Alfred est mort et Dick Grayson n’a pas vraiment le temps de faire son deuil (entre perte de mémoire et manipulation psychique, la vie d’un super héros n’est pas tous les jours facile).
Alors que la situation du héros se stabilise, Batgirl le retrouve dans sa ville d’adoption, Blüdhaven, et lui apprend que le défunt majordome l’a désigné comme son héritier, lui offrant au passage une petite fortune.
Mais que faire de cet argent ?
Est-ce encore raisonnable de jouer au justicier alors que cette nouvelle fortune pourrait régler tant de problèmes?
Un historique chargé
Nightwing aka Dick Grayson n’est autre que le tout premier Robin en poste.
Créé par Bob Kane, Bill Finger et Jerry Robinson en avril 1940 , il deviendra le premier acolyte d’un super-héros majeur : Batman .
Dick Grayson plait assez rapidement aux jeunes lecteurs et son évolution, de simple sidekick à héros à part entière, inspire de nombreux auteurs.
Remettant en cause les méthodes de Bruce Wayne, il rejette son autorité et adopte sa propre identité : Nightwing ( en juillet 1984, oui ça ne se fait pas du jour au lendemain !).
Pour ceux qui aimeraient en découvrir plus sur les origines de Robin, je ne peux que vous conseiller l’excellent Robin : Année 1 de Chuck Dixon et Javier Pulido.
Le récit explore les relations entre le tout jeune garçon et Batman ainsi que l’attachement quasiment filial que lui porte Alfred.
Cette relation est d’ailleurs le point de départ de la série de Tom Taylor et Bruno Redondo.
Du pur mainstream
Une histoire de testament
Alfred lègue sa fortune à son protégé qui, du jour au lendemain, se retrouve milliardaire.
Une situation qui l’oblige à revoir sa démarche en tant que super-héros.
En effet, à quoi bon jouer les funambules alors que ce nouveau statut pourrait s’avérer bien plus efficace ?
Il est d’ailleurs assez ironique que Batman, lui même milliardaire, ne se soit jamais posé la question.
Cependant, Dick Grayson n’est pas Bruce Wayne et Tom Taylor l’a bien compris.
Soyons honnête, le propos n’est pas tellement nouveau.
Il hantait déjà les réflexions de Spoiler et Tim Drake (un autre Robin, décidément) dans Batman Detective Comics de James Tynion IV.
Cependant, Tom Taylor souhaite en faire une réflexion de société.
Cette richesse doit servir à aider les plus pauvres, ceux qui sont dans le besoin et c’est dans cette optique que Dick crée le refuge, sorte de « resto du coeur » à l’américaine.
En effet, le héros, en prônant l’entre-aide, devient un acteur majeur de la ville s’attirant, au passage, les foudres de ceux qui ne veulent pas de ce changement, notamment Blockbuster, le grand « vilain » du premier arc.
Ainsi, ce n’est plus Nightwing qui se met en danger mais bien Dick Grayson.
Par ce biais, Tom Taylor inverse l’habituelle dualité entre identité réelle et identité masquée.
Le héros agit à visage découvert, devenant ainsi la cible de ses ennemis.
Et il est bien difficile pour lui de se protéger sans révéler sa double vie.
Un héros positif
Plus que son intrigue, un des points forts de cette série, c’est Nightwing lui-même.
Bien loin de l’imagerie sombre et paranoïaque de Batman, Dick Grayson est un héros pragmatique et lumineux.
Blagueur quelque soit la situation, charmeur en toute circonstance, le héros apporte un vent de fraîcheur dans ce marasme de dépression que peuvent être les récits de super héros.
Si Batman est le père ( fouettard) de la famille, Nightwing est le grand frère vers qui on se tourne en cas de besoin.
Il exerce ce rôle, non seulement auprès des membres de la Batfamily, comme c’est le cas avec Red Hood dans le tome 2 ou dans Robin Infinite en soutien à Damian, mais aussi auprès de nombreux autres superhéros.
ce fut l’occasion d’un crossover évident ( Tom Taylor travaillant aussi sur Superman : son of Kal El ) entre Nightwing et le tout nouveau Superman.
L’autre point fort vient de la relation amoureuse qu’il entretient avec Batgirl, personnage hautement attachant.
Le couple est lié par des années d’histoire commune.
Si, chacun de leur côté, ils ont vécu de nombreuses aventures, leurs chemins se croisent inévitablement.
Ils se comprennent, s’épaulent, se font confiance et s’aiment.
Batgirl est une femme moderne. Loin de la petite amie constamment en danger, elle fait comprendre à Nightwing qu’il n’a pas besoin de sacrifier leur couple pour la protéger.
Son discour est sans équivoque :
Rien à %¨#@£$$
…
On est des super-héros.
On est toujours en danger.
Dick Grayson attire les autres vers lui par sa bonté et son écoute.
Il est fondamentalement pur, au même titre qu’un Superman, mais avec un petit grain de folie et d’humour bienvenu.
Et c’est ce qu’on aime chez lui !
Et au final ?
On approche de la fin du run de Tom Taylor et un bilan s’impose.
On peut regretter qu’il ait très largement délaissé son propos de départ.
Une fois le premier cycle bouclé, Nightwing reprend des activités plus ordinaires pour un super-héros et la réflexion sociale est complètement mise de côté.
Il en est d’ailleurs de même pour le personnage. Super-héros un jour, super héros toujours, on sent qu’il est bien difficile de faire bouger les lignes.
Cela n’enlève en rien le côté divertissant de la série mais au bout de 6 tomes, le potentiel de départ a été revu à la baisse.
Malheureusement, c’est une particularité que l’on retrouve sur de nombreux projets de Tom Taylor.
L’idée de base est souvent ambitieuse mais manque d’approfondissement pour réellement devenir marquante.
D’ailleurs, dès que Bruno Redondo n’est plus de la partie, la qualité globale baisse et si ce n’est jamais désagréable en terme de lecture, on se rend compte que tout cela reste très (trop?) souvent à la surface.
L’ingéniosité narrative de Bruno Redondo face à de multiples fill-inners
la découverte d’un nouveau talent
Si la série voit plusieurs auteurs se suivre, l’un d’entre eux se démarque très largement : Bruno Redondo.
Son dessin ne s’éloigne pas des codes classiques du comics américain mais est caractèrisé par une mise en page inventive et dynamique qui rappelle à certains égards le travail de David Aja sur Hawkeye.
D’ailleurs, la parenté entre ces deux séries est plutôt évidente.
Un des meilleurs exemples de cette inventivité s’admire dans le premier chapitre du tome 2.
Les auteurs mettent en scène une course poursuite complètement dingue où Dick Grayson doit échapper à ses poursuivants tout en les empêchant de nuire à ses proches.
Rien de véritablement original, si ce n’est que l’entièreté de l’épisode est un immense plan séquence fascinant.
Ce genre de proposition, seront régulièrement récompensé aux Eisner Awards.
En peu d’épisodes, Bruno Redondo s’est lié, malgré lui, au destin de Nightwing et chacune de ses absences se fait ressentir.
Des remplaçants inégaux
Cependant, DC Comics est assez malin pour trouver des remplaçants avec un style similaire pour ne pas trop bousculer l’ambiance générale.
Il faut dire qu’on est loin de l’époque des fill in qui comme leur noms l’indique, servaient de remplissage au détriment d’une qualité graphique incertaine.
Malgré tout, il est bien difficile de faire oublier le travail de Bruno Redondo, surtout quand ce dernier s’absente de plus en plus longtemps, pour revenir sur des épisodes qui cassent carrément la baraque.
On notera cependant quelques noms comme l’inévitable Travis Moore ou Sami Basri, qui malgré un certain académisme, rendent des pages plus qu’honnêtes.
Sur le Tome 6, Stephen Byrne essaie même de rendre hommage aux mises en scènes de Bruno Redondo.
L’initiative est louable mais le rendu ne tient pas franchement la comparaison.
Au final, graphiquement, des efforts ont été mis en place pour palier aux absences du dessinateur principal, ce qui n’empêchera pas l’émergence d’une pointe de déception.
En résumé
Nightwing de Tom Taylor et (entre autres) Bruno Redondo est une série attachante, dynamique, drôle et humaniste.
Si l’intrigue de Tom Taylor reste assez classique, la série essaie, au moins un temps, de poser certaines questions sociétales intéressantes, tout en sortant le super-héros de sa zone de confort.
On regrettera malgré tout que le concept initial ait été un peu oublié sur la route, même si le plaisir de lecture reste présent.
Bruno Redondo, malgré des absences de plus en plus récurrentes, explose les codes narratifs du comics en faisant preuve d’une inventivité remarquable.
Cela rend la tâche de ses remplaçants difficile, même si la plupart rendent une copie plutôt honnête.
Malgré tout, Nightwing est un véritable héros lumineux, attachant et qui offre une belle porte d’entrée aux comics mainstream.
Prix et récompenses
- Eisner Awards 2024 – Meilleur single ( #105)
- Eisner Awards 2023 – Meilleure série
Pour lire nos chroniques de 20th Century Boys et Grim fils du marais
J’ai adoré, du rythme et de l’action et des dessins superbes, notamment les planches en plan séquences
Au top
Oui Bruno redondo a un vrai sens de la narration. Son départ annoncé d’ailleurs pourrait remettre en question certaine qualité de la série