Les sœurs Lakotas (Benoît Séverac)

Le road trip est un sous-genre en littérature jeunesse que j’ai encore peu fréquenté. Le dernier en date, Les petites reines de Clémentine Beauvais, m’avait embarquée, de même que Sirius de Stéphane Servant, dans un genre post-apocalyptique, bien avant. Les soeurs Lakotas de Benoît Séverac tombait donc à point nommé pour lancer le voyage des grandes vacances, à travers l’Ouest américain.

Trois soeurs dans une Dodge break

Quand Denisa, de son nom lakota Bearfoot, reçoit cet appel téléphonique de Samantha Leaf, l’assistante sociale du gouvernement tribal, elle n’a que peu de temps pour prendre une décision. On vient d’arrêter sa mère pour conduite en état d’ivresse et cette récidive va lui coûter un an de prison ferme.

Du haut de ses 16 ans, Bearfoot va prendre en main la situation. Elle et ses deux petites soeurs Santee et Ray (10 et 6 ans) vont devoir fuir la réserve si elles ne veulent pas être séparées dans différentes familles d’accueil.

Elles grimpent à bord de la vieille Dodge break de leur mère et se lancent dans un long voyage vers la Californie. Bearfoot espère y trouver du travail dans les champs et un logement correct pour ses soeurs.

Ce voyage ne sera pas seulement l’occasion pour elle d’assumer sa responsabilité de « cheffe de famille » en lui conservant son unité mais aussi de sortir des frontières de la réserve et de son fonctionnement régi par le conseil tribal. De ne plus être réduite aux peurs de sa mère les concernant.

Notre mère est très fière de nous, mais elle s’inquiète également, parce que la beauté des filles attire des ennuis sur les réserves indiennes. « Il y a des prédateurs qui rôdent, et ils ne sont pas lakotas, je sais de quoi je parle », affirme-t-elle, sans que j’aie jamais vraiment su à quoi elle faisait allusion.

Bearfoot va donc devoir s’imposer en tant que grande soeur. En tant que jeune « native american » aussi et en tant que jeune femme tout court.

Des rencontres qui font grandir

Comme tout road trip, le voyage effectué par Bearfoot et ses jeunes soeurs ne sera pas que géographique. C’est aussi un voyage initiatique qui permettra à la jeune femme lakota de se révéler à elle-même. Et notamment par des rencontres.

Ce roman, malgré les difficultés rencontrées très rapidement par les 3 amérindiennes, est solaire. Et les rencontres sont autant de petits astres posés sur leur chemin vers la Californie.

Il y a d’abord Terry, le jeune responsable du supermarché. Puis Roger, un ancien shérif à la retraite, et son chien Max. Sa femme Amy, leur maison accueillante et leur générosité. Steve et sa bande, des jeunes venus fêter la fin de leurs études secondaires. Enfin Mike, Harvey, Samantha, et surtout David, des travailleurs saisonniers.

Chacune de ces rencontres est l’occasion pour Bearfoot de découvrir que ses préjugés et ses peurs à propos des non-natifs, peuvent se révéler faux. Chaque rencontre, à sa manière, va lui permettre d’apprendre à faire confiance mais aussi de découvrir qui elle est. Et non ce qu’on voudrait qu’elle soit.

Je n’ai pas d’autre choix que de quitter Pine Ridge ; car si je résume la situation : j’ai seize ans, j’habite l’un des endroits les plus misérables du pays le plus riche de la planète, je suis affublée d’un pied déformé qui me procure une démarche de sorcière, et mes perspectives d’avenir sont presque aussi sombres que celles d’une immigrante clandestine. Il n’y a pas grand-chose qui joue en ma faveur.

La narration à la première personne permet de comprendre les choix, les hésitations et les craintes de la jeune lakota. Mais aussi de s’immiscer dans la tendresse et l’amour qui l’unit à ses soeurs.

Benoît Séverac, plutôt adepte de l’écriture de romans noirs, nous offre ici une histoire lumineuse et peine d’espoir.

Pourquoi lire Les soeurs Lakotas ?

L'auteur nous emmène avec Les soeurs Lakotas dans un road trip familial touchant et profondément humain. Le voyage de Bearfoot, Santee et Ray vers la Californie va certes être semé d'obstacles. Mais il sera surtout l'occasion de découvrir une autre Amérique, métissée, généreuse, loin des sentiers battus des préjugés. Le courage de cette grande soeur qui donnerait tout plutôt que d'être séparée de ses soeurs, son amour pour elles et sa quête d'identité sonnent juste et résonnent encore une fois le roman terminé.

Je n’ai pas honte des miens, mais je ne veux pas me battre en leur nom pour autant. Je veux vivre ma vie, pas celle des autres.

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