Après avoir récupéré le suaire de Turin, la société de production OPHIS, avec l’aide du Dr Sarah Epstein, clone le Christ à partir de quelques traces d’ADN.
Gwen est choisie pour porter l’enfant et OPHIS engage Thomas pour la protéger des actions de la NAC, un groupe de fanatiques catholiques.
Une télé-réalité est produite et suit les premiers miracles de Chris.
Mais les magouilles d’OPHIS pèsent de plus en plus sur Gwen et les autres membres du groupe qui cherchent par tous les moyens à s’échapper de ce studio-prison.
Télévision et religion
Une fausse histoire pour une vraie vie
Punk Rock Jesus est une étape charnière dans la carrière de Sean Murphy.
Publiée pour la première fois en 2012, la mini série, pas franchement tendre avec la société américaine, lui apporte la reconnaissance du public.
On ne peut pas le nier, certains aspects du comics sont symptomatiques d’une époque révolue.
Avec Punk Rock Jesus, Sean Murphy dénonce les excès d’une télévision prise au piège de l’audimat.
Or, de nos jours, la télévision ne jouit plus vraiment de sa toute puissance.
Quant à télé-réalité, le phénomène a perdu de sa vigueur, même si aux Etats-Unis, il reste bien présent.
Cependant, vous imaginez Kim Kardashian se rebeller contre son producteur ?
Ces célébrités ont une complaisance avec le système que n’ont pas les personnages de Murphy.
Est-ce que cela rend le propos de son oeuvre moins pertinent ?
Malheureusement non.
Si la télévision a été très largement remplacée par Internet, les problèmes restent les mêmes.
Voire, ils se sont amplifiés.
Les fake news ont de plus en plus d’échos sur un public crédule et/ou aveuglé.
Quant aux grands groupes, ils sont toujours aux mains de milliardaires qui cherchent à imposer leur vision du monde.
Au fond, on aurait bien besoin d’un Chris pour mettre un gros coup de pied dans tout ce foutoir.
Un cast développé
Dans Punk Rock Jesus, les personnages sont centraux.
On vit avec eux comme si nous étions nous-mêmes les spectateurs consentant de cette télé réalité.
Il aurait été si facile de faire tenir toute l’histoire sur les épaules de Thomas McKeal, personnage charismatique à souhait ou sur Chris, mais Sean Murphy en a décidé autrement.
Il offre aux lecteur.rices une étude approfondie de son casting, que ce soit Gwen la mère porteuse, Slate le directeur opportuniste de J2 ou la scientifique Sarah Epstein.
Chacun à un rôle déterminant à jouer avec des positions qui évoluent, du moins pour certain.es, au cours du récit.
D’ailleurs, Gwen a été, pour moi, comme une révélation lors de cette seconde lecture.
Hautement influençable, elle est pourtant la personne la plus touchante du groupe.
Par ses failles ou par ses prises de décisions radicales, la jeune femme se montre moins archétypale que ses proches.
Sensible avec des pulsions autodestructrices, elle est avant tout intéressante pour sa complexité.
La société lui renvoie le reflet d’une mère maltraitante alors qu’elle tentera jusqu’au bout de sortir son fils des griffes d’OPHIS.
Condamnée à l’échec, elle n’en est pas moins prédominante pour la destinée Chris.
La charge d’un catholique devenu athée
Tout a été dit sur Punk Rock Jesus.
Sean Murphy a longtemps été croyant avant de laisser tomber la foi pour plus de pragmatisme.
Malgré tout, il ne faut pas y voir une forme de ressentiment.
Ici, plus que la religion, ce sont ses excès qui sont dénoncés.
Excès de la télévision, excès de la science qui se compromet et excès d’une partie des croyants.
La NAC est une version futuriste et extrémiste d’un groupuscule catholique mais elle reflète les errements de l’IRA qui ont forgé Thomas.
Au final, l’auteur dénonce avant tout l’endoctrinement quel qu’il soit et quel qu’en soient les objectifs.
On critique assez aisément les actions de la NAC ou l’IRA mais on peut aussi se poser la question du pouvoir qu’a Chris sur les fans (et les membres) de son groupe.
Cependant, les méthodes ne sont bien diffèrentes.
Chris préfère utiliser la musique plutôt que les armes pour propager son message.
Le punk devient le symbole de la paix face à la brutalité des extrêmes.
Un graphisme de haute volée
Si Urban comics nous a habitués à différentes versions du travail de Sean Murphy, notamment sur Batman White Knight, Punk Rock Jesus a été initialement publié en noir et blanc.
Le trait acéré et dynamique est rehaussé d’aplats de gris remplaçant astucieusement la couleur.
On retrouve déjà les grands marqueurs du style de l’auteur : des personnages masculins carrés, des décors détaillés et un amour tout particulier pour les engins mécaniques.
La mise en page est impeccable et, si on n’échappe pas à quelques soucis de lisibilité, Sean Murphy se montre déjà très à l’aise pour mettre en images des scènes d’action explosives.
Offrir un pur récit noir et blanc reste encore un pari risqué et demande un talent certain.
Avec cette oeuvre, Sean Murphy prouve qu’il n’en manque aucunement, ce qui a fait de lui un des auteurs majeurs de ces dernières années.
En résumé
Punk Rock Jesus de Sean Murphy porte à merveille son nom. Religion et Punk s'affrontent dans un récit noir et blanc passionnant et intelligent. Malgré certains marqueurs d'une époque passée, la vision religieuse et médiatique de Punk Rock Jesus reste pertinente. Une oeuvre puissante, portée par un dessin magistral entièrement illustré en noir et blanc, nous permettant d'apprécier comme il se doit le talent du dessinateur.
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