La mythologie grecque n’a jamais cessé d’inspirer et les réécritures sont nombreuses, notamment en littérature jeunesse. Pourtant, Marine Carteron, déjà reconnue pour sa série des Autodafeurs aux éditions du Rouergue, s’y est replongée. Elle nous offre un nouveau regard sur les guerres de Troie et les jeux de pouvoir qui les ont animées. Un regard féminin puisque la saga, intitulée Pallas, met en scène les intrigues divines et mortelles sous les yeux et les mains des déesses de l’Olympe et des femmes troyennes.
TOME 1 : Dans le ventre de Troie
C’est Hésione de Troie qu’il faut nous chanter
La couverture dorée sur fond noir du roman (réalisée par Patrick Connan) annonce la couleur. Il sera évidemment question de l’Antiquité grecque et de mythologie. Mais il sera surtout question de guerre et de femme/déesse combattante. Car c’est bien la Pallas Athéné qui surplombe le titre de cette saga.
La formation en Histoire de l’Art et en archéologie de l’autrice – dont on retrouvera les sources documentaires en fin d’ouvrage – est précieuse et pointue. Si l’on identifie sans difficulté les dieux olympiens et autres divinités secondaires, Marine Carteron n’aborde pas l’histoire de la cité légendaire de Troie par l’angle attendu. Il n’est pas encore question ici des 10 années légendaires qui opposèrent la Grèce et ses rois à l’Illion de Priam. L’histoire commence 52 années avant la chute de Troie.
L’arbre généalogique en début d’ouvrage est donc bien utile. Ilion est alors dirigée par Laomédon, fils d’Ilos. Et neveu de Ganymède, le célèbre amant de Zeus, rendu immortel par l’amour du dieu des dieux.
Mais surtout, c’est Hésione, la fille que le roi a eu avec Strymo, fille du fleuve Scamandre, qui va se retrouver au centre de cette destinée. A la croisée des mortels et des immortels.
Sa mère est la grande prêtresse du temple d’Athéna, dans lequel est précieusement gardé le Palladion. Cette statue de Pallas, élevée comme une soeur dans l’Olympe auprès d’Athéna puis punie par Zeus, protège la cité de Troie.
Et Hésione est destinée à en devenir à son tour la gardienne, lorsque sa mère disparaitra.
Or, la jeune troyenne chérit par-dessus tout sa liberté. Et, dans un monde où les femmes ont peu de place, elle aimerait pouvoir choisir son destin elle-même.
Devenir prêtresse d’Athéna, c’est renoncer à la vie parmi les hommes, s’enfermer pour toujours entre les murs du sanctuaire, ne jamais se marier. Une vie entière dévouée aux dieux. Une vie de morte. Une vie que je n’imagine même pas.
Vengeances divines
Le roman, en 7 chants, va unir le fil de vie d’Hésione, la jeune prêtresse rebelle, à celui de Pallas, la déesse statufiée.
Parce que toutes deux subissent la loi des hommes et des dieux. Pallas, punie par Zeus, Hésione, par son père et ceux qui règnent sur la société patriarcale de son époque.
Parce que toutes deux sont liées à Athéna. Pallas, par un lien d’affection puissant qui va pousser la déesse de la sagesse et de la stratégie à mettre en place un plan pour libérer celle qui lui a été ôtée. Hésione, par l’héritage de sa mère et son futur statut de grande prêtresse. Par l’ichor qui coule dans ses veines aussi.
Ce premier opus (de ce qui sera une trilogie) met en place, avec la force de la poésie antique et de l’épopée, la tragédie écrite par les dieux et les déesses mais jouée par les hommes et les femmes.
Marine Carteron réussit à donner chair et émotions à des personnages de l’Antiquité bien éloignés de nous. Et pourtant si proches, par leurs préoccupations intimes et leur soif de liberté.
Si elle ne préserve pas les dieux et les déesses, qui utilisent les mortels comme des pions, elle n’a pas plus de retenue ni de sympathie pour les héros et autres sauveurs, qui sont aussi brutaux et égoïstes que les olympiens.
Qu’est-ce que j’en ai à faire, moi, des dieux et de leurs complots ? S’ils sont si puissants que ma mère le prétend, pourquoi auraient-ils besoin de moi ?
Au milieu de ce théâtre antique, Hésione cherche sa voie, tiraillée entre un amour naissant et sa soif d’indépendance.
L’histoire de ce premier tome se lit comme un thriller dont on connaitrait la fin. Mais dont on tournerait les pages avec plaisir tant les scènes racontées sont addictives. On se délecte des personnages, les plus détestables comme les plus attachants.
L’autrice nous offre une version incarnée de la mythologie, tout en détails précieux, en émotions fortes et en machiavélisme divin.
TOME 2 : Sur les flancs de l’Ida
20 années avant la chute de Troie.
Alors qu’Hésione trône désormais en Salamine aux côtés de Télamon, après avoir désigné Priam roi de Troie, Pallas, la soeur punie d’Athéna, continue à communiquer avec des êtres qui vivent près de son tronc. C’est Oenone, la jeune nymphe, fille du fleuve Cebren et d’une humaine guérisseuse, qui a sa préférence. C’est une petite en lien avec la nature, vive et libre, mais dont le destin va se trouver lié à celui de la cité mythique.
En effet, Oenone va sauver et protéger un jeune bébé nommé Alexandre, fils d’Hecube et de Priam, destiné à être sacrifié pour respecter une prophétie : un prince qui conduira la cité à sa perte.
Devenu adulte, le jeune homme, loin d’être un héros, va vivre une histoire d’amour avec sa sauveuse et même lui donner un fils : Corythos.
La machine des dieux et des déesses est une fois de plus en marche. Car Alexandre n’est autre que Pâris, celui qui volera la belle Hélène à Ménélas et lancera la guerre de Troie.
Encore une fois, Marine Carteron nous emporte dans un tourbillon de vengeances, d’amours et de trahisons, au coeur de la Grèce Antique et mythologique. Avec toujours cette écriture épique et la voix de Pallas qui assiste à la mise en place des pièces du jeu des dieux.
Un second tome à l’image de son héroïne, Oenone, pleine de vie et de désir, mais aussi de jalousie et de volonté de vengeance.
TOME 3 : Sous l’oeil de l’Olympe
Ce dernier tome de la trilogie de Marine Carteron débute 20 années avant la chute de Troie. Il se clôt quelques jours après celle-ci.
Sur le Mont Parnasse, Clio, la muse de l’histoire, prend soin d’Enée et de Memnon, les fils d’Aphrodite et d’Eos. Athéna, qui a toujours en tête son plan pour se venger de son père et retrouver Pallas, négocie leur retour sur terre auprès des humains. En échange de la promesse de les épargner lors des batailles à venir.
Et des batailles, il va y en avoir !
Parallèlement, elle retrouve Hésione, l’ancienne prêtresse du temple d’Athéna à Troie, mère d’Ajax. En échange de la protection de son fils, elle exige que sa mère lui enseigne comment ouvrir le ventre de Troie.
De son côté, Pallas entre en contact avec Tecmesse, la fille du fleuve Caïque. Après Hésione et Oenone, elle sera son ambassadrice dans le monde des humains.
La guerre gronde autour de Troie. Les grands chefs grecs s’unissent pour permettre à Ménélas de récupérer sa femme Hélène. Bon gré mal gré pour certains, comme Ulysse qui se révèle bien plus rusé pour fuir que pour affronter ses adversaires,
En 12 chants, le dernier tome de Pallas va amener irrémédiablement les grecs à prendre possession de Troie et à la détruire.
Si l’on retrouve ici des faits davantage connus que dans les 2 premiers tomes, Marine Carteron nous offre des portraits bien peu reluisants des héros antiques tels qu’Ulysse, Achille ou encore Pâris. Par contraste, les femmes grecques et troyennes sont bien plus valorisées, malgré le patriarcat et la violence des hommes.
Le style est toujours épique et tragique, avec une pointe d’ironie. Notamment lorsque les dieux et les déesses de jouent des humains.
Quand ils franchissent le haut mur de pierre dressé par Poséidon, le cri unique jaillissant de leurs gorges résonne si fort dans le ciel que la Pitié hoquette, lève les mains et les pose sur ses yeux, que la Clémence blêmit et presse ses paumes sur ses oreilles. Un même mouvement gracieux fait onduler leurs tuniques tandis que les déesses sœurs quittent leur siège et se détournent des combats.
Aucune prière n’atteint plus les Grecs, aucune larme ne les fait plus fléchir.
Dix ans.
Il est temps d’en finir.
On est, encore une fois, emportés par les destins qui se mêlent et se brisent, au gré du bon vouloir des divinités.
L’autrice aura réussi le pari de redonner une place importante aux femmes dans cette guerre d’hommes. A l’amour aussi.
Pourquoi lire PALLAS ?
Pallas, dans le ventre de Troie, Sur les flancs de l'Ida et Sous l'oeil de l'Olympe posent les bases d'une guerre mythologique dans laquelle dieux, déesses et mortels vont jouer une partition légendaire. 50 ans avant la chute d'Ilion, les regards d'Hésione, jeune prêtresse d'Athena au caractère rebel, d'Oenone, la nymphe, fille du fleuve Cebren, et de Tecmesse éclairent les luttes de pouvoirs et les vengeances divines sous un jour nouveau. Celui des femmes et des déesses. Dans une écriture poétique et épique, Marine Carteron nous embarque dans ce récit que l'on croit connaitre mais qui nous réserve bien des surprises.
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