La Grande Mort a frappé l’Amérique.
Alors que les survivants tentent d’échapper à une horde de cannibales, les puissants se sont retirés dans un bunker.
Ils y jouissent de leurs nombreux privilèges sans se préoccuper du reste du pays.
jusqu’à ce qu’Hawksworthe s’autoproclame président des États-Unis et décide de reprendre le territoire américain coûte que coûte.
Quitte à tout bruler pour mieux recommencer.
Heureusement, la résistance est en marche !
L’Amérique de demain !
Un pur défouloir

Post Americana de Steve Skroce fait figure de poil à gratter jeté en pleine face d’une Amérique en perdition.
Dans la plus pure tradition du comics de « sale gosse », allant de Frank Miller à Garth Ennis, l’auteur nous propose un récit brutal, irrévérencieux et extrêmement violent.
Il faut dire qu’entre We stand on guard, en collaboration avec Brian K. Vaughan, dont le propos résonne terriblement avec l’actualité et BRZRKR : bloodlines, une ligne directrice semble se peaufiner au fil de ses différents projets.
Post Americana continue le chemin entrepris en frappant avec une brutalité quasi-regressive.
Soyons honnête, le scénario de Steve Skroce ne fait pas dans la dentelle.
Entre une élite complètement azimutée donnant toute légitimité à un psychopathe, des clans cannibales jusqu’au boutistes, un super héros fanatique et des robots cartoon qui flinguent à tout va, l’auteur américain crée un univers emprunt d’une véritable folie.
Le récit enchaîne les scènes d’actions explosives avec un plaisir communicatif.
Ne lésinant aucunement sur l’hémoglobine, Steve Skroce s’en amuse par le biais de situations de plus en plus grotesques.
On pourrait croire que dans cette avalanche de tripes, les personnages auraient dû mal à s’épanouir.
Au contraire, Carolyn et Mike forment un duo atypique.
Si la première est menée par la vengeance, c’est la résistance qui fonde le combat de Mike.
À priori, tout les oppose. Mais, ils apprendront à se connaître, à se protéger et à survivre dans ce monde de fêlé.es.
Paradoxalement, le ton ne se veut pas déprimant.
On y retrouve même une sorte de joie cynique dans la découverte des horreurs dont l’humanité est capable.
Et franchement, aussi bordélique soit Post Americana, Steve Skroce nous offre de purs moments d’humour régressif, un peu bêtes et méchants qui, vue l’époque que nous traversons, ont valeur de catharsis.
Une critique au vitriol

Post Americana a été écrit lors de la première présidence Trump et se définissait comme une charge virulente contre le pouvoir en place.
Le récit n’aurait pu être qu’un amusant pamphlet d’une période passée.
Mais la réalité est parfois plus arrogante que la fiction et ce que l’on croyait impossible s’est produit. Trump a été réélu et le message de Post Americana n’en devient que plus pertinent.
Certes, Steve Skroce ne fait pas preuve de finesse mais il ne s’en cache aucunement.
Hawksworthe, plus qu’un « Trump like » est une résurgence du « Make America Great Again ».
S’il découle des élites, il met cette puissance financière au service de projets destructeurs.
Pour que l’Amérique soit à nouveau parfaite, il faut tout raser.
Le message est assez clair et l’apathie générale des puissants est saisissante.
Mais Steve Skroce, à l’image de l’excellent Punisher : The end de Garth Ennis et Richard Corben, compte régler ses comptes.
Ce qui frappe, c’est la bêtise généralisée.
À de rares exceptions, les américain.es sont des abruti.es fini.es obnubilé.es par leur simple individualité.
Que ce soit cette caste de puissants qui s’enferme dans un bunker ou une partie des survivants devenus cannibales, la sauvagerie et l’égoïsme priment sur le reste.
D’ailleurs, les cannibales reflètent assez bien ce clan de masculinistes blancs, obsédés par la bouffe et la baise, faisant du corps des autres un simple « produit » de consommation.
Dans ce monde, le rodéo est remplacé par des combats à morts où l’humain devient une simple pièce de barbaque.
Ironiquement, les poulets ont appris à se défendre et ne se laissent plus bouffer aussi facilement.
Steve Skroce égratigne profondément plusieurs marqueurs de la culture américaine.
Du super-héros, caricature extrême à la Dark Knight, à la firme d’animation, l’auteur frappe méchamment la culture « geek ».
Il n’est d’ailleurs pas difficile de faire le lien entre Wonder Studios et un mix entre Disney et Warner bros.
Cette puissance médiatique s’avère aussi puissante et ravagée qu’Hawksworthe dont la destinée amène forcément à sourire.
En effet, Steve Skroce reste assez optimiste et voit une forme d’espoir dans les nouvelles générations.
L’affirmation d’un style

Post Americana prouve une nouvelle fois tout le talent graphique de Steve Skroce.
Depuis ses années X-Force jusqu’à BRZRKR : bloodlines, son style n’a cessé de s’affiner.
Quant à sa narration, elle a profité de son travail de storyboarder sur Matrix.
Mais une chose devient évidente avec ce comics : Steve Skroce est sans doute un des meilleurs disciples de Geoff Darrow.
Et en effet, que cela soit dans son approche graphique ou dans son propos, on retrouve de nombreuses similitudes avec The Shaolin Cowboy.
Si l’univers de Steve Skroce est plus foutraque, n’ayant pas encore le talent de synthétisation de son homologue, on ressent le même amour pour des outrances assumées de bout en bout.
Les cannibales jouent avec des têtes, s’habillent de peau humaine et on en rigole.
S’il cherche à choquer, c’est non pas par l’horreur comme pourrait le faire La route de Manu Larcenet mais plutôt par l’absurdité des situations.
Au final, il se sert de cette violence pour mieux se moquer des vices de l’humanité en les déformant à l’extrême.
En résumé
Post Americana de Steve Skroce est un récit cynique, irrévérencieux, violent et terriblement jubilatoire.
Écrit lors de la première présidence Trump, il aurait dû n'être qu'une charge virulente, méchante mais assumant totalement ses extrémités.
Avec la réélection de Trump, toutes les outrances du récit nous sautent à la gorge et démontrent que la bêtise (voire l'abrutissement) des masses et des élites n'étaient pas forcément une folle extrapolation.
Steve Skroce tape là où ça fait mal et n'est tendre avec personne. Riches, pauvres, élites et geeks, tout le monde en prend pour son grade.
Plus qu'une charge sur Trump, c'est une Amérique en fin de parcours que nous décrit l'auteur américain qui malgré tout, garde une forme d'optimisme à travers son improbable duo.
Une oeuvre méchante, jouissive et graphiquement sublime.


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