La méduse (Boum)

Odette sort de chez son optométriste.
Ce dernier lui annonce qu’elle a bien une méduse au niveau de l’oeil gauche mais il ne semble pas inquiet.
Alors le jeune femme continue sa vie.
Libraire, elle fait la rencontre de Naina, une amatrice de Gunnm avec qui elle entame une relation amoureuse.
Pendant ce temps, la méduse reste toujours une ombre omniprésente, signe d’un mal plus profond.

Vivre avec un mal inconnu

La vie simple d’une libraire

Séance de mode avant rendez-vous galant

La méduse est un comics canadien écrit et dessiné par Boum, autrice d’une trentaine d’années à la bibliographie bien fournie.
Enfin « comics » car l’autrice est nord américaine mais la forme rappelle bien plus le manga autant par le format que par le choix du noir et blanc.

D’ailleurs, en ouvrant cette bande dessinée, je ne savais pas à quoi m’attendre.
La couverture intrigue mais elle dénote d’une atmosphère morose qui ne reflète aucunement le ton de l’intrigue de Boum.
Pourtant, le sujet aurait pu s’y prêter.

Ainsi, on suit la vie quasi « banale » d’Odette, une jeune libraire qui navigue entre les discussions avec son meilleur ami, un travail qu’elle adore et une mère un peu trop collante.
C’est dans cet écosystème que Naina arrive avec, détail amusant, l’envie d’acheter un manga culte qu’Odette ne connaît aucunement : Gunnm.
Avec tendresse, l’autrice met en scène une histoire d’amour naissante ponctuée de rendez-vous galants mais aussi de discussions plus difficiles.
« La famille , ce n’est jamais simple », pourrait être le slogan des traumas de nos deux amoureuses.
Si Odette se plaint effectivement de l’omniprésence de sa mère, le père de Naina s’avère être encore un cran au-dessus, cherchant à diriger la vie de sa fille comme il l’entend.
Et ce qu’il veut, ce n’est pas ce que veut la jeune femme et cette tension l’oppresse forcément.
D’ailleurs, de façon méthodique, Boum montre que Naina accepte facilement l’aide de son amoureuse.
Mais l’inverse s’avère moins vrai.
La jeune femme cache une peur qui s’ancre petit à petit en elle : la crainte de perdre totalement la vue.

Des ombres envahissantes

Une invasion de méduses

Tout commence avec une petite méduse qui trouve refuge dans l’oeil gauche d’Odette.
Après une attente interminable, parfaitement retranscrite pas le trait détaillé et fin de l’autrice, elle sort de chez son orthométriste (oui, nous sommes au Quebec ) semi-rassurée.

Mais après tout, ce n’est qu’une tâche et la jeune femme s’y habitue assez facilement, faisant d’elle une sorte d’animal de compagnie non désiré.
Sur la toute première partie de La méduse, Boum nous fait comprendre que cette tâche n’est pas perçue comme un handicap.
Odette continue son train-train tout en espérant la disparition de l’étrange créature.
Et puis arrive la deuxième méduse.

L’autrice, par touches successives, fait monter la tension au rythme des inquiétudes qui vont ronger la jeune femme.
D’ailleurs, elle fait l’erreur de garder tout cela pour elle et n’en parle pas à sa petite amie.
Or, comment Naina peut-elle comprendre le désarroi d’Odette si elle ne sait rien de son mal ?
Surtout qu’au fil des examens de plus en plus fréquents, les méduses s’étalent..
Puis le verdict tombe.

Sans jamais tomber dans la pathos, Boum traite des changements d’états de son personnage allant de l’espoir à la résignation, de la colère à la renaissance.
La perte de la vue est symbolisée par ces méduses invasives qui, petit à petit, prennent chaque recoin des planches jusqu’à devenir entièrement noires.

Si l’autrice sait aussi bien mettre cette sensation d’inévitabilité, c’est aussi parce qu’elle connaît bien le sujet.
Atteinte de différentes maladies oculaires, elle perd l’usage de son oeil droit en mars 2021.
L’oeuvre sonne comme un avertissement qu’elle se lance à elle-même.
La vie continue et cet album en est la preuve.

Avec La méduse, Boum nous offre un album puissant qui touche par un optimisme réjouissant.

En résumé

La méduse de Boum est une récit semi-autobiographique tendre et émouvant. 
À travers le parcours d'Odette, l'autrice semble exorciser ses propres craintes tout en essayant de nous faire ressentir l'inéluctable perte qui va atteindre la jeune femme. 

Sans tomber dans le pathos, Boum fait de cette méduse une sorte de compagnon d'infortune et le témoin d'une nouvelle vie amoureuse compliquée mais prometteuse de soutien et d'écoute. 

Le trait assuré de l'autrice et sa mise en page inventive permettent au lecteur-rice de se mettre, au moins un temps, à la place d'Odette et de ressentir l'étrange sensation de perdre petit à petit la vision du monde qui nous entoure. 

Prix et récompenses

  • Prix de la critique ACBD de la Bd québécoise 2023

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