Mots Tordus et Bulles Carrées

Les chefs-d’oeuvre de Lovecraft (Gou Tanabe)

les chefs-d’oeuvre de Lovecraft est une série de mangas de Gou Tanabe consacrée à l’adaptation des romans et nouvelles de H.P. Lovecraft.

L’abomination de Dunwich

La réputation de Dunwich est ternie, depuis longtemps, par la suspicion de rites sataniques tenus sur les collines du village, près de cercles monolithiques.

Des années plus tard, un enfant nait dans la demeure des Whateley.
De père inconnu, le gamin nommé Wilbur fait preuve d’une précocité extraordinaire pour son âge.
D’une intelligence remarquable, il dévore avec avidité les vieux grimoires de son grand-père et se lance dans toutes sortes d’expérimentations.
Pour assouvir sa soif de savoir, le jeune garçon entre en contact avec le professeur Armitage.
Ce dernier a, dans sa bibliothèque, un ouvrage qu’il convoite avec envie : le Nécronomicon.

Une oeuvre charnière du mythe lovecraftien

L’horreur qui se cache dans les combles

L’abomination de Dunwich a été publié pour la première fois en 1929 et l’oeuvre s’est rapidement forgée une réputation de rouage primordial au mythe de Cthulu.

Paradoxalement, je n’ai jamais lu cette nouvelle dans sa version originale.
Pourtant, j’ai longtemps été fasciné par les écrits de H.P. Lovecraft, découvrant l’influence énorme qu’il a eu sur certains de mes auteurs préférés, Mike Mignola en tête.
Mais, sans trop savoir pourquoi, cette oeuvre est passée à travers les mailles de mon obsession.

Du coup, et contrairement aux autres adaptations de Gou Tanabe, je découvre cette effrayante histoire avec un oeil vierge, me permettant ainsi d’apprécier à un niveau encore supérieur tout le travail d’expertise du mangaka.
Car si j’estime aimer le fantastique Lovecraftien, ce n’est rien en comparaison de l’adoration que porte Gou Tanabe à l’écrivain américain, qu’il découvre pourtant tardivement.

Celui-ci, conscient de la richesse de cette nouvelle fantastique, décide, à l’image Des montagnes hallucinées, de couper ce récit en 2 tomes.
Sur la première partie, il se concentre avant tout sur la période Dunwich et sur l’étrange famille Whateley.
L’oeuvre regorge d’élèments symboliques.
L’un d’entre eux, déjà mentionné dans Le molosse, n’est rien d’autre que le Necronomicon.
Cet ouvrage fictif devient l’objet de convoitise du ténébreux Wilbur.
Et à l’instar du professeur Armitage, premier témoin des horreurs cachées de la demeure, on imagine le pire en voyant cet enfant en possession de cet ouvrage satanique.

Une famille maudite

Une inquiétante cellule familiale

Gou Tanabe profite donc de ce premier tome pour nous présenter la famille Whateley.
Pour bien marquer les esprits, le mangaka les met en scène en couverture ainsi qu’en première page du manga, par le biais d’un portrait de famille hypnotique et saisissant.

Cette image symbolise parfaitement tout le malaise que l’on ressent à la lecture de ce manga.
Le grand-père, la main sur le fils Wilbur, a éduqué en partie son fils et passe le reste de son temps à cloisonner sa demeure.
Il semble être, d’une certaine façon, le garant de cette horreur, mettant en garde les gens du village qui oseraient médire d’eux.
En symétrie, sa fille Lavinia a la main sur une silhouette invisible, peut être le mystérieux père.
Son ton blafard et ses expressions empruntes d’une certaine folie n’inspirent aucune confiance.
C’est elle qui initie son fils à des rites immoraux et ses énormes yeux et son sourire constant inquiètent plus qu’ils ne rassurent.
Pourtant, elle sera la seule à prévenir des dangers à venir.
Wilbur est au centre de cette famille dysfonctionnelle.
Si son faciès interroge, rappelant par certains aspects celui des villageois du Cauchemar d’Innsmouth, c’est son évolution et son intelligence qui surprennent.
Tout est rapide chez cet enfant. Il apprend à marcher et à parler en peu de temps, entame des conversations brillantes à 10 ans et grandit de façon irréelle, cherchant à prendre petit à petit son indépendance.

Mettre en image ce qui n’existe pas

Des paysages oppressants

Adapter l’univers graphique d’H.P. Lovecraft n’est pas une chose aisée.
Malgré les horreurs indicibles et les créatures mythologiques, tout paraît flou voire insondable à la lecture des oeuvres de l’écrivain.

À l’époque Des montagnes hallucinées, le style de Gou Tanabe a pu faire débat.
Son approche réaliste semblait en totale contradiction avec l’imagerie ésotérique et horrifique des récits d’H.P. Lovecraft.
Pour beaucoup, la vision destructurée et complètement folle d’Alberto Breccia convenait bien plus pour décrire les délires obsessionnels du maître de l’horreur.

Et pourtant, le mangaka a su se montrer convaincant.
S’il étonne, c’est tout d’abord dans la retranscription quasi parfaite des décors explorés par l’oeuvre de Lovecraft.
De plus, Il réussit à inventer une approche personnelle aux créatures et autres monstruosités qui peuplent cet univers, en leur donnant une certaine unicité qui renforce cette impression de mythe, tout en gardant le côté indépendant de chaque histoire.

Son style graphique détaillé et foisonnant renforce l’irréalité des situations, tout en leur imposant, de façon contradictoire, un contexte assez réaliste.
Il faut d’ailleurs avouer que, tome après tome, le mangaka saisit, avec une facilité déconcertante, l’univers de Lovecraft tout en le fusionnant au sien.

En résumé

Les chefs-d'oeuvre de Lovecraft de Gou Tanabe est l'exemple parfait d'une adaptation réussie autant sur le fond que sur la forme. 

Sur le fond, le mangaka fait preuve d'une véritable expertise en respectant l'oeuvre du maître de l'horreur tout en apportant les changements nécessaires, plus en accord avec notre époque. 

Sur la forme, si son style réaliste semble en contradiction avec l'ambiance horrifique des récits de Lovecraft, le mangaka retranscrit parfaitement cette atmosphère poisseuse et malaisante qui transpire dans chacun de ces récits . 

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