The moon is following us (Daniel Warren Johnson / Riley Rossmo)

Cela fait plusieurs jours que Duncan et Samantha préparent leur plan de bataille.
Accompagnés de Brio, un prince grenouille féroce, ils tentent de rejoindre Portiface, magicien et aide précieuse pour cette mission périlleuse.
Mais le couple, malgré certaines tensions, sait qu’il n’a guère le choix.
Pour sauver leur fille Penny, ils sont prêts à tous les sacrifices.

Le rôle de tous parents

Un monde fantasmagorique

Prince crapaud et char d’assaut

The moon is following us est la dernière pépite de Daniel Warren Johnson, accompagné pour l’occasion par Riley Rossmo.
Et on peut dire qu’hormis Transformers, plus anecdotique, la bibliographique de l’auteur américain est fournie en « incontournables ».

Si l’essentiel de ses récits est mû par des thématiques similaires, Daniel Warren Johnson s’amuse à varier les plaisirs suivant ses envies.
Ainsi, on n’est guère surpris de le retrouver sur une oeuvre hybride, puisant ses inspirations dans des sources aussi diverses que le conte, la fantaisie ou la science fiction.
Les premières pages évoquent les codes du conte fantastique autant par ses protagonistes que son univers.
D’ailleurs, la mission de Duncan et Samantha est l’équivalent d’une quête devant les amener jusqu’au boss « final ». À ceci près que le trésor n’est autre que leur fille.
Pour les aider, ils peuvent compter sur Brio, une grenouille guerrière assez efficace et Portiface, un vieux magicien qui se retrouve dans la démarche du couple.
Mais évidemment rien n’est jamais aussi simple avec Daniel Warren Johnson.
La magie côtoie l’armement lourd sans que cela n’étonne personne.
Et pour cause…

De Murder Falcon à Do a power bomb, il se sert de la fiction pour y insérer un propos humaniste.
Et effectivement, l’atmosphère de ce comics est étonnement sombre, voire désespérée. Cela se ressent dans des relations de couple tendues.
Samantha reproche à Duncan de ne pas s’impliquer plus radicalement. Alors que cette dernière se jette dans la mêlée sans trop réfléchir aux dommages collatéraux.
Duncan n’est pas un lâche. Il n’est pas encore prêt à sacrifier sa morale alors que sa femme ne se pose plus ce genre de questions.

Lorsqu’on découvre le couple, on est à un moment charnière de l’aventure. Or, il va falloir patienter quelques pages pour saisir les tenants et les aboutissants de The moon is following us.
Par le biais du cliffhanger du chapitre un, Daniel Warren Johnson apporte un sens à cet esprit foutraque, rendant l’ensemble d’une logique implacable.

Et c’est en partie la force de ce récit.
Le scénariste saisit le moment parfait pour dévoiler son jeu, apportant la puissance émotive qui fait la richesse de ses comics.

La parentalité : un sacerdoce

Voyage entre deux mondes

Il est difficile d’explorer la richesse de The moon following us sans aborder le personnage central de récit : Penny.
Quasi-absente sur une grande partie de l’intrigue, elle est néanmoins le principal rouage de cette quête.

D’un certaine façon, The moon following us est un miroir inversé à Do a powerbomb, avec, en toile de fond, l’exploration des rapports familiaux à travers des thématiques aussi fortes que la maladie ou le deuil .

En effet, Penny n’est pas morte. Atteinte d’une étrange maladie, elle tombe dans un sommeil profond dont elle n’arrive plus à sortir. Un classique des contes de fée.
Les méthodes scientifiques ont toutes échoué, seule la magie pourrait apporter une lueur d’espoir aux deux parents.
Quand on les découvre la première fois, ils ont l’air épuisés. Résiliants, combattifs mais fatigués.
Comme mentionné plus haut, Samantha est plus radicale. Elle n’hésite aucunement à user de violence pour se débarrasser des ennemis qui se mettent sur son chemin.
Duncan semble plus réservé, même si son évolution s’avère surprenante, au point de devenir une thématique à part entière.

D’une certaine manière, Daniel Warren Johnson aborde la question du sacrifice parental.
Qu’est-on prêt à faire, voire à commettre, pour sauver nos enfants ?
Si la mission de Duncan et Samantha est louable, l’auteur ne peut s’empêcher d’y apporter quelques bémols. D’ailleurs, les retournements de situations du dernier tiers amènent un ultime souffle à une histoire qui n’en manquait pas.

Personnellement, je suis sorti chamboulé par The moon following us qui, par le biais de ce conte fantastique, nous amène à réfléchir à notre rôle de parents, tout en abordant des traumas bien plus profonds.

Et, une nouvelle fois, DWJ frappe fort et juste !

Un compagnon émérite

Tout est une arme !

On considère Daniel Warren Johnson comme un auteur complet.
Si on enlève le poste de coloriste qu’il laisse à son comparse de toujours, Mike Spicer, DWJ prend en charge tout le reste. Il est donc rare de le retrouver en duo avec un autre dessinateur.
On peut effectivement citer Transformer mais, une nouvelle fois, la proposition n’est pas la même.

Car, en réalité, The moon following us, c’est du pur Daniel Warren Johnson. D’ailleurs, ce n’est sans doute pas un hasard s’il prend en charge une partie du dessin, celle qui se passe dans le monde réel , avec des planches toujours aussi exceptionnelles.
Mais vous connaissez déjà tout l’amour que je porte pour son travail, ce n’est donc pas la peine d’en rajouter.

Riley Rossmo, à contrario, est beaucoup moins connu. Une grande partie de sa carrière s’est faite chez DC comics avec de nombreux fill-in mais aussi deux maxi séries, une sur Constantine et une autre consacrée au Martian Manhunter, malheureusement inédite chez nous.

Cependant, je dois avouer que son style est assez difficile à aborder.
Surtout que, sur les deux premiers chapitres, il est presque en conflit avec celui de DWJ.
Beaucoup plus rond, malléable et étrange, le dessin de Riley Rossmo risque de diviser.
Pourtant, et c’est là qu’on retrouve toute l’expertise de son co-auteur, c’est sans doute cette différence de style qui apporte ce petit grain de folie unique.
L’univers foutraque, les design cartoonies et incongrus, les protagonistes étranges, toutes ces bizarreries sont le fruit de la créativité de l’auteur canadien, qui va jusqu’à mettre en scène un empalement de requin hilarant.
D’une certaine façon, le trait de Riley Rossmo sert de caution aux loufoqueries d’un scénario qui se permet d’être perché, sans pour autant sacrifier son émotion.

De façon presque magique, les planches du duo s’entremêlent, créant une seule et unique oeuvre.
Et on referme cet album en ayant fait la découverte d’un auteur hors-norme qu’on espère revoir rapidement !

En résumé

The moon is following us est la nouvelle pépite de Daniel Warren Johnson, accompagné pour l'occasion de Riley Rossmo. 

Derrière ce conte teinté de fantaisie et de science fiction, se cache une oeuvre particulièrement poignante, abordant autant le sacrifice parental que le deuil et les traumas de l'enfance.

Pourtant, la question existentielle de ce comics reste simple : " Et vous, quels sacrifices êtes-vous prêt.es à faire pour vos enfants ?"
Si la réponse semble évidente, elle n'en est pas moins éprouvante, voire bouleversante.

Les auteurs se partagent la partie graphique.
Si DWJ se charge de la partie réelle, Riley Rossmo apporte sa fantaisie et ses loufoqueries à un univers qui n'en manque aucunement, malgré le sérieux de la quête entamée par Samantha et Duncan.

Un nouveau coup de coeur à ajouter à la bibliographie de DWJ !
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