New Warriors (Fabian Nicieza / Mark Bagley)

Pour le jeune gamin que j’étais, les années 90 ont symbolisé quelques bouleversements.
Après une année difficile, je redouble ma 5eme et commence l’année sans amis.
À cette époque, je ne m’intéressais pas à grand chose et les journées me paraissaient longues et ennuyeuses.

Aussi loin que mes souvenirs me portent, je me revois accompagner ma mère au bureau de tabac du quartier.
Pendant qu’elle faisait ses achats habituels, les clopes pour mon père, les Voici et autres Gala ainsi que les inévitables jeux à gratter, je me retrouve à farfouiller dans les magazines, tombant presque par hasard sur celui qui allait bousculer ma petite vie de jeune ado : Spécial Strange.

Le monde des super-héros ne m’était pas totalement inconnu.
J’avais même récupéré quelques vieux Aredit vendus en bloc sur les stands des marchés.
Essentiellement des DC comics d’ailleurs.
Du coup, à part Spider-Man, les héros de Marvel m’étaient jusque là inconnus.

Ainsi, ce Spécial Strange a été mon galop d’essai dans un monde qui a longtemps marqué ma vie de lecteur.
La revue, éditée par SEMIC, contenait deux séries.
Les Uncanny X-Men, chapeautés à l’époque par Chris Claremont et Jim Lee, et une toute nouvelle série (mais tout était nouveau pour moi), les New Warriors de Fabian Nicieza et Mark Bagley.

Encore aujourd’hui, cette période m’évoque des souvenirs qui vont au delà de la nostalgie.

Un pur condensé des années 90

Les adolescents à la sauce Marvel comics

On a tendance à l’oublier mais, initialement, les comics de super-héros étaient destinés aux plus jeunes.
Il n’a d’ailleurs pas fallu longtemps pour que les éditeurs incorporent de jeunes héros auxquels le lectorat pouvait s’identifier.
De Teen Titans à New Mutants, les séries d’adolescents en collants ont connu de beaux succès, dépassant le simple produit d’appel.

Soyons honnête, celui des New Warriors aura été plus discret.
Mais, les années 90 ont vu l’imagerie des super-héros évoluer drastiquement.
Les lecteurs.rices ont grandi et leurs attentes n’étaient plus les mêmes.
Les auteurs l’ont vite compris et ont proposé des histoires plus sombres, reflétant d’une certaine façon les préoccupations de l’époque.

Les New Warriors en sont un parfait exemple.

Violence au sein de la structure familiale

Marvel cherchait à renouveler son image.
L’éditeur profite donc de l’occasion en créant une toute nouvelle équipe composée de héros de seconde zone.
Nova, Speedball, Namorita, Firestar, Marvel Boy et le tout nouveau Night Fighter sont inconnus du grand public.
Mais c’est une aubaine pour Fabian Nicieza qui va avoir les coudées franches pour les développer librement.

Tous sont adolescents.
Ainsi, en dehors de leurs activités secrètes, ils se comportent et ont de problématiques d’adolescents amenant les auteurs à traiter leur vie familiale comme un axe majeur.
Et Fabian Nicieza n’hésitera pas à « taper fort », mettant notamment en scène la violence familiale, physique et psychologique.

Sur ce premier intégral, des personnages se démarquent et d’autres se font plus discrets.
Mais, le scénariste rétablira l’équité et ne laissera aucun membre sur le bas côté, leur réservant autant de moments de joie que d’autres plus dramatiques.

Night Fighter est un tout nouveau personnage.
Si son côté « Batman street » est assez caricatural, il n’en est pas moins l’archétype des héros de cette époque, rongé par une violence qu’ils ont du mal à contenir.
Il n’est d’ailleurs pas anodin de le voir affronter le Punisher dont il est une sorte de résurgence.

Nova risque d’en agacer plus d’un.e et d’étonner ceux qui connaissent son évolution actuelle.
Il est le seul à avoir une « carrière », ce qui le rend légèrement prétentieux.
Pour couronner le tout, c’est un dragueur lourdingue et un poil beauf : un pur produit des années 90.
Heureusement, Namorita a les reins assez solides pour l’envoyer balader. Il faut dire qu’en tant que cousine du prince des mers, elle a de qui tenir.

Speedball fait office du comique de la bande.
Cependant le personnage est bien plus complexe que cela.
Petit jeunot de l’équipe, son immaturité cache une vie familiale plus chaotique.

Firestar est pour le moment sur la réserve mais le personnage saura se montrer sous un autre jour.

Et puis, il y a Marvel Boy.
Sans doute le personnage le plus intéressant de la bande.
Le héros typique dont on connait déjà la destinée et pourtant…
La violence entretenue dans les rapports qu’il a avec son père va construire le personnage de façon brutale.

Chacun de ces membres va apprendre à se connaître.
Tout ne se passera pas facilement. Les oppositions seront fréquentes mais, petit à petit, les New Warriors vont former une équipe soudée et puissante.

Une écriture mainstream maitrisée

Il n’est jamais bon de faire face au Punisher

Fabian Nicieza débute sa carrière avec les New Warriors
Et, comme pour son équipe, les premiers pas sont hésitants.
Il faut dire qu’il n’est pas le créateur du groupe.
En effet, l’équipe apparait pour la première fois sous la plume de Tom DeFalco et Ron Frenz, dans les pages de Thor.
L’histoire, typique des années 80, pose les bases d’un groupe déjà formé.

Fabian Nicieza va créer, à partir de cette histoire, une intrigue plus vaste dont les premiers prémisses se retrouvent dès les premiers épisodes.
A cette époque, les comics ne fonctionnaient pas par run.
Les auteurs écrivaient des histoires complètes d’un ou deux épisodes et liaient l’ensemble par le biais d’un axe majeur plus conséquent.
Le scénariste américain applique à la lettre cette recette.
Il multiplie les menaces diverses tout en préparant le terrain à des évènements majeurs.
Certains d’entre eux trouveront leur conclusion dans un numéro 25 bouleversant.

Si l’auteur accorde une importance aux traumas de ses personnages, quitte à leur en créer de nouveaux, il ne se contente pas de cela.
Dans ses intrigues plus « classiques », il jette un regard critique sur la société, abordant ses dérives écologiques ou humaines.
Ainsi, il apporte de la nuance à ses « vilains », leur donnant des objectifs plus « louables », bien loin de la conquête du monde.
Même si cet aspect sera aussi présent.

Si les intrigues du scénariste ne sont pas forcement originales, elles n’en sont pas moins haletantes, amenant pour certaines d’entre elles, à une certaine réflexion ou à des rebondissements inattendus.

D’ailleurs, on peut déjà dévoiler que le second intégral fera monter d’un cran la qualité scénaristique de la série, qui aura passé cette première année avec succès.

Classicisme et régularité

Un trait classique mais solide

La série, assez courte ( 74 épisodes ), bénéficiera de la régularité de son scénariste mais aussi de ses dessinateurs.
Deux d’entre eux se démarquent : Mark Bagley présent sur 25 épisodes puis Darick Robertson pour la suite.

Mark Bagley fait aussi ses débuts sur cette série.
Si le dessinateur est connu pour sa prestation sur Ultimate Spider-man, ses premiers travaux tiennent admirablement la comparaison.
Certes, son dessin manque d’aspérité et d’ambition mais il le compense par une technique solide et une certaine constance.
Malgré tout, l’association avec le pourtant brillantissime Al Williamson ne lui conviendra pas.
Le style haché et torturé de l’encreur s’accorde mal au trait du dessinateur et c’est donc, le plus convenu Larry Mahlstedt qui prendra la relève avec plus de réussite.

Si Mark Bagley reste un dessinateur encore très actif, The New warriors est sans doute une de ses meilleures prestations.
L’auteur, connu pour sa rapidité, perdra petit à petit la rigueur technique qui a fait sa popularité et qu’on a le plaisir de retrouver ici.

L’arrivée de Darick Robertson va mettre un petit coup de pied dans la fourmilière de ce petit monde propret.
Le dessinateur anglais s’est fait connaitre avec la série Transmetropolitan, aux côtés de Warren Ellis, et on peut dire que cette nouvelle approche graphique va en dérouter plus d’un.
Personnellement, je n’avais pas aimé son arrivée mais je suis impatient de pourvoir relire prochainement ces épisodes avec un œil nouveau.

En résumé

C'est certain, The New Warriors de Fabian Nicieza et Mark Bagley est typique  des années 90. 

Cependant, la série est le symbole d'une écriture dynamique qui n'hésitait pas, derrière le divertissement, à aborder des thématiques de société importantes. 
Fabian Nicieza a su donner du corps à une équipe attachante autant par ses exploits super héroïques que par leurs vies personnelles, frôlant par moment le drame. 

Mark Bagley fait des débuts remarqués, même si on lui reprochera un certain classicisme largement compensé par la solidité de son trait. 
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'il se retrouvera, par la suite, lié à la destinée d'un des plus grands super-héros de Marvel : Spider-Man 

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