Mots Tordus et Bulles Carrées

La perle ( Anne- Margot Ramstein / Matthias Arégui )

Le genre de l’album sans texte est défini par Sophie Van der Linden ainsi : « C’est un livre dont le sens ou l’histoire sont uniquement portés par une suite d’images« . Dans ce domaine, la créativité dont font preuve les auteurs de La Perle, Anne-Margot Ramstein et Matthias Arégui, paru en 2021 aux éditions La Partie, n’est pas un coup d’essai. Ils avaient déjà oeuvré ensemble sur deux albums de ce genre : Avant, après et Dedans, dehors.

Le voyage d’une vie

La Perle est le récit en images du parcours d’une perle. D’abord cueillie au fond de l’océan par un jeune garçon, elle est ensuite offerte à la jeune fille dont il est amoureux. Elle va passer ensuite entre de multiples pattes et mains, voyager à bord d’un bateau puis dans un demeure royale. Dans l’estomac d’un poisson et dans une bouteille de sirop. Elle va ainsi cheminer, malgré elle, au gré de vols et de pertes hasardeuses, autour du monde.

L’histoire de cette perle n’est pas sans rappeler le court récit de John Steinbeck du même nom, qui dénonçait la possession matérielle et s’apparentait davantage à un conte philosophique. Mais l’on retrouve d’abord ici le plaisir d’un récit plein de rebondissements qui nous projette dans des décors variés et colorés.

La découverte de la perle

Le jeu du lecteur est donc de suivre cette perle, disséminée sur les pages de l’album. Et de découvrir les vies de nombreux personnages qui l’ont eue entre les mains.

Car, au fil des pages et du voyage, le temps s’écoule, au gré des saisons et des années. On découvrira, en fin d’album, dans un parallèle émouvant, que la perle a retrouvé son premier propriétaire et sa fonction première. Etre le coeur amoureux d’une fleur-bijou.

Une narration astucieuse

L’album se lit en 2 temps à chaque page. En effet, la page de gauche constitue toujours une sorte de zoom sur une situation qui va prendre sens avec l’illustration de droite. Le recul opéré permet ainsi de visualiser la scène entière, dans son contexte et son décor.

On s’amusera à suivre ainsi le parcours de l’objet et des personnages qui entrent à son contact, volontairement ou involontairement. La lecture est donc séquentielle, comme on pourrait le faire dans une BD. Les double-pages se suivent et se relient les unes aux autres. Elles rendent le lecteur acteur puisqu’il doit comprendre où est la perle pour dérouler le fil de cette histoire.

Où sommes-nous ? Où est la perle ?

Les illustrations réalisées à 4 mains par Anne-Margot Ramstein et Matthias Arégui sont colorées et amples (le format s’étirant jusqu’en bord de page). Parfois géométriques, elles n’en restent pas moins sensibles, avec notamment des paysages somptueux.

L’absence de visages humains (toujours masqués par des objets ou positionnés de dos) peut décontenancer mais elle permet d’impliquer le lecteur dans un point de vue interne et de focaliser l’attention sur les corps et les décors.

A lire et à relire

L’album possède ainsi plusieurs niveaux de lecture qui le rendent complexe et riche d’interprétations. On peut s’amuser, avec les plus petits, à chercher la perle dans l’image. Plus tard, on pourra réfléchir à la symbolique de cet objet précieux et aux différents sens que l’homme lui donne. De la preuve d’amour d’enfance à la représentation royale ou à la pollution des eaux. Enfin, ce petit objet raconte également le cycle de la vie. En effet, la perle retournera orner sa bague-fleur initiale, gage d’un amour qui a survécu à sa disparition.

La réflexion se fait aussi écologique

Le regard que portent les deux auteurs sur l’enfance touchera aussi par son détachement vis-à-vis de la « valeur » de la perle. A plusieurs reprises, les enfants qui l’ont en main la considèrent comme un jouet. Et ce n’est sans doute pas un hasard si elle termine, à l’avant-dernière page, dans un grenier empli de souvenirs d’enfance. Et d’amour.

Pourquoi lire La Perle ?

La Perle d'Anne-Margot Ramstein et Matthias Arégui est un album sans texte à la puissance narrative et aux images colorées et évocatrices qui suivent le parcours d'une perle volée, perdue et retrouvée. Comme l'indique la référence à Max Ophuls en fin d'album : "Le hasard a ceci d'extraordinaire qu'il est naturel." 

Et l'on sera touché par l'heureux hasard qui offre à la fois une multitude de rebondissements à l'histoire de cette perle et une conclusion touchante à son voyage.

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Mots tordus

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