On était des loups (Sandrine Collette)

J’aime les récits dans lesquels la Nature est si forte qu’elle en devient un personnage principal. J’avais ainsi été fascinée par Jours de colère de Sylvie Germain ou les romans Le Coeur des louves et La langue des bêtes de Stéphane Servant. Quand j’ai découvert On était des loups de Sandrine Collette, j’ai été happée par cette présence puissante et par l’écriture brute mais poétique de cette autrice.

Le chasseur et l’enfant

Liam vit au milieu des montagnes et des forêts, dans un pays qu’on pourrait situer au Canada. Il est une sorte de trappeur, chasseur de bêtes dont il conserve la viande et vend les peaux. Sa vie est solitaire, même s’il vit dans sa maison isolée avec sa femme Ava et son fils Aru.

Cet enfant, il ne l’a pas voulu. C’est Ava qui a insisté.

Pour lui qui passe la plupart de son temps dans la nature, entre loups et ours, cerfs et lièvres, il n’y a pas de place pour un petit. D’ailleurs, c’est Ava qui s’en occupe. Ils forment un tendre duo dont Liam se sent un peu exclu, même si Aru se précipite toujours lorsqu’il revient de ses chasses.

Mais un jour, l’équilibre de cette famille va être rompu.

Alors qu’il rentre d’une chasse au loup, Liam découvre, dans un silence assourdissant, sa femme au sol, mortellement blessée par un ours. Elle s’est placée en protection autour du corps de son fils, blotti sous elle.

Aru est sauf, pas Ava.

Que va-t-il faire avec ce petit ?

Liam, détruit par le chagrin, va donc se lancer dans un voyage avec son fils vers l’inconnu.

Devenir père, malgré tout

On était des loups est un roman puissant.

Tout d’abord par le traitement de cette relation sombre et ambiguë entre le père et son fils. Liam n’a pas eu une enfance heureuse, il n’a pas de figure paternelle sur laquelle s’appuyer et sa vie solitaire au cœur de la forêt le rend pragmatique. Mais son amour pour Ava et l’attachement pour Aru dont il ne soupçonne pas encore la profondeur vont le bouleverser.

Ensuite, par la narration interne. La voix qui résonne est celle de Liam. C’est son rythme, son regard et son souffle qui mènent le récit. Son coeur brisé et sa rage aussi. Sandrine Collette lui offre une langue simple, pragmatique mais souvent empreinte de poésie, notamment lorsqu’il décrit les paysages ou les gros, ses deux chevaux auxquels il tient particulièrement. Les phrases sont souvent peu ponctuées mais on un rythme interne qui fait écho à l’intériorité du personnage.

Les émotions troubles, qui oscillent entre le pur rejet et la fascination, qui secouent Liam lorsqu’il découvre son fils, qu’il le regarde vraiment vivre et être, sont dites avec une sincérité qui confine au brutal parfois. Mais qui disent surtout la douleur de la perte de cette femme qu’il a tant aimée, à sa manière. Et que la peine de ce petit garçon décuple.

On était des loups rappelle que la nature est impitoyable mais aussi que les liens qui nous unissent se construisent au-delà des mots. Dans un regard, un geste ou un chant.

Ce chant qui va faire d’un petit un fils et d’un homme un père.

Pourquoi lire On était des loups ?

On était des loups a la puissance du conte, celle du voyage initiatique aussi. Le parcours du père et du fils de la mort vers la vie est puissant et bouleversant d'émotion. Sandrine Collette, par son écriture sobre et rythmée, dans un souffle, offre une résonnance à la douleur d'un homme qui ne veut pas, ne sait pas être un père. Comme l'orage qui éclate au creux des montagnes, l'amour pour Aru devra être apprivoisé et accepté. 

Une très belle lecture, dont on ne sort pas indemne.

Prix et Récompenses

  • Le prix Renaudot des lycéens 2022
  • Le prix Jean Giono 2022.

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