Mots Tordus et Bulles Carrées

Et le ciel se voila de fureur (Taï-Marc Le Thanh)

C’est d’abord le titre de ce roman qui a attiré mon attention. « Et le ciel se voila de fureur« … En écho, j’y ai entendu « Le Bruit et la fureur » de William Faulkner et des vers de Racine. Puis a surgi l’illustration de Taï-Marc Le Thanh et la tragédie qui plane au-dessus d’une famille réunie autour d’un feu de camp dans l’Ouest américain. Enfin, la quatrième de couverture a fini d’attiser ma curiosité. « Il paraît que les femmes ont une place en ce monde, mais qu’elles mettront un peu plus de temps à la trouver. » C’est ainsi que j’ai commencé à lire ce récit, publié aux éditions de L’Ecole des loisirs.

Hidalgo et les enfants perdus

La narratrice qui ouvre le prologue est une vieille dame de 116 ans. Elle raconte à un journaliste venu l’interviewer son enfance et sa jeunesse pendant la conquête de l’Ouest. En 1865, elle avait 4 ans…

Mais si son récit intéresse tellement le jeune homme, c’est qu’elle est l’un des membres d’une famille pas comme les autres. Abigail, Lisbeth, Samantha, Ellen, Maureen et Anton ne sont pas frère et soeurs. Et Hidalgo, l’homme qui les a élèvés et protègés n’est pas leur père. Mais il les a recueillis, refusant de les abandonner à une vie de misère et de violence.

Car Hidalgo veut leur offrir une nouvelle vie. Et l’Ouest américain est le décor idéal pour jouer cette nouvelle pièce.

Lui-même a fui un passé cruel et teinté de morts. Il vient de France et, on le découvre rapidement, possède un don pour le maniement des armes, ce qui lui a valu le surnom d' »Ange noir ».

Sur le chemin de sa rédemption, il a pris sous son aile 5 filles. Il leur a appris à lire, à vivre dans la nature mais aussi à se défendre. Car la vie dans le Far West n’est pas de tout repos. Et les rencontres y sont souvent de mauvais augures. C’est d’ailleurs un premier groupe de bandits qui lance le récit de la destinée singulière de cette famille hors du commun.

Malone, Rictus et Luis

Alors qu’ils ont recueilli un jeune garçon aveugle, la famille se trouve confrontée à trois bandits qui veulent l’éliminer car il a été le témoin d’un massacre. Alors qu’Hidalgo et ses filles pensent s’être débarrassés avec efficacité des 3 hommes et qu’ils se réfugient à Crimson Creek, ils se retrouvent pris en otages à leur tour par la bande de Virgil, l’homme qui dirige la ville.

Dès lors, Hidalgo n’a d’autre choix que d’accepter de faire ce qu’on attend de lui pour sauver ses enfants. Mais cela ne signifie pas qu’il va s’y soumettre bien longtemps. Sa vengeance sera sanglante et meurtrière.

Peut-on fuir son passé et écrire sa propre histoire ?

Pris dans un tourbillon de violence et de vengeance, la famille tente d’avancer et de construire la paix et la vie dont elle rêve. Ainsi, les moments de poésie et d’émotion alternent dans le roman avec des scènes d’action intenses et des flashbacks révélateurs du passé d’Hidalgo.

La complexité de ce personnage, qui fuit son passé et tente de construire un futur heureux à ses enfants, est d’ailleurs l’une des plus belles réussites de ce récit. Les liens qui l’unissent aux 6 enfants sont tangibles et profonds. L’idée de famille est ici bâtie au-delà de toute notion de sang ou de génétique. L’héritage qu’il souhaite leur laisser est davantage une vision de la vie et une profonde liberté. Ce qu’il construit avec eux, et elles en particulier, c’est leur indépendance et leur autonomie.

« – Pour l’instant vous êtes des petites filles, poursuivit Hidalgo, mais plus tard, lorsque vous atteindrez l’adolescence et l’âge adulte, vous attiserez la convoitise d’un nombre incalculable d’individus fort peu fréquentables. Et là…?
– Combat de rue ! s’écrièrent Abigaël et Lisbeth de concert.
– Parfait, dit Hidalgo dans un sourire. Alors maintenant, en garde ! »

La solidarité et l’amour qui les attachent est particulièrement touchant. Le monde qu’ils veulent construire apparait d’ailleurs comme un petit Paradis, perdu dans la nature. Mais comment vivre hors du monde ? Comment échapper à la soif de vengeance des hommes et à leur cupidité ?

Pourquoi lire Et le ciel se voila de fureur ?

Construit à la fois comme une pièce de théâtre en trois grandes parties mais aussi comme un grand western épique, Et le ciel se voila de fureur se lit comme une magnifique aventure humaine. Les paysages sont grandioses, la nature sauvage et les personnages, qu'ils soient bons ou animés de mauvaises intentions, pures brutes ou méchants complexes, contribuent à donner une ampleur particulière à cette fresque familiale. 

Taï-Marc Le Thanh est un grand conteur et son roman emporte littéralement. On aura également plaisir à découvrir des croquis qui illustrent ponctuellement le récit. Mais surtout, on appréciera la puissance des personnages féminins, bien loin des clichés, et le sens profond que ces 5 jeunes femmes apportent à la notion de sororité et d'héritage familial.

Prix et récompenses

  • Mention spéciale du Prix Vendredi 2022.

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Mots tordus

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