Dans un monde en ruine, la survie n’est guère aisée .
Mezzy ne le sait que trop bien.
Quand elle découvre le refuge d’un jeune garçon solitaire, elle pense en profiter pour s’approvisionner en passant rapidement son chemin.
Maceo, qui n’avait jusque là jamais croisé de jeune fille, tombe sous le charme et délaisse sa forteresse pour l’accompagner à l’extérieur.
Ensemble et au péril de leur vie, ils cherchent leur oasis de paix et d’amour.
The end of the world
Once upon a time at the end of the world de Jason Aaron signe le grand retour du scénariste dans l’industrie indépendante après des années au service de Marvel.
Et quoi de mieux qu’un petit voyage dans les contrées inexplorées de sa carrière : le récit post apocalyptique.
À priori, cet univers crade a quelque chose de rafraichissant pour un auteur usé par un run compliqué sur les Avengers.
Et on imagine cette série comme un grand défouloir.
Alors que… non.
Enfin si, mais pas tel qu’on l’imaginait !
Le renouveau du post-apocalyptique (in the end of the world)

On pourrait croire que Once upon a time at the end of the word s’adresse avant tout à un public adolescent.
D’ailleurs, la thématique centrale, l’approche graphique et son décalage semblent renforcer ce sentiment.
Peut être est-ce d’ailleurs la volonté de Jason Aaron !
Offrir une romance adolescente à un public qui accepte une diversité éloignée du puritanisme américain.
Et pour cela, il ne va pas faire dans la dentelle.
L’univers décrit par le scénariste est dévasté et glauque à souhait.
Peuplé de rats mutants et d’autres créatures tout aussi peu ragoûtantes, l’environnement offre peu d’espoir aux rares survivants.
Surtout qu’à l’image de Mad Max ou la Route, de nouvelles factions apparaissent.
Les frichards sont assez classiques sur la forme.
Si, pour le moment, on ne sait pas grand chose d’eux, ils semblent avoir abandonné leur humanité à l’image des bribes de langage qu’il leur reste.
Ils sont la représentation de ce monde : d’une laideur extrême et sans réel espoir de rédemption.
Cependant, le premier volume de Once upon a time at the end of the world fait la part belle à une communauté plus inhabituelle pour ce genre de récit : les scouts.
Et effectivement, qui mieux que des scouts élevés dans la compétition et la survie pour faire face à la fin du monde ?
L’idée, en plus d’être brillante dans son développement, est aussi un moyen pour Jason Aaron de mettre un taquet de plus à un organe de pur endoctrinement.
D’une certaine façon, La BSA ( Boys Scout of America ) est une section de contrôle de la jeunesse.
Et l’auteur ne se gêne pas pour jouer, non sans cynisme, avec leur code, leur tradition ou leur histoire.
Ils sont aussi effrayants que ridicules mais réussissent à imposer leur vision sur la socièté et notamment sur Mezzy.
Survival romantique

C’est annoncé dans le titre, Once upon a time at the end of the world est un conte romantique apocalyptique.
Plus précisément, une romance adolescente charnelle au sein d’une planète ravagée.
Si on s’étonne de cette direction, l’idée titille notre curiosité.
Surtout que Jason Aaron a bien l’intention de tordre les codes du genre.
Maceo et Ezmerelda (Mezzy) n’ont, à priori, rien en commun.
Si la première a été conditionnée, le second ne connaît absolument rien au monde qui l’entoure.
Maceo est un gamin naïf, enfermé dans une forteresse de la solitude en attendant le retour improbable de ses parents.
Avec sa tête de déluré, il agace rapidement la survivaliste en herbe qui ne voit en lui qu’un boulet à trainer.
Et pourtant, le charme va opérer.
Il faut dire qu’il a un atout majeur. Maceo est brillant et son côté MacGyver va s’avérer très utile lors de leur périple.
Mezzy ne se dévoile guère. Le scénario distille ses informations au compte-goutte, dévoilant un passé obscur.
D’une certaine façon, ses appétences guerrières n’inspirent guère la confiance mais par de petits moments de complicité, un duo se forme.
L’un apportant à l’autre, jusqu’à devenir un… couple.
Un couple qui, à partir du second tome, va explorer sans retenu les plaisirs de la chaire.
Assez étonnement, Jason Aaron n’hésite pas à montrer avec une certaine frivolité, la relation amoureuse du couple.
Un amour moderne et non exclusif.
Maceo, notamment, se montre ouvert d’esprit, partant du principe que si la situation le gêne, il suffit de communiquer pour briser les non-dits.
Ainsi, l’amour se fait sous toutes ses formes : bisexualité, homosexualité, trouple, orgies , sadomasochisme, rien n’est tabou car cette sensation englobe tout et tout le monde.
Du moins le crois-t’on ! Or si on se fie aux épilogues, cette romance vire à la tragédie.
Et effectivement, le rêve se transforme, peu à peu, en cauchemar.
Un cauchemar parfaitement mis en scène sur la dernière partie du second volume.
Malgré toutes les précautions, on comprend, par quelques réflexions, que Maceo et Mezzy ne vivent pas forcement leur relation avec la même intensité et qu’en chacun d’entre eux, se cache un monstre prêt à détruire ce qu’ils ont construit.
Derrière ce ton faussement sirupeux et cette impression de conte de fée sauce « génération Z », Jason Aaron se montre en réalité féroce avec ses personnages, et envers l’humanité en générale.
Parfois, l’amour n’est qu’une étape vers la haine.
triple artiste pour triple temporalité

Sur le premier tome de Once upon a time at the end of the world, on pensait que le récit se divisait en deux unités.
En réalité, il y en aura trois.
La première est dessinée par Alexandre Tefenkgi, s’occupant des prémisses de la relation entre Maceo et Mezzy.
illustrateur français (cocorico !), il a déjà une longue expérience et a même gagné un Einser Awards pour une série dont j’avais eu l’écho il y a quelques temps , The Good Asian.
Pour être tout à fait honnête, il m’a fallu quelques pages pour apprécier à sa juste valeur, le style particulier du dessinateur.
Si sur The Good Asian son trait me paraissait plus net avec quelques élan de Darwin Cooke, sur Once upon a time at the end of the world, il a une approche plus incisive.
Le trait est sec, presque instinctif et ne s’embarrasse pas de détails.
Pourtant, avec le recul, le dessin d’Alexandre Tefenkgi s’accorde bien à l’ambiance lunaire et légèrement surréaliste de cette partie.
Pour rendre ces scouts survivalistes cohérents, rien de mieux qu’un style cartoon décalé.
La partie de Leila Del Duca n’apparaît qu’au second volume, explorant l’apogée et la chute du couple.
Si le style graphique est plus classique, sa rondeur et sa luminosité retranscrivent parfaitement cette atmosphère de passion et disons-le sans gêne, de sexe.
D’ailleurs, je trouve que les fusions charnelles entre Maceo et Mezzy sont particulièrement réussie avec ce côté hallucinatoire saisissant.
On regrettera peut être une attention un peu moindre sur les décors même si en réalité, l’environnement , aussi grotesque soit-il, n’a guère d’importance.
Le style de la dessinatrice offre un entre deux plus bienvenue, parfait contrepoids à la dernière partie.
Le trait se veut plus féroce, brutal et renoue avec une forme plus commune du récit post-apocalyptique.
Et qui de mieux que le grandiose dessinateur d’East of West, Nick Dragotta, pour s’atteler à cette tâche ?
Sa prestation se résume à une dizaine de planches et pourtant on est frappé par la puissance de la proposition.
Le futur n’est guère réjouissant et le doute s’installe rapidement sur l’avenir de nos amoureux.
Pour résumé
Once upon a time at the end of the world de Jason Aaron, Alexander Tefenkgi, Leila Del Duca et Nick Dragotta est une romance post apocalyptique décalée, sensuelle et radicale.
Derrière cette histoire d'amour, le scénariste nous décrit une humanité dévastée, un monde peuplé de créatures radioactives, de tueurs psychopathes et de scouts survivalistes.
Le scénariste américain en profite pour pointer les errements du puritanisme sans , pour autant, se montrer naÏf sur les libertés de moeurs de la jeunesse.
Le style d'Alexandre Tefenkgi risque de surprendre mais ne dénature pas le ton gentiment halluciné du récit.
Celui de Leila Del Duca plaira sans doute davantage même s'il reflète un certain classicisme.
Mais il offre un réel contraste aux épilogues brutaux et sanglants de Nick Dragotta.
Si ce n'est pas le meilleur comics de Jason Aaron, Once upon a time at the end of the world est une proposition de récit post apocalyptique originale, percutant et assez dingue pour ne laisser personne indiffèrent.
Qu'on aime ou pas la proposition !


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