Undertaker (Xavier Dorison / Ralph Meyer)

Undertaker est un western mettant en scène Jonas Crow, ancien soldat, devenu, à la fin de la guerre de sécession, croque-mort itinérant.

Undertaker : cycle 4

Alors qu’il reçoit une demande d’aide de Rose Prairie, l’amour de sa vie, Jonas Crow n’hésite pas une seconde et part la rejoindre.
Mais celle-ci, étonnée de ce retour impromptu, lui annonce qu’elle n’est pas à l’origine de ce message.
Ainsi, Jonas apprend qu’il est l’œuvre de Randolph Prairie, le mari de Rose.
Le médecin a besoin d’un croque-mort pour un enterrement particulier.

Croque-mort sentimental

Une violente déception

Xavier Dorison ne s’en cache pas.
Undertaker était, en premier lieu, un hommage appuyé au Blueberry de Jean-Michel Charlier et Jean Giraud.
Si l’ambition était louable, Bouncer de Jororowski et François Boucq occupait déjà le créneau depuis quelques temps.
Sans oublier que Stern des frères Maffre avait considérablement dépoussiéré le genre.

Malgré tout, Xavier Dorison a de la bouteille et, dès le second cycle, il développe non seulement le passé de son héros mais aussi sa psychologie, s’éloignant légèrement du héros imperturbable.
À ce niveau, la relation qu’il crée entre le croque-mort et Rose Prairie tient presque de la romance et le début de ce tome 7 nous le montre sous un jour sentimental assez nouveau.
Il est presque attachant de le voir réagir comme un adolescent à la simple lecture de ce message.
On comprend ainsi toute sa frustration quand il se rend compte qu’il n’était pas attendu et sa fuite montre toute la colère (mais aussi la rancoeur) que Jonas garde en lui.

Heureusement, il est loin d’être rancunier.

Progrès moraux et croyances rétrogrades

Le poids de la foi sur les âmes perdues

Si le retour de Rose Prairie est déjà une idée alléchante, l’auteur ne met pas longtemps à nous montrer les véritables intentions de son intrigue.
Par le biais de Randolph Prairie, le scénariste décrit la modernité d’un médecin qui vit dans une époque en proie à une religion omniprésente.
Celui-ci, enfermé dans une bourgade rétrograde, cherche à trouver sa place et accepte d’avorter une jeune femme.
Acte ô combien inconvenable pour la ferveur d’une populace subjuguée par l’emprise de Madeleine Esther et Monsieur Hasan, membre de la ligue pour la suppression du vice au Texas.

Car voilà, avorter à cette époque, encore plus au Texas, est considéré comme une meurtre.
Si Xavier Dorison nous montre que même des hommes de foi doutent de cela, il développe, à travers la soeur Esther, le visage d’une radicalité extrême.
Choisir cette thématique dans le cadre du Western, genre profondément attaché à la culture américaine, nous rappelle amèrement que certains états américains reviennent petit à petit sur ce droit primordial.

Malgré tout, le sujet n’est pas facile à aborder et le scénariste ne souhaite pas devenir, à son tour, moralisateur.
Si Jonas Crow ne cherche aucunement le jugement, il comprend que ce choix n’est pas anodin et qu’il n’a pas été pris à la lègère.
Au fond, peu importe le pourquoi, la douleur ne s’arrête pas à un simple cercueil de petite taille.
Elle demande juste à ne pas être jugée.

Madeleine Esther ne lui accorde pas ce droit.
À travers ce personnage, Xavier Dorison crée un personnage terrifiant d’obscurantisme.
Pour obtenir ce qu’elle veut, elle n’hésite pas à manipuler son entourage par le discours puis la menace.
Sur son chemin, elle propage la terreur et élimine tous ceux qui se mettraient en dehors du chemin de la foi.
La froideur de ses paroles contraste avec la violence qu’elle crée souvent par la menace.
Après tout, qui n’a aucun pêché à cacher ?

L’art suprême de Ralph Meyer

Une scène de nuit fascinante

Dire que la patte graphique de Ralph Meyer est extraordinaire est un euphémisme.
Et cela ne date pas d’Undertaker.
Même si son trait a un peu évolué depuis Berceuse assassine et IAN, le dessinateur s’est dirigé vers un réalisme nécessaire pour s’approprier le genre même du western.
Et on sait à quel point le dessin d’un cheval peut donner des sueurs à nombre de dessinateurs en herbe ( ou pas ).
Avec Undertaker, il se met tout d’abord dans les pas du légendaire Jean Giraud.
À l’instar de François Boucq sur Bouncer, il reprend certains de ses codes graphiques pour les faire siens ( notamment dans le traitement des décors naturels).
Ceci dit, plus la série compte de volumes, plus le dessinateur s’échappe de cette ombre pesante en réalisant de magnifiques prouesses graphiques, à l’image de cette scène de nuit dans le tome 7.

Narrativement, on est dans du pur franco-belge devant soutenir la verve littéraire de son scénariste.
Mais Ralph Meyer s’en sort impeccablement.
Tout est méticuleusement réfléchi, comme le démontre ses hallucinants carnets de story-bord.

En prime, la couleur de Caroline Delabie offre un merveilleux écrin aux dessins du dessinateur.
Les atmosphères sont sublimes, tout en étant d’une simplicité déconcertante.
Leur collaboration fait indéniablement partie des meilleurs duos dessinateur / coloriste actuels.

En résumé

Si, à la création d'Undertaker, Xavier Dorison et Ralph Meyer avaient l'ambition de reprendre le flambeau de Blueberry, ils sont su dépasser le simple hommage et offrir sa propre originalité à Jonas Crow. 

Xavier Dorison fusionne à la perfection les thématiques du western classique avec une réflexion permettant d'aborder des sujets d'actualité comme l'avortement ou l'homosexualité.

Quant au duo Ralph Meyer et Caroline Delabie, il continue à explorer toutes les facettes d'un art graphique fascinant.

Undertaker est un western certes classique mais profondément humaniste

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