Deux factions protègent le monde tout en s’opposant : les scientifiques de l’Ordre-Naturel-des-Choses et les magiciens des Pouvoirs-en-Place.
Au sein de cette hiérarchie, Wyn, unique avatar des Pouvoirs-en-Place et Aiko vivent un mariage heureux malgré leurs positions respectives.
Mais Aiko accepte une offre qu’elle ne pouvait pas refuser, provoquant la séparation du couple.
10 ans plus tard, ils se retrouvent, magiciens et scientifiques, pour faire face à une menace commune.
Une restructuration de l’univers magique
En réalité, l’univers super-héroïque Marvel n’est pas aussi compliqué qu’on veut bien nous le faire croire.
Pour simplifier, le genre se divise en plusieurs sous catégories : super-héro.ïne classique, street, galactique, scientifique et, bien sûr, magicien.ne.
La dernière section n’est pas la plus élaborée, ni la plus connue de l’univers Marvel.
Certes, Docteur Strange est un porte drapeau prestigieux mais cette cosmogonie ne s’arrête pas au sorcier suprême.
Récemment, la série Strange Academy en a proposé une version accessible et rafraichissante.
Avec G.O.D.S., Marvel promet une remise à niveau complète sous la direction ambitieuse de Jonathan Hickman.
Or, à la lecture de cet opus, une question s’impose : était-ce vraiment l’objectif du scénariste américain ?
Manipulation scénaristique
G.O.D.S. de Jonathan Hickman et Valerio Schiti était espéré comme un équivalent d’House of X pour le monde de la magie.
Et quoiqu’on pense de l’ère Krakoa, HOX et POX (Power of X) ont radicalement dépoussiérés la franchise X-Men.
Forcément, les attentes étaient énormes.
Le scénariste, qui n’a pas la langue dans sa poche, nous présente un projet intriguant, sorte de délire conceptuel comme il sait si bien les mener.
Mais la maxi-série, annoncée en 8 issues, est parasitée par une actualité, prenant toute la lumière : le retour de l’univers Ultimates.
Assez ironiquement, c’est encore Jonathan Hickman qui est à la manoeuvre.
Or, cette nouvelle franchise prend toute son attention, délaissant cette déconstruction du monde magique.
Et honnêtement, c’est dommage !
Certes, G.O.D.S. n’est pas aussi ambitieux qu’escompté et ne bousculera aucunement l’univers Marvel.
Mais, Jonathan Hickman propose un scénario captivant, sorte de romance intemporelle peuplée de concepts tous plus fous les uns que les autres.
Docteur Strange et son microcosme sont, en réalité, une excuse à la création de nouveaux personnages et d’une mythologie propre.
Cette cosmogonie offre une base pour faire vivre les propres envies du scénariste quitte à provoquer une frustration.
Paradoxalement, on lui reproche souvent d’abandonner ses projets en cours de route mais, quoiqu’on en dise, ce n’est pas le cas ici.
Ce qu’il introduit, il le conclue, coupant l’herbe sous le pied à de future équipe artistique.
Il n’en reste pas moins que G.O.D.S. est bourré de qualité.
Moins complexe et auto-contenu, il ne demande pas de connaissances particulière et se déguste pour ce qu’il est : une bonne histoire avec un début et une fin !
Je comprends les attentes des lecteur-rices et peut être était-elle plus prononcées au début du projet.
Mais la conclusion est sans appel. Il n’y aura pas de plan sur le long terme.
Et c’est, sans doute, ce qui explique, le peu de résonance de ce projet au sein même de l’écurie Marvel.
Conflit et amour
G.O.D.S. propose une vaste intrigue, entrecoupée en chapitres avec de pures créations du scénariste.
Certains éléments de la cosmogonie Marvel, tel que Chaos ou le Tribunal Vivant, sont modernisés mais elles n’ont plus grand chose à voir avec la vision de Jim Starlin.
C’est une approche nouvelle, celle de Jonathan Hickman !
Le comics met en scène deux castes, scientifiques et magiciens, que tout opposent mais qui doivent collaborer pour éliminer des menaces extrêmes.
Et au milieu de ces conflits interdimensionnels, il se focalise sur Wyn, Aiko et Michael, rejoint par la suite par Mia.
À travers Wyn et Aiko, on découvre les affres du couple face à un choix de carrière et aux incompatibilités induites.
On est nombreux à comparer Wyn à John Constantine.
On retrouve cette nonchalance accompagnée d’une certitude agaçante et d’un humour pince sans rire.
S’il n’a pas hérité du cynisme de son homologue, il y a gagné en sympathie.
Wyn est particulièrement attachant et rappelle, d’une certaine façon, La Mort dans East of West (en moins lugubre).
Ils ont en commun cet amour inconditionnel qui amène, d’ailleurs, à cette fin controversée.
Aiko est plus radicale. Elle sacrifie son couple pour incorporer les hautes sphères de l’Ordre-Naturel-des-Choses et n’hésite pas à impliquer une innocente dans les manipulations de sa caste.
C’est un personnage empli de remords qui cherche, malgré tout, à réparer ses fautes quite à en subir les conséquences.
La tragédie reste en toile de fond, quasi omniprésente et semble induite par l’histoire de certains personnages.
À ce niveau, Michaël a quelques passages interessants, démontrant un certain potentiel.
D’ailleurs, je me demande si Jonathan Hickman ne cherche pas à retrouver l’osmose du trio de Planetary.
On pourra reprocher des sujets expédiés un peu rapidement et une narration temporelle gadget mais en réalité, l’intérêt se trouve ailleurs .
Si on veut faire simple, G.O.D.S. est une histoire d’amour, ni plus ni moins.
Alors oui, on a notre lot de conflits contre des entités surpuissantes, de concepts délirants et de manipulations machiavéliques mais au final, on suit surtout le parcours d’un couple, séparé par obligation et qui cherche à se retrouver.
D’ailleurs, avec cette idée en tête, la fin a beaucoup plus de sens et s’avère même émouvante.
Un dessin élégant mais fragile
Au dessin, Valerio Schiti propose des planches d’une bonne qualité.
Il se rapproche du trait de Pepe Larraz, même si, pour le moment, je le trouve encore un peu en dessous.
Je ne peux m’empêcher d’y voir quelques irrégularités de proportions ou de rigidité de personnages.
Néanmoins, son trait reste pur et clair et son encrage offre de belle variation de profondeur.
De plus, notamment sur G.O.D.S., il crée des designs inventifs et inspirés.
Son interprétation du Tribunal Vivant est impressionnante. Il lui donne un aspect mécanique tout en reprenant les traceurs de son design initial.
Comme toute revisite, l’approche ne plaira pas à tous mais elle correspond assez bien aux concepts scientifiques de Jonathan Hickman.
On est plutôt dans la fourchette haute des dessinateurs de Marvel et l’ensemble est franchement agréable à regarder.
Sa régularité lui permet, malgré un dessin détaillé et généreux, d’être présent sur les 8 parties et de ne faire appel à aucun fill-iner, chose de plus en plus rare dans le comics mainstream.
Les couleurs de Marta Garcia sont toujours impeccables.
Ses effets de lumières apportent de la profondeur et de l’intensité au dessin de Valerio Schiti, démontrant qu’elle est une des meilleures dans sa partie.
En résumé
G.O.D.S de Jonathan Hickman et Valerio Schiti nous a été vendu par Marvel comme une restructuration complète du monde de la magie.
Au final, la maxi série de Jonathan Hickman délaisse rapidement cet objectif pour nous proposer une histoire d'amour entravées par des oppositions de factions et des affrontements cosmiques majeurs.
Le scénariste s'empare de quelques éléments de la cosmogonie Marvel pour enrichir ses propres créations et multiplier les concepts délirants.
Si l'histoire globale peut paraître confuse, elle offre surtout un écrin majestueux à des personnages complexes aux destinées tragiques.
Le dessin de Valerio Schiti est détaillé et généreux. S'il peut paraître parfois inégal, il fait preuve d'une grande inventivité dans ses designs.
L'ensemble est parfaitement soutenue par la palette de couleur de Marta Garcia.
G.O.D.S. n'est peut être pas aussi ambitieux qu'escompté mais ce qu'il perd en bouleversement, il le gagne en sensibilité.
Pour lire nos chroniques de Planetary et de L’étrange vie de Christopher Chaos