Les albums de Benjamin Lacombe, son trait toute en finesse et ses personnages délicats sont reconnaissables entre mille. En 2021, après le confinement, paraissait l’album Cécité Malaga. L’histoire d’une jeune funambule aveugle suite à un traumatisme, entrée dans la légende. Ce livre à la mise en page originale et symbolique offre un regard artistique sur le deuil et la résilience. Sur la puissance des sens et des émotions aussi.
Une artiste fascinante
Cécité Malaga est une légende du cirque. Tous les spectateurs viennent l’admirer, fragile oiseau posé sur son fil, sous le chapiteau.
Fine et délicate, comme souvent le sont les personnages de Benjamin Lacombe, drapée de sa tenue de papillon, son assurance d’équilibriste est fascinante. En effet, Cécité n’a pas peur. Elle est pourtant aveugle.
Depuis plusieurs années, elle est l’artiste la plus célèbre du cirque de Monsieur Franconi. Depuis son arrivée, seule, sans famille, sans histoire, sans mémoire. En effet, personne ne sait rien d’elle. Ni d’où elle vient, ni pourquoi elle a atterri ici. Sa vue, comme sa mémoire, ont disparu. Mais ces deux handicaps associés l’ont rendue exceptionnelle. Car elle a développé ses autres sens. Et elle n’a pas peur de la mort.
Jusqu’au jour où, à la suite d’une chute vertigineuse, ses souvenirs enfouis vont remonter à la surface.
Un conte tout en symboles
Le symbolisme est présent dans tout l’album.
Symbolisme de ce parcours de vie, de ce prénom et de ses expressions associées à la vue et au regard. Car au delà du handicap, ce dont il est question ici c’est de sa perte de mémoire. L’oubli d’une tragédie qui a eu lieu dans le passé et dont le traumatisme a causé sa cécité. La vue retrouvée va donc de paire avec la mémoire des couleurs, des odeurs, des sensations et surtout des émotions liées à sa famille.
« Cécité avait ouvert les yeux. »
Le symbolisme est d’autant plus fort que la mise en page et le choix des techniques de dessin sont en accord total. En effet, au début de l’histoire, certaines pages sont séparées par des calques noirs qui opacifient la suivante. De plus, le choix de teintes proches du sépia dans la première partie puis des couleurs vives et chaudes dans la seconde, alors que Cécité a retrouvé ses souvenirs d’enfance, est évocateur. A la fin de l’album, l’auteur explique ses choix artistiques, qui vont même jusqu’à adopter un trait différent entre l’avant et l’après, aux touches impressionnistes.
Benjamin Lacombe raconte notamment l’histoire de la conception de cet album, débuté 10 ans auparavant puis mis de côté. Relancé lors du confinement, il lui a permis d’exprimer la sensation de vertige qu’il avait ressentie lors de la perte de son éditrice et du chien qui l’accompagnait depuis de nombreuses années. Il explique même avoir subi une cécité temporaire suite à ces traumatismes. On comprend d’autant plus la force des émotions qui transparaissent au travers de ses mots et de ses dessins.
Finalement, Cécité Malaga est l’histoire d’une résilience. Celle du personnage principal qui va reprendre vie et s’envoler vers un nouvel avenir, magnifiquement représenté dans un dernière page aux teintes colorées qui n’est pas sans évoquer les tableaux de Dalí, les œufs symbolisant l’espoir chez le peintre.
Pourquoi lire Cécité Malaga ?
L'histoire de Cécité Malaga est aussi belle visuellement que textuellement. Le message passé est plein d'espoir. C'est celui d'un traumatisme qui mène à la cécité mais qui va permettre au personnage de réécrire sa vie par ses autres sens. D'une résilience aussi qui lui rendra également la mémoire et les couleurs chaleureuses de l'enfance.
Un magnifique album, fort en symbolisme et en émotions.
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