Les histoires des autres (Muriel Zürcher)

J’aime les romans humains et drôles. Pas facile de faire sourire avec le malheur, la marginalité et la pauvreté mais certaines autrices et certains auteurs ont ce don. C’est le cas de Muriel Zürcher, déjà récompensée du prix Kilalu en 2021 pour son roman Des bleus au cartable. Nous la retrouvons ici entourée de personnages tous plus attachants les uns que les autres avec Les histoires des autres, aux éditions Thierry Magnier.

Croyez-vous aux fées ?

Croyez-vous aux fées ? Celles qui se penchent sur le berceau des nouveaux-nés pour leur permettre de vivre une belle vie ? Celles qui exaucent 3 voeux aussi ? Lilibelle, elle y croit ! D’autant plus qu’elle a la sensation d’avoir été « oubliée » à la naissance avec une maman qui disparait, des croquettes en guise de céréales pour le petit déjeuner et des chaussures trop petites. Alors, elle donne rendez-vous à la cheffe des fées pour réparer ce préjudice. Derrière le Géant Casino lundi à 17h.

Sauf que c’est Soan, un ado de 16 ans qui travaille à la poissonnerie du centre commercial, qui apparait à l’heure dite. Et, a priori, il n’a rien d’une fée.

– C’est toi, la fée ? Tu vas faire mon voeu ?
Par une longue inspiration, le jeune homme fait rougeoyer l’extrémité de sa cigarette.
– Très drôle, la blague de fée ! dit-il.
Mais il a un doute. C’est un peu bizarre qu’elle ne soit pas encore partie en courant pour se tordre de rire avec ses potes. Et si c’était autre chose ? Si elle avait un problème ?

Il habite dans des caves ou des garages inoccupés, dans un hamac accroché verticalement. Il a quitté le lycée plusieurs mois auparavant après le départ de son grand amour Filipe. Sans nouvelle de lui, il se cherche une voie, au sens propre comme au sens figuré puisqu’il est aussi adepte d’escalade. Et il sent la cigarette et le poisson.

A moins que sa fée ne soit Aricia, la babysitter et son chien Trott. Ou Hector, le SDF en chaussons qui vient chaque jour chercher de nouveaux cartons pour dormir.

Tous ces « apprenties-fées » vont en tous cas tenter de venir en aide à cette petite fille que la vie n’a pas gâtée et qui vit seule dans un appartement au milieu des sacs de croquettes pour chiens. Sa fantaisie et sa joie vont leur permettre de trouver un sens à leurs actions.

Et si la fée n’était pas celle qu’on croit ?

Un roman profondément humain

Ce qui touche particulièrement dans ces Histoires des autres ce sont les failles des personnages, leur fragilité lumineuse. S’ils sont certes « cabossés » par la vie, subissant la solitude, l’amour perdu ou la misère sociale, ils ont tous une force qui va se révéler au contact de Lilibelle.

Tout semble irradié par la petite fille. Et ce petit monde va se retrouver uni pour apporter, chacun à sa manière, sa pierre à l’édifice. Pour trouver une solution à l’urgence de cette enfant abandonnée. Pour retrouver sa mère aussi et lui éviter la violence d’un placement en foyer.

Car ce roman est aussi choral, les histoires personnelles des uns se révélant et se tissant au fur et à mesure à celles des autres. Et du choeur au coeur, il n’y a qu’un pas que Muriel Zürcher franchit tout en délicatesse et en humour.

– Je veux pas aller au foyer, crie Lilibelle. T’as compris ? Je veux pas. J’irai pas.
Elle a les poings serrés, relevés de chaque côté de sa tête. On peut sentir son envie de frapper dans la grimace qui crispe tout son visage. Soan voudrait trouver les mots pour l’aider mais rien ne lui vient à l’esprit. Instinctivement, il la soulève et la prend dans ses bras. Elle ne pèse rien, une herbe sèche, si crispée qu’un faux mouvement pourrait la briser.

Son écriture tendre et vive permet d’aborder des sujets compliqués tels que la pauvreté, l’amour rejeté, la maladie ou la solitude. A travers les yeux de Lilibelle, la vie quotidienne est difficile mais la confiance et la solidarité entre les personnages lui donnent une chaleur et un éclat particulier.

Pourquoi lire Les Histoires des autres ?

Vous l'aurez compris, pénétrer pour quelques pages dans les vies de Lilibelle, Soan, Hector et Aricia, c'est respirer une grande dose d'humanité. Ecouter leurs histoires, découvrir leur passé, imaginer leurs rêves, permet de se reconnecter à l'autre, dans tout ce qu'il peut avoir de fragilités et de blessures. De drôlerie aussi. Mais c'est également constater ce qui nous unit, la préservation de l'enfance, de son innocence et de sa joie en premier lieu. 

Alors êtes-vous prêts à croire aux fées ?

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