelle d'artistes du XIXe siècle, les deux complices, mère et fille, font virevolter nos esprits entre révolution et engagement. Un roman magnifique sur la vie littéraire et artistique, sur l'âme romantique et l'amour fraternel. 

Vivement le tome 2 !

Pour lire nos chronique su Un rêve américain Joe Shuster et Le retour

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